L’ancien député du MMM, Gérard Paya, aujourd’hui consultant en tourisme et formateur à temps partiel à l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval depuis 22 ans, donne un coup de gueule sur la situation dans laquelle se trouve cette institution, qui souffre d’une crise de leadership, étant sans directeur depuis la disparition d’Harmon Chellen en 2014. Il parle de laisser-aller et s’appesantit sur le fait que « les autorités doivent enfin reconnaître l’importance de l’École hôtelière. »
Gérard Paya estime qu’un des problèmes actuels de l’industrie touristique est que les jeunes ne veulent plus travailler dans les hôtels. « J’ai travaillé pendant plus de 40 ans dans l’hôtellerie, c’était pratiquement du 24/7. Nous avions une autre vision. Puis, il y a eu le Covid-19 et plusieurs employés ont quitté le secteur hôtelier. Mais maintenant, le secteur a repris. Par exemple, je suis consultant à La-Pirogue et je peux vous dire que l’hôtel est rempli à 80%. Donc, les hôtels marchent à merveille », dit-il en guise de préambule. Pour attirer les jeunes vers les métiers hôteliers, il estime qu’il faut revaloriser les salaires. « Sinon, comment voulez-vous qu’ils se joignent à ce secteur, avec des salaires qui ne sont guère attrayants ? »
« Batt ravann dans lotel »
Lui qui donne des cours à l’École hôtelière depuis 22 ans s’est spécialisé dans l’animation. « Nous avons monté ce cours avec Renaud Azema, l’ancien directeur. À cette époque, personne ne croyait dans l’animation. Les gens pensaient que cela se résumait à batt ravann dan lotel. Mais ce cours était bien demandé, notamment par les jeunes qui n’ont que la Forme III. Et aujourd’hui, grâce à cette formation, certains de nos compatriotes travaillent dans des hôtels en Chine, certains chantent dans des hôtels en Russie et certains travaillent sur des bateaux de croisière. Beaucoup de Mauriciens qui travaillent à l’étranger sont passés par l’École hôtelière », ajoute-t-il.
Mais au fil des années, la situation de l’établissement s’est dégradée. « Les professeurs se donnent au maximum mais ils sont démotivés. Depuis le décès d’Harmon Chellen, l’ancien directeur, aucun directeur n’a été nommé. Et personne ne peut comprendre pourquoi personne n’a été nommé directeur depuis autant d’années. Ce n’est pas possible. L’École est régie par le MITD, mais on ne sait pas si on tombe sous le ministère du Travail, celui de l’Éducation ou du Tourisme ! Donc, l’École navigue en eaux troubles », déplore Gérard Paya. Une situation qui a évidemment provoqué un laisser-aller à tous les niveaux de l’institution.
« Je suis triste. Les autorités doivent enfin reconnaître l’importance de l’École hôtelière, un maillon clé dans l’industrie. Nous formons les Mauriciens, mais s’ils choisissent ensuite d’aller travailler sur les bateaux ou à Dubaï. Ça, c’est leur choix. Et surtout, le cours en animation nous permet de toucher les jeunes des régions défavorisées. Aujourd’hui, nous avons l’impression que le gouvernement délaisse l’institution et met l’accent plutôt sur le polytechnique », soutient -il. en ajoutant que : « sir Gaëtan Duval a bâti le tourisme. Comment peut-on laisser une institution qui porte son nom à l’abandon ? Et laisser pourrir la situation ? Quant au président de l’École, on ne le voit jamais », dit-il.
Hôtel d’application
Quelle est la solution ? D’abord déterminer sous quel ministère va fonctionner l’École hôtelière. « Lorsque j’étais député, j’en ai parlé lors des débats sur le Tourism Bill. Le ministre de la Formation, Sangeet Fowdar, avait dit oui mais depuis, rien n’a été fait. J’avais suggéré que l’École se transforme en hôtel d’application, permettant ainsi aux étudiants de suivre des cours théoriques et de faire de la pratique en même temps », rappelle-t-il.
Pour Gérard Paya, cela devrait aussi concerner le domaine de l’animation avec des cours pratiques pour le son et lumière, des cours de natation, la création de terrains de beach-volley et de courts de tennis notamment, car out doit s’apprendre In-House».
Élaborant sur les ressources humaines dans le secteur touristique, il maintient qu’il faut revoir les salaires à la hausse, car les jeunes Mauriciens qui ont les compétences nécessaires sont mieux payés ailleurs. « Les hôtels doivent revoir les salaires pour encourager les jeunes à se joindre à ce secteur. Il faut revaloriser les métiers de l’hôtellerie et les compétences des employés. Regardez les annonces dans les journaux, plusieurs hôtels recrutent actuellement, mais les jeunes ne sont pas intéressés, ils préfèrent aller dans d’autres secteurs. Il faut chercher des candidats à la loupe », propose-t-il.
Comprendre ce que veulent les touristes
Interrogé sur l’objectif annoncé d’un million de touristes pour l’année, il estime que c’est faisable mais qu’il fait savoir comment la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) s’organisera pour permettre d’atteindre cet objectif. Il plaide pour une bonne collaboration entre le gouvernement, la MTPA et le secteur privé, tout comme avec les professionnels de la formation et les anciens du secteur hôtelier.
À cet égard, il propose la collaboration du Vintage Club qui regroupe d’anciens dirigeants d’hôtel, pouvant apporter leur Know-How, car il s’agit, selon lui, de « revenir à l’essentiel pour redynamiser le secteur ».
« Les touristes veulent d’une île paradisiaque avec du soleil. Mais aujourd’hui, d’autres destinations comme le Maroc, la Tunisie et les Maldives sont en compétition avec nous. Nous devrons offrir des choses différentes et revaloriser notre population. Sinon pourquoi ferait-on 11 à 12 heures de vol pour venir à Maurice ? Il faut comprendre ce que les touristes veulent », reconnaît-il.
S’il dit respecter le ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo et le directeur de la MTPA, Arvind Bundhun, il leur fait une suggestion : « il faut qu’ils écoutent, notamment les anciens hôteliers qui ont envie de coopérer pour aider le secteur à reprendre du poil de la bête. » Il souligne que le Vintage Club comprend des gens comme Tony Duval, Marc Marivel, Mala Makoond, plusieurs autres anciens cadres de l’hôtellerie, des anciens tour-opérateurs et lui-même. « Nous avons une grande expérience de l’hôtellerie et nous sommes disposés à aider le pays gratuitement », dit-il.
D’ailleurs, ce club a contribué à donner des cours aux employés gratuitement, avec la collaboration de l’Association des Hôtels et Restaurant de l’ïle Maurice (AHRIM), pendant le Covid. « Nous ne sommes pas quémandeurs de quoi que ce soit, mais nous avons une grande expérience et nous voulons aider à revaloriser notre industrie touristique que nous aimons. Il faut redynamiser l’École hôtelière pour redonner confiance aux jeunes. Nous avons beaucoup d’idées que nous souhaiterions partager avec le ministre », lâche-t-il pour conclure.