« Ce qui est sûr, c’est que cette baisse de pouvoir d’achat sans précédent aura des conséquences sérieuses sur la population ». Tel est l’avis du directeur de M-Kids, l’Imam Arshad Joomun, qui confie que même des familles de classe moyenne sollicitent l’aide de son association pour s’acquitter de leurs diverses factures. Ce qui amène le travailleur de terrain d’anticiper que « d’ici décembre, nous entrerons dans une période de crise totale si le gouvernement ne gère pas la situation convenablement ».
De con côté, le Conseil des Religions s’inquiète de l’état d’esprit de la population qui prend un coup sérieux face à « l’affaiblissement du pouvoir d’achat et aux turbulences constantes sur la scène politique ». Le conseil plaide pour la préservation du vivre-ensemble dans la conjoncture.
Arshad Joomun tire la sonnette d’alarme sur les difficultés que rencontrent de nombreuses familles depuis l’élimination des subsides sur les prix au détail et de la flambée des prix. « Beaucoup ont perdu leur travail. Certains qui ont pu conserver leur emploi ne reçoivent que la moitié de leur salaire. J’ai pu vérifier sur les fiches de salaire. Et, maintenant, avec cette flambée des prix de produits alimentaires, de l’essence… Même un dholl puri coûte maintenant Rs 20, c’est difficilement gérable ! » s’attriste-t-il.
Le religieux et travailleur social estime que « d’ici décembre, nous entrerons dans une période de crise totale si le gouvernement ne gère pas la situation convenablement ». Il explique qu’avec Rs 500 en poche, aujourd’hui, « vous ressortez du supermarché avec seulement trois ou quatre produits. On ne peut même plus acheter la nourriture des pauvres comme les grains secs, les boîtes de thon et autres conserves dont les prix ont accusé de hausses conséquentes. Si enn dimoun kapav manz enn diri, enn dal ek enn zasar, li korek, me sa osi pe monte. C’est d’autant plus difficile pour ceux qui travaillent au jour le jour ou qui n’ont pas de travail ».
Arshad Joomun ajoute que même les dons en espèces se font rares.
« Nous ne recevons presque plus de donations individuelles. Les grosses entreprises qui pouvaient autrefois faire des dons de Rs 50 000 pour des packs alimentaires ne donnent que Rs 10 000 aujourd’hui », renchérit-il. Ce qui est sûr, c’est que cette baisse de pouvoir d’achat e sans précédent « aura des conséquences sérieuses sur la population. Le gouvernement doit pouvoir gérer la situation ».
Il confie que certaines familles de la classe moyenne sollicitent l’aide de M-Kids pour payer leurs factures de téléphone. « Elles ont des difficultés à payer le van scolaire pour leurs enfants. Il y a quelques jours, une mère est venue me voir. Le nutritionniste du ministère auquel l’école a référé son enfant a recommandé que ce dernier consomme beaucoup de fruits. Or, elle me dit que quand elle voit les prix des fruits, elle ne sait pas comment faire pour en acheter. Les mandarines sont inabordables , témoigne-t-il.
Quant à l’éventuelle introduction des Vouchers pour les plus vulnérables par le gouvernement, le directeur de M-Kids qui distribue des coupons d’achat depuis deux ans avec la collaboration du supermarché Dream Price trouve que ce sera un plus pour les plus démunis. « A M-Kids, nous achetons des coupons d’achat de valeur de Rs 500, Rs 1 000 et Rs 1 500. Nous nous basons sur le nombre de personnes au sein de la famille et sur les revenus des ménages. M-Kids n’est pas une association où il suffit de venir et de frapper à notre porte. Nous avons un système de ciblage suite à un travail d’enquête auprès des familles nécessiteuses. Un comité analyse les recommandations faites par nos travailleurs sociaux. Les coupons permettent à ces familles d’acheter ce dont ils ont besoin dans le supermarché précité », ajoute-t-il.
Si le ministère vient de l’avant avec la distribution de bons d’achat, ce serait bon, selon l’Imam Joomun, que les bénéficiaires puissent avoir des produits de base comme l’huile, le lait, le sucre, le thé etc. « Je ne sais comment le ministère procèdera. Je suppose que c’est la NSIF (National Social Inclusion Foundation) qui s’en occupera. Je lancerais un appel à ce qu’on ne le fasse pas de manière désordonnée. On sait que l’économie est très fragile. Il faut faire des ciblages bien précis et équitables pour que toutes les communautés puissent en bénéficier », croit-il savoir.
Avec la hausse des prix des carburants, la livraison des packs alimentaires représente un coût considérable, indique Arshad Joomun. « Nous avons besoin de moyens de transport pour acheter des vivres, du personnel pour empaqueter, et l’empaquetage a aussi un coût avec le ruban adhésif et les boîtes en carton. Ensuite, il faut un autre transport pour aller déposer ces produits chez les familles. Les coupons d’achat nous évitent tout cela. Nous distribuons aussi des coupons à Rodrigues »,s’appesantit-il.
Face à l’affaiblissement drastique du pouvoir d’achat et aux secousses sur le front politique, le Conseil des Religions se montre inquiet pour la population qui traverse par des moments difficiles. « Nous vivons dans l’ère numérique de l’information, avec tous les avantages et les risques que cela comporte pour la sécurité »,reconnaît-il.
Face à cette situation, le conseil appelle « au bon sens de nos politiciens de tous bords, des Institutions de l’état, des médias et de nos concitoyens en général pour préserver ce Vivre Ensemble et ce, dans le plus grand respect des droits humains. La vigilance est de mise et un langage bienveillant est essentiel ». Il conclut par ailleurs que « dans l’application des enseignements de nos textes sacrés, l’unité et la justice sociale sont des conditions nécessaires pour construire ensemble une paix durable ».