Les fours à chaux, vestiges du passé, sont là pour nous démontrer que l’homme s’était servi de ce qu’il avait sous la main. Sauf que la majorité de ces joyaux architecturaux sont laissés sans entretien, à l’image du four à chaux du village de Poste-de-Flacq, bâti au milieu du 19e siècle, qui se dégrade, pierre après pierre, en menaçant de s’effondrer sous l’effet de fissures profondes causées par les pilleurs sans scrupule et les racines d’arbres qui l’ont envahi. Aucun député de la circonscription ne monte au créneau, avec la collaboration de la police, pour mettre hors d’état de nuire les auteurs de ces basses besognes et réclamer un plan de réhabilitation qui permettra aux visiteurs de contempler dans les meilleures conditions le magnifique paysage…
Bordé par une végétation luxuriante et des étendues sauvages, le village de Poste-de-Flacq est une escale de sérénité et de charme authentique. La rivière, qui serpente à travers la plaine, apporte avec elle une fraîcheur incomparable. En se promenant, on tombe inévitablement sur des ruines mystérieuses, témoins silencieux d’une époque révolue. Le four à chaux désaffecté, situé à proximité du débarcadère, en est un parfait exemple. Chaque pierre taillée, chaque coin érodé porte les marques du temps, et rappellent la richesse de ce patrimoine.
Les chaufourniers alternaient les lits de pierre et de charbon pour le remplir au maximum, et du bois de filaos pour la plupart du temps, était apportée au pied de l’édifice pour assurer la mise à feu. Le chaufournier avait alors pour mission de toujours le maintenir à une température entre 800 et 1000 degrés centigrades en gardant le four rempli et en le réapprovisionnant en pierres calcaires tout en entretenant le feu. Une fois la cuisson faite, la chaux était récupérée grâce à l’ouverture basse du four, puis elle était refroidie et mise en baril. Un lieu chargé d’histoire qui aurait pu et dû devenir une véritable attraction touristique, d’autant que du haut de la tour, il y a une vue imprenable sur la côte est.
Sauf qu’à l’instar de ces bâtisses à valeur historique de la capitale vouées à disparaître, compte tenu de leur vétusté, les cheminées, fours à chaux et moulins sucriers, nichés dans les quatre coins de l’île, risquent de connaître le même sort compte tenu du je-m’en-foutisme dont font preuve les autorités. Les ONG et de jeunes chercheurs, à l’instar d’Ali Jareehag, ont beau se démener en faisant la promotion des usages sociaux de ces joyaux patrimoniaux, avec l’espoir d’insuffler une prise de conscience chez les politiques, mais on connaît la chanson ! Ali Jareehag répertorie, depuis 2020, les cheminées et moulins sucriers datant de l’époque coloniale à Maurice pour en faire une collection. On peut découvrir ces clichés qu’il accompagne de textes informatifs, sur son blog Letsdiscovermauritius.com.
“A national heritage site since 1998”
Les randonnées VTT deviennent un vrai plaisir pour Ali Jareehag lorsque l’effort cède la place à l’émerveillement au moment de découvrir ces parcours perdus dans la nature. La tristesse l’emporte en revanche lorsqu’il tombe sur ces structures historiques livrées à leur sort, à l’image du four à chaux de Poste-de-Flacq, qui est d’autant plus reconnu à l’échelle nationale. « How long will our historical places remain neglected and abandoned ? Many people’s incompetence is bringing our country’s history to an end. The lime kiln at Poste de Flacq, which is one of our national heritage sites, is in very poor condition. Previously, this region was home to multiple lime kilns. In fact, there were four like this one, three of which were completely demolished before 2010. This place has been designated as a national heritage site since 1998. This means that three of those lime kikns were destroyed after that, even though they were meant to be protected. Now only one remains, and if nothing is done quickly, it will be gone as well. Piles of rocks have fallen from the lime kiln’s chimney. Without a sure, many of these rocks are also being taken. A total disaster ! »
On ne reste pas de marbre devant le fléau des pillages dont fait l’objet la structure. À en croire certains habitants, il ne se passe plus un jour sans que des fieffés filous n’utilisent un passage qui n’est pas couvert par les caméras pour dépouiller méticuleusement chaque pierre taillée qui compose l’édifice. Aucun panneau n’indique qu’il est un site inscrit sur la liste du patrimoine national.
Le four à chaux de Poste-de-Flacq est un exemple, parmi tant d’autres, de cette manie de faire table rase. Le reflet d’un laxisme politique, de l’absence de ressources, de mécanismes d’action et d’un ministre qui s’y consacre avec assiduité. Comme tout ce qui pourrait doper un village, le patrimoine mauricien regorge d’atouts pour devenir une destination phare du cyclotourisme, une nouvelle manière de voyager, de découvrir le patrimoine en flânant… Circulez, il n’y a rien à voir !