Gaspillage alimentaire : un fléau qui prend du ventre

Un tiers de la production de nourriture destinée à l’homme est gaspillée. Les chiffres sont alarmants. Dans le cadre de la journée de sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture, la première institution d’enseignement supérieur public de l’île, l’université de Maurice, a organisé un forum, vendredi, sur le Food Waste Management. Un livre de recettes antigaspillage et 100% locales a été lancé à l’occasion pour sensibiliser davantage à ce fléau qui prend du ventre, mais aussi pour proposer une solution rapide et accessible aux milliers de foyers mauriciens qui ne savent que faire de leurs restes. De même que le site web de la faculté en collaboration avec DeSIRA de l’Union européenne.

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Il est estimé qu’à Maurice, chaque personne génère en moyenne 93 kg de déchets alimentaires par an. Un rapide calcul dresse un tableau accablant : sur un an, le volume gaspillé par les ménages mauriciens représente plus de 118 600 tonnes. C’est ce qui ressort du rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement sur le gaspillage alimentaire (2021). Paradoxalement, selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Foodwise, pionnière dans la lutte contre le gaspillage alimentaire à Maurice, 800 000 repas sont mis à la poubelle chaque jour à Maurice, 17% de Mauriciens vivent en insécurité alimentaire et un enfant sur quatre souffre d’insuffisance pondérale. C’est ce que faisait ressortir Rebeccas Espitalier-Noël, directrice de Foodwise, dans un entretien accordé à Week-End l’an dernier. Avec une surconsommation et une sous-consommation de l’autre, il est temps d’agir.

C’est dans cette optique que la Faculté d’Agriculture de l’université de Maurice (UoM) a organisé, vendredi, un forum sur le food waste management, sur le campus de Réduit, réunissant plusieurs acteurs du secteur. Comme chaque année, la Faculté d’Agriculture tient à dialoguer avec ses partenaires pour tenter de trouver des science-based solutions aux problèmes sociétaux actuels.

« L’université de Maurice, notamment la faculté d’agriculture s’est toujours tenue aux côtés des acteurs de l’industrie pour trouver des solutions à ce fléau grandissant qu’est le gaspillage alimentaire », a soutenu l’Associate Professor Daneshwar Puchooa, Dean de la Faculté d’Agriculture. La recherche, dit-il, reste centrale. « Nous avons travaillé, entre autres, sur le développement de nouveaux produits à base de restes alimentaires. »

À cet effet, un livre de recettes, réunissant les créations culinaires de cuisiniers mauriciens, dont une étudiante de 14 ans de la Doha Academy, a été officiellement lancé. Une version e-book est disponible gratuitement sur le nouveau site web de la faculté, dévoilé le même jour. Il faut aussi noter que Foodwise avait publié, l’an dernier, le Recettes 5* toujours dans le même esprit de sensibiliser la population.

En effet, dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, les acteurs du secteur de l’alimentation s’accordent tous à dire que la recherche scientifique reste la pierre angulaire de tout développement.

The PLEDGE™ : 10 organisations s’engagent

Le Professeur Sanjeev Kumar Sobhee, Vice-Chancellor de l’UoM, a ainsi rappelé que « la recherche ne sert à rien si elle n’est pas accessible au reste du monde », affirme-t-il. Rappelant dans son allocution que la Faculté d’Agriculture a, depuis sa création en 1965, créé 70 000 diplômés, il soutient que la recherche est encouragée et que l’aide de l’Union européenne à travers le programme DeSIRA réitère la volonté de l’université de faire avancer la recherche dans divers domaines.

La First Counsellor de la délégation de l’Union européenne à Maurice, Florence Van Houtte, a elle aussi abondé dans ce sens, tout en félicitant le travail accompli par l’équipe de recherches de la Faculté d’Agriculture. « Paradoxalement, alors que d’un côté nous parlons de plus en plus de sécurité alimentaire, de l’autre, nous avons le problème grandissant du gaspillage alimentaire. Il est urgent d’agir », a-t-elle dit. Par ailleurs, le nouveau Food Lab de la faculté, doté de 17 nouveaux équipements dernier cri, a été dévoilé. Grâce au soutien de DeSIRA, les chercheurs pourront y affiner leurs recherches au service de l’industrie et des consommateurs.

S’agissant de l’industrie, ces dernières années, plusieurs groupes hôteliers et restaurateurs se sont engagés pour lutter contre le gaspillage. En 2022, Business Mauritius lance The PLEDGE on Food Waste, dans le cadre de son pacte social et environnemental SigneNatir. En effet, The PLEDGE™ on Food Waste est une norme de prévention conçue pour réduire le gaspillage alimentaire, économiser sur les coûts et mettre en valeur les efforts des participants.

Alléger les services de ramassage

Un audit a lieu pour évaluer le niveau de conformité des restaurants au label. L’auditeur évalue entre autres la politique de l’établissement sur le gaspillage alimentaire, les meilleures pratiques mises en place en ce sens, la formation des employés, ainsi que leur système de réduction des déchets alimentaires. À ce jour, l’on compte une dizaine d’organisations locales certifiées The PLEDGE™.

Quant aux foyers mauriciens, il a été prouvé que la pratique du compostage à domicile pourrait permettre d’alléger les services publics de ramassage des ordures de 150 kg de déchets ménagers par foyer et par an. L’Associate Professor Daya Goburdhun a pour sa part souligné qu’ « il faut faire comprendre aux consommateurs que ces légumes et fruits jugés moches, jugés impropres à la vente, sont souvent encore parfaitement comestibles. » Elle soutient ainsi que ce nouveau livre de recettes permettra aux citoyens de préparer des plats équilibrés et simples avec les restes de légumes ou de fruits encore parfaitement comestibles.

 

Le saviez-vous 

Selon un récent rapport de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, soit la FAO :

• Le volume mondial de gaspillages et pertes alimentaires est estimé à 1,6 milliard de tonnes d’équivalents produits de base. Les gaspillages totaux pour la partie comestible s’élèvent à 1,3 milliard de tonnes.

• L’empreinte carbone des gaspillages alimentaires est estimée à 3,  milliards de tonnes de CO2 équivalent de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère chaque année.

• Le volume total d’eau utilisé chaque année pour produire de la nourriture perdue ou gaspillée (250 km3) équivaut au débit annuel du fleuve Volga (Russie), ou trois fois le volume du lac Léman.

• De même, 1,4 milliard d’hectares de terres — soit 28% des superficies agricoles du monde — servent annuellement à produire de la nourriture perdue ou gaspillée.

• L’agriculture est responsable d’une majorité de menaces pesant sur les espèces végétales et animales à risque recensées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

• Seul un faible pourcentage de tous les gaspillages et pertes alimentaires est transformé en compost : une grande partie finit dans les décharges et représente une bonne part des déchets solides municipaux. Les émissions de méthane des décharges représentent une des premières sources d’émissions de gaz à effet de serre de tout le secteur.

• Les conséquences économiques directes du gaspillage alimentaire (à l’exclusion du poisson et des fruits de mer) sont de l’ordre de 750 milliards de dollars par an.

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