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Hôtel Labourdonnais – Chef Nizam Peeroo : « Nul besoin d’étoiles en cuisine pour transmettre le savoir-faire »

Le 14 avril, le chef Nizam Peeroo fêtera ses 60 ans. À le voir aussi agile aux fourneaux, on tend à oublier presque qu’il est l’âme de la cuisine du Labourdonnais Waterfront Hotel. Pourtant, il a créé environ 4 200 recettes au cours de ces 25 dernières années. Alchimiste à sa façon, il sait jouer sur les subtilités des plats en mettant en relief le savoir-faire de notre terroir.

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Brède, chevrettes sèches, poisson salé, glace au jamblon, le chef Nizam Peeroo revisite à sa manière les plats. Son étoile du savoir, il la dédie à sa brigade et à ces petits chefs devenus grands sous d’autres cieux dont Franco Bowanee, étoilé Michelin 2019. Quand on parle de dîner gastronomique au Labourdonnais Waterfront Hotel, tous les regards se tournent vers Nizam Peeroo, réputé pour sa tournure d’esprit, la touche particulière qu’il apporte à ses plats. Partir à la rencontre de Nizam Peeroo, c’est goûter un moment à la fois unique et privilégié.

Nizam Peeroo met en avant tout un art de vivre à la mauricienne de manière ludique et conviviale. Ses plats insufflent un esprit de raffinement, faisant de lui un ambassadeur privilégié de la cuisine locale. Récusant le mot gastronomie, il préfère parler d’élaboration d’un plat. «La gastronomie, c’est un terme de premier choix. Moi, je fais une cuisine élaborée avec une technique européenne mais mon approche en cuisine est plus subtile car je travaille à la fois avec des produits locaux et des produits importés. »
Quand il évoque son parcours au Labourdonnais Waterfront Hotel, Nizam Peeroo parle

« d’accueil spécial » dans la mesure où le Labourdonnais était le premier hôtel de ville de Port-Louis avec tous ces employés réunis comme une grande équipe. « On était conscients du défi qui nous attendait, mais tout le travail se faisait en équipe avec la volonté d’y arriver. Je n’ai pas vu passer les 25 ans du Labourdonnais, car durant toutes ces années beaucoup de projets ont été concrétisés. On s’est toujours réinventé bien avant le Covid, ce qui a fait la force de cet établissement hôtelier. La philosophie du Labourdonnais est de demeurer riche en qualité. Ce qui n’empêche pas les prix d’être abordables. Ce qui a énormément contribué, du reste, au succès du Labourdonnais. La cuisine, c’est un don en partage, il faut savoir transmettre, voire donner ce que l’on a reçu. »

4 200 recettes élaborées

Avec ses plats élaborés, le chef Peeroo se décrit comme un « précurseur ». Il n’est pas avare de paroles en faisant comprendre qu’il n’a jamais eu de gêne à marier de bons produits locaux avec des produits importés. Cette fusion a permis de mettre au point des plats d’agrément, flattant le palais tout en permettant aux touristes, comme il le dit si bien, « to feel the taste of our Mauritian products ».

Se décrivant en quelques mots, il dira : « Je suis un chef qui n’aime pas la monotonie et qui a le besoin viscéral de créer. J’ai élaboré 4 200 recettes au cours de ces 25 années au Labourdonnais, avec des plats qui sont encore ancrés dans la mémoire des grands-mères. Je me fais un devoir de ramener dans ma cuisine ces fruits et légumes oubliés. Il y a eu le sorbet de corossol, la crème glacée du jacquier, selon la saison. »

Alchimiste à sa façon, Nizam Peeroo parfume sa cuisine avec ses décoctions particulières, à base de safran, d’ail noir qu’il a su retravailler à sa manière. « L’ail noir fait partie de la gastronomie chinoise et se vend à un prix coûteux. J’ai simplement appris la technique et il m’a fallu trois mois pour tout peaufiner et avoir le produit. »

Entre le salé et le sucré, il virevolte avec l’envie de surprendre. Il sait marier chaque ingrédient, chaque épice et les sublimer. Il confie au passage une anecdote : un matin, il a voulu mettre au point une recette de dessert avec de la glace au jamblon. Le visuel était parfait, mais au moment de goûter, il a eu un mouvement de recul. « Kot monn fote ? Simplement, il fallait mettre du sel et du piment dans ma glace au jamblon pour lui donner ce côté festoyant en bouche. »

Pour lui, le brassage culturel du pays se reflète dans ces plats à travers les mélanges de saveurs et de senteurs. Il ne lésine pas sur la matière première, privilégiant la fraîcheur de ses produits. « En cuisine, il ne suffit pas d’être un bon chef, il faut savoir maintenir le niveau en étant perpétuellement créatif, toujours en quête d’originalité. Le mauricianisme existe depuis belle lurette et ce sont les chefs mauriciens qui l’ont inventé en mêlant dans leurs plats tous les ingrédients qui représentent notre île plurielle. »

Parcours atypique

Et s’il présentait toutes ses recettes dans un ouvrage ? L’homme sourit : « Ma femme me reproche d’être tous les jours en cuisine et de ne pas partager mes recettes avec d’autres. Ce sera un peu comme un héritage culturel, car mon parcours en cuisine est atypique avec de belles anecdotes du métier. J’ai permis aux plus petits de gravir les marches de la gloire. »

Le chef se souvient de ses débuts et des commentaires dont l’un venant de sa grand-mère paternelle : « Chez les Peeroo, il n’y a pas de boy. » Très souvent, lorsqu’un jeune cuisinier fréquentait, il s’entendait dire : « To dir tou, to fer tou, me pa dir to kwizinie. » Aujourd’hui, Nizam Peeroo rit de ces remarques. Car dit-il : « La cuisine est un mélange de toutes les sciences, de la chimie, la biologie, de la comptabilité, car tout se compte en dosage. Cela nous renvoie aussi à la préhistoire, avec les premiers hommes qui ont su dompter le feu. La cuisine, c’est le métier des people, elle est présente dans les salons, les émissions culinaires. »

Nizam Peeroo a bourlingué, s’est adapté à plusieurs cuisines, notamment à ses débuts. Il a connu l’École hôtelière, Ashoka, Le Gourmet Relais Gastronomique avec Jacqueline Dalais, le restaurant Clos Saint-Louis du Domaine les Pailles, La Clé des Champs, l’hôtel Mourouk, avant de rejoindre le chef Nicolas Mayer au Labourdonnais Waterfront Hotel. Il se souvient encore de ce premier chef qu’il a connu, Nicolas Mayer, dont les idées rejoignaient les siennes en matière culinaire.

L’artiste-cuisinier Nizam peaufine sa technique à travers des ouvrages, devient un fin observateur de la vie et voit passer plusieurs générations de gens. Certains se souviennent de sa cuisine il y a 25 ans, de ses “masterclass” qui lui ont permis de mitonner de bons petits plats pour les proches. Il ouvre une parenthèse pour rappeler ce grand médecin mauricien qui, après cinq séances dans sa cuisine, est parvenu à le surprendre. Il se désole de n’avoir pu voir ses deux enfants grandir, son fils et sa fille ayant opté pour des métiers différents.

L’entretien qu’il accorde au Mauricien est ponctué d’émotions, de joie et d’amour envers sa femme Gila, une grande restauratrice qui, dit-il, « a sacrifié sa carrière pour s’occuper des enfants ».Au détour de la conversation, il ne cache pas sa fierté d’avoir mis en orbite sur pied des enfants issus des faubourgs défavorisés. « Mes petits chefs sont aujourd’hui de grands chefs dans de grands pays. On n’a pas besoin d’étoiles Michelin dans la cuisine mauricienne pour la transmission d’un savoir-faire culinaire. » Sa cuisine relève de l’enchantement, de l’exotisme et du divers.

Aux commandes dans les cuisines du Labourdonnais Waterfront Hotel, Nizam Peeroo ne connaît pas de limite dans ses créations. Il jongle avec tous les ingrédients qu’il a à disposition. Son luxe à lui se résume tout simplement à sa liberté de créer. Comme une expression artistique qui se traduit à merveille dans ses plats signature.

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