Malgré les engagements et les discours, parfois fallacieux, la mise en œuvre d’un système de fourniture d’eau 24/7 semble de plus en plus utopique. La pilule est d’autant plus indigeste que la situation n’a pas cessé d’empirer en 2021. Auxquatre coins du pays, des milliers de familles ont été contraintes de passer des jours, voire des semaines, sans une seule goutte de cette denrée essentielle. Et en cette période de grande chaleur, la tension monte d’un cran. Les événements qui se sont déroulés cette semaine à Bambous-Virieux, où des dizaines d’habitants ont exprimé leur colère en bloquant la route au moyen de pneus et de pierres, sont révélateurs du sentiment de ras-le-bol qui s’est emparé des consommateurs lésés des quartiers où les pénuries d’eau sont légion.
Un soleil de plomb, une soif que l’on pense ne jamais pouvoir étancher. Une scène de la vie quotidienne des habitants de Bambous-Virieux qui entendaient jouer leur va-tout dans une tentative désespérée de faire entendre leurs voix sur le calvaire qu’ils vivent depuis deux semaines. Bien mal leur en a pris puisqu’en entravant les rues lundi, deux présumés instigateurs de cette fronde ont été interpellés par la police. Ce qui leur a même valu d’être traduits en Cour de justice, mardi. « Le problème de la fourniture d’eau dans le village existe depuis plus de dix ans à cause des tuyaux vétustes qui n’ont jamais été remplacés », affirme le président du Conseil de district de Grand-Port, Rajeev Jangi.
Beau-Bassin/Rose-Hill, encore et toujours
La situation était tout aussi tendue dans un autre village du Sud-Est du pays au cours de la semaine. À Bois-de-Amourettes, où la Central Water Authority (CWA) et les politiques peinent à apporter une solution durable au sempiternel problème de l’approvisionnement en eau, les habitants étaient à deux doigts d’emboîter le pas à leurs homologues de Bambous-Virieux. Au final, cinq camions-citernes de la Central Water Authority (CWA) ont été dépêchés pour approvisionner l’endroit sous la vigilance des policiers qui ont maîtrisé la situation.
L’eau coule avec parcimonie dans de nombreux foyers des Plaines-Wilhems. La tension monte dans certaines villes, à l’instar de Beau-Bassin/Rose-Hill et Vacoas/Phœnix où l’eau serait très inégalement répartie. Dans les villes-sœurs, beaucoup s’interrogent sur la destinée des sommes colossales investies dans les travaux de remplacement des tuyaux vétustes qui étaient censés améliorer l’approvisionnement. En atteste le calvaire auquel sont confrontés actuellement les habitants de Roche-Brunes, Camp-Le-Vieux et Plaisance, où l’eau n’a pas coulé des robinets depuis trois jours. La situation est encore plus préoccupante dans le centre de Rose-Hill. Ce qui a fini par exacerber les habitants qui, compte-tenu de l’état lamentable des rues depuis trois ans, se demandent s’il ne s’agit pas d’un quelconque « règlement de comptes »…
La situation est insoutenable à Camp-Fouquereaux. La rareté de l’eau perdure dans ce quartier de Vacoas/Phœnix, en dépit du potentiel de richesses dont il recèle en terme de ressources en eau. Les habitants des rues St-Antoine, Galea et… Réservoir sont ceux qui sont les plus affectés par ce problème. Leurs maisons sont situées autour de la zone délimitant Camp Fouquereaux, Castel, Hermitage de Highlands et Wooton. Entre abondance et rareté. C’est justement là où réside le paradoxe dans l’approvisionnement en eau à Camp Fouquereaux et les régions avoisinantes. « J’habite à la rue Galea et l’eau coule uniquement entre trois à quatre heures quotidiennement chez moi. C’est injuste, car un ami qui habite à une cinquantaine de mètres de ma maison à la rue Parisot reçoit de l’eau 24/7 », nous confiait un habitant, en novembre.
Des camions-citernes… et c’est tout dans l’Ouest !
L’approvisionnement en eau se raréfie de manière alarmante dans l’ouest du pays. Les projets orchestrés par la CWA et le ministère de tutelle, en vue de réduire les coupures d’eau, n’ont visiblement pas donné les résultats escomptés, dont l’installation de filtres à pression sur trois sites abritant des stations de traitement, dans la chasse de Yémen, notamment grâce à l’injection de l’eau de la canalisation d’irrigation vers le filtre à pression du réservoir de Yémen. À Case Noyale, dans les cités EDC et CHA, les problèmes d’eau sont monnaie courante mais le calvaire des habitants s’est accentué en cette période estivale. Il y avait, certes, une légère amélioration dans la distribution du précieux liquide, en août et septembre, mais encore une fois, ce n’était que de la poudre aux yeux. Non seulement les choses se sont détériorées, mais les camions-citernes jouent aux abonnés absents.
Au Morne, village du Sud-Ouest, les abonnés de la CWA ne sont pas mieux desservis car l’eau fait défaut depuis plus de trois ans, malgré les belles promesses d’une amélioration de la part des députés de la circonscription. Ces derniers se targuent souvent, sur les réseaux sociaux, d’intervenir auprès de la CWA pour que les habitants puissent être desservis par des camions-citernes!
Même constat dans le Nord, plus particulièrement à Roche-Terre, Calodyne, Melville et dans certains quartiers de Grand-Gaube. Beaucoup d’habitants étant des agriculteurs, ils ne savent pas à quels saints se vouer pour subvenir à leurs besoins. On gardera l’image d’un habitant de Roche-Terre nous montrant d’un geste dépité les récipients entassés sous son lavabo, qui lui servent pour sa toilette matinale avant de partir au travail. L’agacement se joint à la lassitude chez ce jeune père de deux enfants en bas âge. « Avant, on avait de l’eau à partir de 20h. Maintenant, on doit attendre 1h ou 2h du matin », confie-t-il.
Dans l’Est, ce sont les petits villages qui pâtissent le plus de la pénurie du précieux liquide. Comme à Shanti Nagar, un havre de paix situé entre les villages de Belle-Mare et Quatre-Cocos, où les riverains ont beau implorer la CWA d’ouvrir un peu plus les vannes durant la fête Divali, ou actuellement pour les fêtes de fin d’année, en vain! Ce détail, auquel s’ajoutent la chaleur accablante de l’été et la propagation du Covid-19, pèse lourd dans la montée des tensions dans le village, comme partout ailleurs. Autant de dossiers brûlants qui laissent poindre la perspective d’une année 2022 houleuse pour le nouveau directeur de la CWA, Rooben Maran, et le ministre de tutelle, Joe Lesjongard.