FAZ (Fam Ape Zwenn) : Bouleversants témoignages d’Angel & Annecy, symbole de la résilience au féminin

– Babita Thannoo (députée de ReA au No 8) : « La société civile fait un travail remarquable, et les institutions ont une responsabilité primordiale »

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– Shirin Cziffra, Speaker : « Que FAZ puisse présenter ses doléances devant le Gender Caucus »

FAZ (Fam Ape Zwenn)/Women Meet a célébré, à sa manière, la Journée des droits de la femme. Pour la troisième année consécutive, cette plateforme militante apolitique a réuni une belle assistance à Rose-Hill. Des témoignages de Mauriciennes battues, harcelées, victimes, mais aussi des battantes qui surmontent mille obstacles, étaient au menu. Outre les membres de FAZ, des membres de l’Assemblée nationale, dont la Junior Minister Karen Foo Kune – Bacha, et la Dr Babita Thannoo, étaient présentes. De même que l’ambassadrice de l’Afrique du Sud, le Dr Hlamalani Nelly Manzini, et Madev Balloo, Project Manager de l’Union européenne (UE).

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Shirin Aumeeruddy-Cziffra et Lovania Pertab, deux chevilles ouvrières de FAZ, ont été appelées à des fonctions officielles auprès du nouveau gouvernement. Mais ce n’est pas pour autant que Joceline Minerve, fondatrice de FAZ, a chômé. Bien au contraire ! Hier, le hall du gymnase du collège Lorette de Rose-Hill accueillait une belle foule composée de femmes de tous âges, de toutes les régions de l’île, et de toutes les couches sociales. « Certaines sont des victimes et souffrent toujours sous le joug de leurs dominateurs. D’autres se sont affranchies de ces souffrances et s’érigent en survivantes et modèles. Et il y a des jeunes qui veulent suivre ces traces tout en apportant leurs touches et leur vision nouvelle », affirme Joceline Minerve.

Ainsi, Angel, pseudonyme choisi, jeune maman qui, durant les confinements de Covid-19, était « régulièrement battue comme un chien » par son mari devant ses enfants. « J’étais enceinte de sept mois. Il m’a fait m’asseoir sur une chaise et m’a tellement tapée… À la fin, il m’a dit : “To resanble enn panda aster ! »

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La jeune maman aurait pu « tou lese tonbe » et continuer de subir. « Ena dimounn inn dir mwa be kifer mo pa al lapolis… Be kifer mo pa al dan shelter. Seki pas ladan ki kone. Ou krwar li sinp sa, al met enn depozision lapolis kont ou mari, papa ou bann zanfan, ek retournn dan samem lakaz-la ? Denonse, li pa fasil. Bizin boukou kouraz », témoigne-t-elle.

Angel a malgré tout choisi la voie la plus dure : surmonter ses souffrances, exorciser ses douleurs, survivre pour ses enfants; sortir de son enfer et voir grandir ses enfants. « Se koumsa ki monn zwenn Natacha Boodhoo. Avec elle et d’autres femmes qui font face à une foule de difficultés, comme moi, nous avons maintenant un soutien, un espace d’expression… » Ensemble, elles ont écrit, composé et entonné une chanson. Le clip de Resiliens a été présenté à l’assistance présente ce dimanche matin. Les mots ont ému, et les interprètes-survivantes reçu beaucoup d’amour et d’applaudissements.

Annecy fait également partie de ce groupe. D’emblée, quand elle prend la parole, elle fait ressortir : « Enn pake dimounn konn mwa. Trouv mwa tou le gramatin pran loto al travay. Je m’habille, me maquille et j’arbore un sourire. Mais combien savent ce que j’ai vécu, ce que cache ce sourire ? »

Elle avoue avoir été victime de harcèlement physique et de Bullying sur son lieu de travail. Dans certains milieux, les critiques et commentaires sont de nature brutale et directe : « To tro gro », « To vilin », « Get to zar », etc. « Mais dans d’autres milieux, chics et corrects, comme la compagnie où je travaillais, c’était plus subtil… Ils vous insultent avec le sourire », partage-t-elle.

Annecy est tellement accablée qu’elle finit par en faire une dépression. « J’avais carrément perdu la mémoire ! J’ai dû avoir recours à beaucoup de soins, des thérapeutes, des spécialistes qui m’ont aidée à refaire surface. » Et une fois qu’elle a remonté la pente, la jeune femme n’a pas souhaité faire partie des anonymes : « Mo’nn kree enn group pou lager pou bann lezot fam kouma mwa ki soufer, gagn tou kalite tretma imilian. »

Mais ses ennuis étaient loin d’être terminés. « J’avais porté plainte contre la compagnie où je travaillais. Mais à mon grand étonnement, une fois que j’étais guérie, et quand je me suis rendue au bureau du Travail, au ministère, ô surprise, mon dossier était égaré et l’officier qui était responsable de mon cas était subitement parti en vacances ! Je dois avouer que la compagnie qui m’employait est une grosse boîte et que ses patrons ont des connexions. »

Angel et Annecy, avec le soutien de Natacha Boodhoo, se présentent aujourd’hui comme des modèles pour ces autres Mauriciennes qui souffrent en silence. Souvent pensant qu’elles n’ont pas d’autre choix que de subir. « Il y a une chose que, quand nous allons à l’école, on ne nous enseigne pas : c’est le stress post-traumatique. Comment gérer ces souffrances et ces violences, physiques et psychologiques, qui nous sont infligées. » Au sein de son association, Natacha Boodhoo veut justement accompagner, soutenir et offrir un exutoire à ces battantes.

Une autre jeune femme qui a pris la parole, Priya, mère d’Aarav, 7 ans. Enfant, cette femme se voit victime d’une maladie très rare : la dermatomyosite. Il s’agit d’une maladie caractérisée par l’inflammation de certaines zones de la peau et de certains muscles (myosite ou myopathie inflammatoire). « Franchement, je ne sais pas comment j’ai contracté cette maladie. J’étais encore toute petite, 10 ans. Je ne pouvais pas aller à l’école. C’était pénible pour moi de me déplacer… Mais je ne voulais pas me déclarer vaincue », raconte Priya, qui persévère avec l’aide de ses parents.

Cette habitante de Beau-Bassin réussit aux examens du Certificate of Primary Education et décroche une place au collège Dr Maurice Curé SSS. « Me mo pann kapav ale… C’était trop loin et je ne pouvais pas me déplacer autant. Physiquement, c’était trop dur. » De fait, après des démarches entreprises, elle se voit attribuer une place au collège BPS.

Les traitements se poursuivent. Arrivée en Form I, elle était « totalement paralysée », dit-elle. « Je ne pouvais pas suivre les cours… Heureusement, j’ai eu un entourage qui m’a beaucoup soutenue. Je suivais les classes pendant une demi-journée puis je rentrais. »

Priya se marie et tombe enceinte de son fils. « Mon mari et moi sommes divorcés. Tou dimounn pa konpran ou souffrans. » Mais la jeune mère n’est pas de celles qui baissent les bras : « J’ai fait des efforts, me suis occupée d’Aarav, qui est mon plus grand soutien. » Aujourd’hui, Priya est ingénieure en informatique et a travaillé dans plusieurs compagnies. « Mais à cause de mes problèmes de santé, ce n’est pas évident pour tout le monde de me comprendre et de m’accepter », concède-t-elle. Elle est toujours sur le marché du travail et sollicite l’aide des compagnies qui voudraient bien lui donner sa chance…

Joceline Minerve s’est dit satisfaite d’avoir eu, un dimanche matin, avec toutes les obligations que chacun a, et dans cette période spécifique, une assistance de qualité. « Nous avons les membres fondatrices de FAZ, dont les deux qui ont été appelées par le gouvernement pour occuper des fonctions importantes. Et nous avons toutes ces Mauriciennes venues de toutes les régions du pays. Elles sont engagées dans toutes les sphères du quotidien. Et chacune d’elles porte un fardeau. Chacune a une famille à nourrir. Certaines sont seules à travailler », déclare-t-elle. Avant de souligner : « Nos efforts sont en évolution constante. Nous avons de plus en plus de jeunes qui viennent nous rejoindre. Il n’y a pas que de l’espoir. Il y a du concret qui pointe du nez… »

FAZ ne chôme pas. La plateforme multiplie ses actions et sa présence est assurée aux quatre coins de l’île. « Dans les prochains mois, nous allons avoir des rencontres très ciblées, avec en complément des ateliers de travail très spécifiques avec des groupes de femmes, subissant des thématiques bien précises », soutient encore Joceline Minerve.

Dans l’assistance se trouvaient d’autres femmes qui ont contribué à l’avancement de la cause féminine dans le pays, à l’instar de Sarojini Seeneevassen. Avec Jasmine Toulouse, ces deux activistes ont animé avec brio la fin de la rencontre. L’ambassadrice d’Afrique du Sud a eu ces mots très forts en guise de conclusion : « Vous êtes sur la bonne voie ! Je suis impressionnée et émerveillée de voir à quel point vous êtes déterminées à agir. Don’t forget : when women come together, nothing is impossible ! »

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