Hommage à Dev Virahsawmy : Gaston Valayden présente “Li »… pour « éviter les dérives passées dans un présent tourmenté ! »

Le Theatre, Film & Performing Arts Lab de l’Université de Maurice (UoM), en collaboration avec la Creole Speaking Union (CSU) propose, du 23 au 25 juillet, un hommage au défunt Dev Virahsawmy : “Performing Arts Festival – Anou mont lor lasenn”. En ouverture de ces trois jours d’activités artistiques, l’honneur revient à l’homme de théâtre Gaston Valayden qui a été choisi pour monter et présenter, à nouveau, une pièce emblématique de l’oeuvre de ce Mauricien hors-pair, que fût Virahsawmy: “Li”. Pièce qui fut, à sa publication, en 1972, dans une Île Maurice en état d’urgence, et des années subséquentes, interdite.

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Li’ fut enfin présentée au public après qu’elle a décroché le premier prix du concours de théâtre de RFI, en 1981. La représentation de la Trup Sapsiway à l’Université de Maurice  prochainement est empreinte d’un immense symbolisme. L’artiste Valayden, acteur et metteur en scène, était président de l’Union des Etudiants de l’UoM en 1978, quand il se lança dans l’aventure de monter “Li” dans ces mêmes lieux malgré l’interdiction qui frappait la création ! Retour sur les lieux du crime, en compagnie de l’artiste engagé.

Flash-back. 1972. Maurice est en état d’urgence. Dev Virahsawmy, artiste engagé et connu pour mener une carrière politique parallèle, n’hésitant pas à prendre position et faire entendre sa voix contre les injustices, est en détention policière. L’expérience lui inspire l’écriture de “Li”.

Pièce en un acte, elle met en scène cinq personnages et l’action se déroule, bien évidemment, dans un poste de police. Ce n’est nullement une fiction, mais bien la réalité mauricienne. Le pays traversait, ces années-là, des moments difficiles et éprouvants.

1978. Gaston Valayden est en troisième année d’études à l’Université de Maurice (UoM). « À sa publication, Li rencontre inévitablement un succès populaire retentissant et sans comparaison. Vu que Dev Virahsawmy y soulève un point politique de très brûlante actualité, les autorités sont rapidement intervenues et Li est censurée, interdite ! J’étais président de l’Union des Etudiants de l’UoM. Déjà, à l’époque, je rejette tout ce qui est susceptible de représenter une menace à la liberté d’expression. L’idée de monter et présenter Li à l’UoM m’est évidemment venue, très naturellement !»

Le jeune Gaston Valayden n’était, forcément, pas dupe et savait dans quoi il s’aventurait. « Une chose que je savais, déjà, c’est que le campus de l’université est un ‘no man’s land’, où les consignes politiques et autres, n’ont pas d’emprise ni de valeur. C’est ce qui me motiva à aller au bout de mon entreprise. » (voir plus loin)

Retour dans le présent. « Dans le sillage du décès de Dev Virahsawmy, l’Université de Maurice a choisi de présenter ce projet, visant à rendre hommage à l’artiste et son œuvre. J’ai répondu à l’appel de projets, et j’ai été sélectionné. » Pour Gaston Valayden, « monter Li dans la conjoncture, avec cette campagne électorale et cette ambiance particulière, dans le pays, était une évidence ! Je me devais, à tout prix, souligner, par mon médium de prédilection, par le biais de cette pièce très importante de l’oeuvre de Dev Virahsawmy, faire remonter les dérives d’une autre époque que nous avons vécue, à Maurice, afin d’éviter ces pièges, à nouveau. Car notre pays s’enlise dans un climat sociopolitique sans précédent et très inquiétant. Je ne fais que mon devoir de citoyen averti et éveillé envers mes compatriotes. »

Yannick Bosquet, Jean-Claude Catheya, Sharvesh Kemraz, Darma Mootien et Gaston Valayden incarnent les cinq principaux personnages de Li. La mise en scène est signée Gaston Valayden, avec à la technique, Jocelyn Amadis. La production est signée la Trup Sapsiway.

Gaston Valayden résume sa création théâtrale à partir des écrits de Dev Virahsawmy : « Le personnage central, désigné donc comme Li, est un activiste politique, un leader syndical, détenu par les autorités. Il est à l’origine d’un mouvement massif de grève populaire, ce qui déplaît fortement aux politiques. Dans ce poste de police, où se déroule l’action, il y a un vieux constable de police qui est censé prendre la retraite dans quelques jours ; un sergent responsable de la station ; sa maîtresse qui intervient, à un certain moment ; un Attendant, et un jeune policier qui va succéder au vieux constable. »

« Les échanges gravitent autour de Li, sa personnalité, son combat, ses actions… Le sergent est convaincu que Li doit être, coûte que coûte, avant la fin de cette nuit, éliminé, pour obéir aux instructions des autorités en place. Li représente un danger, un obstacle à ce pouvoir en place, parce qu’il représente la dissidence face à une autocratie. Le vieux constable, de par une certaine sagesse, démontre par ses paroles et réflexions, qu’il n’est pas étranger aux enseignements et la philosophie que prône Li pour une société plus juste et équitable. À un certain moment, la maîtresse du sergent, qui vient dans le cadre du projet pour tuer Li, finit, elle aussi par refuser d’écouter les motivations du pouvoir en place, et ne va pas de l’avant avec le plan macabre… »

Gaston Valayden fait ressortir que « le contexte sociopolitique de Li n’est pas totalement étranger à notre présent. Mon choix pour présenter cette pièce phare de l’œuvre de Dev Virahsawmy s’inscrit dans cette optique. Mais également parce qu’il s’agit d’une création théâtrale qui ne requiert pas beaucoup de dépenses, en termes de costumes et de décor ».

Cette nouvelle mouture de Li se décline sur une soixantaine de minutes. Elle est présentée en ouverture du Performing Arts Festival Anou mont lor lasenn, le mardi 23 juillet, à 14h, à l’Auditorium Octave Wiehé, à Réduit.

Outre cette représentation de circonstance, Gaston Valayden et la Trup Sapsiway seront, de nouveau, sur scène, mais cette fois, dans la salle de représentations de la troupe en question, qui se trouve à Roches-Brunes. Trois séances sont programmées, notamment, les vendredi 26 et samedi 27 juillet à 19h30 et le dimanche 28 à 14h. Les réservations doivent être faites au 57 90 14 00. Un plateau sera mis à la porte.

Gaston, le rebelle !

Quand Dev Virahsawmy publie ‘Li’, en 1972, la pièce est « tout bonnement interdite par le pouvoir en place parce qu’elle dérangeait. Le gouvernement usait de toutes les dispositions légales en vigueur pour réprimer l’expression libre. Je ne pouvais cautionner cela. C’était aller à l’encontre de tous mes principes ! » s’insurge G. Valayden. En 1978, alors qu’il est en phase terminale de ses études à l’UoM, l’idée de monter ‘Li’ se présente… « Je savais bien pertinemment à quoi je m’exposais ! » Et pour cause, les tracasseries avec le Registrar de l’UoM ne manquèrent pas de ponctuer sa décision de monter et présenter la pièce de Dev Virahsawmy « quoi qu’il en coûte ! Convoqué une première fois, par le Registrar de l’institution, je fus soumis par l’homme qui occupait cette position à un feu roulant de questions… comme si je commettais quelque crime ! » Quand G. Valayden explique que « le campus universitaire est un de ces seuls lieux où la politique n’a pas d’emprise, le Registrar ne savait plus trop comment prendre l’affaire. Il tenta, dans un certain temps, de me dire que je risquais gros, soit mes études, c’étaient ses mots, si je m’entêtais. Je lui demandais si l’institution allait renvoyer un étudiant en phase finale… » Ensuite, il fut réclamé du président de l’Union des Etudiants « si la représentation s’adressait uniquement aux étudiants, parce que si le grand public venait, ça allait faire désordre. » Sur un ton enjoué, Gaston Valayden se remémore que « je répondis que c’était bien entendu pour les étudiants de l’UoM. Je n’avais pas pris en considération le fait que les affiches collées dans la cantine commune allaient attirer les employés du ministère de l’Agriculture et de la Clinique Mauricienne ! À l’époque, ces personnes venaient déjeuner à la cantine de l’UoM… Et elles eurent vent du projet. Le résultat fit que la première représentation fit salle comble et nous étions contraints d’en organiser une deuxième, car les étudiants en part-time de l’université et d’autres encore n’avaient pu y assister… » Et c’est rebelote pour G. Valayden quand « le Registrar m’appela, de nouveau, pour me demander les détails du pourquoi de cette deuxième présentation. »

Un autre symbolisme important aux yeux de notre interlocuteur : le choix de l’auditorium Octave Wiehe pour abriter la pièce. « Quand je fis la demande, en 1978, un des moyens de me décourager d’aller de l’avant fut le refus de me laisser jouer la pièce dans l’auditorium. Et voilà, en 2024, je prends ma revanche ! »

Hélas !, « ce n’était pas la seule mesquinerie à mon égard. Je passais mes examens brillamment et je décrochais également la Mrs Lim Fat Gold Award of Excellence pour la remarquable performance académique. Mais lors de la Graduation Ceremony, le Registrar fit en sorte qu’il ne mentionna pas de détail lors de l’annonce officielle. Ce qui contraignit le Chancelier de l’époque, M. Burrenchobay, à m’appeler personnellement et me convoquer dans son bureau, une autre cérémonie intimiste où je reçus la fameuse médaille… »

L’UoM rend hommage à Dev Virahsawmy

Du 23 au 25 juillet, la Theatre, Film and Art Lab de l’UoM, en partenariat avec la Creole Speaking Union (CSU), présente ‘The performing arts festival Anou mont lor lasenn’ en hommage à Dev Virahsawmy, disparu l’an dernier, et à son œuvre. Outre ‘Li’ par la Trup Sapsiway, le 23, Lionel Lajoie présentera, le mercredi 24, ‘Kontign larout depi’, à 14h, et Santral Art livrera sa version de ‘Bouke Larkansiel’ dès 14h20. Et le 25, ce sera au tour de Thierry Françoise d’illustrer ‘Fouka zame ti pagla’ à 13h tandis qu’il incombera à Christina Chan-Meetoo l’honneur de procéder à la clôture du festival, à 14h, avec comme prévu une projection vidéo de ‘Dev Virahsawmy rakont nou’.

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