Genève : Gavin Glover promet des réformes pour combattre les discriminations

  • Maurice joue la carte de la prudence sur le recensement ethnique
  • Une nouvelle génération de droits pour les citoyens avec les amendements constitutionnels à venir

Les 24e et 25e rapports périodiques de Maurice sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale sont actuellement disséqués à Genève, en Suisse. Une délégation, composée notamment de l’ambassadeur Brian Glover, est sur place, tandis que l’Attorney General, Gavin Glover, est intervenu par visioconférence. Il a répondu aux questions des experts, notamment sur le recensement axé sur l’appartenance ethnique, la loi sur l’égalité des chances et la situation des travailleurs migrants.

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Face aux experts, Gavin Glover a d’abord fait ressortir qu’un nouveau gouvernement est en place depuis novembre 2024, avec un mandat large, à savoir rétablir la confiance du public dans les institutions, renforcer l’État de droit, améliorer l’accès à la justice et entamer des réformes constitutionnelles. Il ajoute que celles-ci iront au-delà des structures coloniales, vers une société plus inclusive. De même, ces réformes seront un engagement renouvelé pour les droits humains. Concernant les principes d’égalité, il s’est engagé que cela ne demeure pas qu’au niveau des textes de loi, mais soient appliqués dans la réalité concrète.

Par rapport aux questions à l’ordre du jour, il a déclaré que l’État allait répondre de manière sincère, tout en parlant de ses contraintes et difficultés. En ce qui concerne l’identité ethnique, il a argué que la question est extrêmement complexe à Maurice. « Nous sommes une société plurielle dont nous en sommes fiers, mais également une société qui a été façonnée par une histoire douloureuse de la division. Des générations successives ont œuvré en faveur d’une unité nationale partagée », fait-il comprendre.

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Il est d’avis que dans ce contexte, classer les personnes par appartenance ethnique est une question sensible sur le plan politique et clivante sur le plan social. « Même avec les identifications volontaires, les collectes de données d’appartenance ethnique risquent de causer des tensions dans un pays où même avant l’indépendance, les proportions démographiques perçues ont influencé de façon informelle, la participation politique, la création de coalition et l’attribution des ressources », met-il en garde.

« Cependant, l’État reconnaît qu’il est difficile de combattre ce qui est invisible. L’absence de telles données ne saurait être une excuse pour ne pas voir la discrimination. Si nous voulons lutter de façon efficace contre les inégalités, nous devons trouver les voies et moyens, de les identifier, les comprendre et les mesurer, même si cela se fait de manière indirecte », précise-t-il.

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L’Attorney General a cité des moyens alternatifs, comme les indicateurs géographiques, l’utilisation de la langue et les niveaux socio-économiques. À l’avenir, le gouvernement devra prendre une décision sur cette question, tout en respectant les valeurs constitutionnelles et de par les obligations internationales. « Nous n’avons pas toutes les réponses, mais nous allons nous poser les bonnes questions, avec honnêteté intellectuelle et courage politique », avance-t-il.

Pour marquer les 60 ans de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, cette année, le texte sera traduit en kreol morisien,. Cela, afin que cet instrument soit accessible au public. De même, le programme gouvernemental 2025-29, a fait provision pour la mise sur pied d’une Commission pour des réformes constitutionnelles. Les droits fondamentaux seront ainsi renforcés.

Gavin Glover a fait ressortir que bien que la Constitution ait été amendée à plusieurs reprises depuis 1968, son architecture principale reste largement héritée de l’ère coloniale. « L’objectif est d’aligner le cadre constitutionnel sur notre structure démocratique d’une Maurice moderne et indépendante. Il s’agit aussi d’incorporer une nouvelle génération de droits et de garantis pour tous nos citoyens », confirme-t-il.

À cet effet, l’avenir du Best Loser System, l’utilistation du kreol morisien comme langue parlementaire et des questions liées aux représentations au sein des institutions seront aussi considérés. Il a ajouté que depuis le dernier rapport en 2021, Maurice a promulgué plusieurs réformes législatives importantes. D’autres sont à venir. Il a cité en exemple que la loi de 2023 sur les agences de recrutement pour les travailleurs migrants garantit des normes de recrutement éthiques, dans le droit fil des recommandations de l’OIT et de l’OIM.

L’Attorney General a également annoncé qu’une Commission sur l’égalité des genres rédige actuellement une loi visant à créer un organe indépendant qui se penchera sur la discrimination de genres systémique. Au chapitre du Best Loser System, il a affirmé que cela est toujours appliqué, mais que le gouvernement envisage également des réformes électorales.

Au moment de la première séance de questions, des experts ont demandé des clarifications sur l’auto-identification ethnique. Ils ont voulu savoir si cela est pris en considération dans les recensements, au-delà des réponses prédéfinies. Gavin Glover a évoqué les chiffres du recensement de 2022, particulièrement la question de l’appartenance religieuse.

Ces statistiques démontrent ainsi que sur une population de 1 191 242 que 48% se déclarent comme hindous, 32% comme chrétiens, et 18% comme musulmans. Le reste regroupe les autres religions ou ceux qui ont refusé de décliner leurs religions. Concernant les langues, 78% disent parler le kreol uniquement à Maurice, contre 98% à Rodrigues.
Le Comité avait également réclamé des données sur les origines ethniques parmi les prisonniers. L’Attorney General a répondu que cela n’est pas précisé, mais que les statistiques démontrent que 60% se disent catholiques, 20% hindous, 15,9% musulmans, 3,1% tamouls et 1%, autres religions.

Quant aux détenus étrangers, ils sont 279 de 46 nationalités différentes, actuellement dans les prisons à Maurice. Soit 178 hommes et 101 femmes. Parmi, 50 sont de Madagascar, 32 du Nigeria et 32 d’Afrique du Sud. Il a attiré l’attention sur les femmes, victimes de trafiquants de drogues et utilisées comme mules.

Par ailleurs, 48 458 travailleurs sont en situation régulière actuellement. Soit 42 000 hommes et 5 478 femmes. Parmi, 25% sont des Bangladais, 17% d’Indiens, 10% de Népalais et 8% de Malgaches.
L’Attorney General a également été interpellé sur la loi de l’immigration, notamment sur la clause interdisant l’accès aux personnes atteintes de maladies transmissibles, dont le VIH/SIDA. Ce qui selon les experts, est une discrimination indirecte, en violation de l’article 2 de la Convention.

Gavin Glover avait fait ressortir qu’il n’y a pas de cas d’apatride à Maurice. Or, un expert a fait remarquer qu’avec la loi de l’immigration de 2022, un étranger ayant obtenu la nationalité mauricienne peut se voir être déchu de sa nationalité. L’Attorney General a fait ressortir que cette loi, qu’il a cité comme « la loi Hoffman », en référence au pilote Patrick Hoffman, devait être abrogée au plus vite.

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