Devant une assistance des plus encourageantes, les deux cofondatrices de Fam Ape Zwenn (FAZ), collecif citoyen, Joceline Minerve et Sheila Bunwaree ont présenté leur plaidoyer aux partis politiques. Elles étaient pour l’occasion entourées de membres de leur mouvement, nommément Shirin Aumeeruddy-Cziffra, Dominique Avice, Blanche Botte, Annie Lise Coralie, Alix Inassee, Marlène Ladine, Dany Perrier, Priscilla Sambadoo et Geneviève Tyack.
Étaient présents entre autres dimanche : la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo, qui s’est rapidement éclipsée; Joanna Bérenger et Karen Foo Kune (MMM), rejointes par la suite par Jasmine Toulouse; Neena Ramdenee, Mirella Chauvin et Ivor Tan Yan (Linion Moris), accompagnés d’autres membres du parti, dont Padma Utchanah (Ralliement citoyen pour la patrie – RCP) et Daniella Police-Michel (Verts Fraternels); Veena Dholah et Kugan Parapen (Rezistans ek Alternativ – ReA); Patrick Belcourt (En Avant Moris – EAM); ainsi que deux membres du Reform Party. La présence de Maya Hanoomanjee, ancienne ministre de la Femme et première femme à avoir occupé le poste de Speaker à l’Assemblée nationale, n’est pas passée inaperçue. « J’ai tenu à être là en tant que Mauricienne, et non comme représentante politique, bien que j’aie été ministre », dit cette dernière.
« FAZ n’aurait pas pu rater une telle occasion que la présente campagne électorale pour réunir les partis politiques et leur transmettre les nombreuses doléances, représentations et propositions des Mauriciennes, à être prises en considération dans leurs programmes et à être intégrées dans leurs campagnes ! » pose d’emblée Joceline Minerve. Forte d’une longue carrière politique, elle est à l’origine, en 2022, de la création de FAZ. Où l’a ensuite rejointe la sociologue et politique Sheila Bunwaree.
Celle-ci a pesé ses mots, arguant : « Le plaidoyer en faveur d’une île Maurice meilleure, inclusive, de parité et d’égalité pour chacun, avec un système d’éducation solide, efficace et équitable à tous ses enfants, un système de santé adéquat répondant aux besoins et attentes de la population, une politique de logement accessible, des ouvertures économiques, financières et légales disponibles pour toutes les citoyennes, entre autres, tant que FAZ sera là, nous n’arrêterons jamais de réclamer ces droits humains et revendiquer que ces droits soient respectés. »
Le document présenté par FAZ se décline sur une quinzaine de pages et 12 thématiques : le logement et l’accès à la terre; les violences faites contre les femmes; les drogues et les substances nocives; l’eau et l’environnement; la santé; Rodrigues, Agalega et les Chagos; l’éducation; l’éducation civique et éthique; le travail; les PME; les femmes et la politique; et enfin les arts, la culture et les loisirs. « C’est un travail de longue haleine que nous avons entrepris sur la durée, durant les 22 mois depuis la création de notre plateforme citoyenne. Nous étions conscientes que les Mauriciennes vivaient des souffrances souvent indicibles et qu’elles n’avaient aucun moyen de s’exprimer. Et encore moins de se faire entendre ! » déclare Joceline Minerve.
Sheila Bunwaree soutient : « Nous nous sommes déplacées pour aller à la rencontre des Mauriciennes aux quatre coins du pays, dans les régions de l’île Maurice profonde. Et ce que nous avons entendu, quand nous nous sommes mises à l’écoute de ces femmes, était intolérable ! » Elle ajoute : « Nou pa kapav, dan Moris an 2024, aksepte sa kalite linzistis ki pe deroule-la ! »
Intervenant sur la question de l’éducation, la sociologue et ancienne chargée de cours de l’Université de Maurice (UoM) a mis l’accent sur le fait que tout notre système d’éducation est à revoir« Pas uniquement la question des lauréats, et ces failles qui font que nous nous retrouvons avec autant de nos jeunes enfants qui ne sont pas scolarisés, qui sont exclus du système et qui sont livrés à eux-mêmes, sans espoir ni ouverture d’une formation à un métier ! C’est une profonde injustice. Sans compter le nombre de jeunes filles fréquentant des établissements scolaires secondaires qui n’ont pas accès à des études en sciences et en technologies. Comment vont-elles devenir des leaders de demain quand ce sont ces secteurs qui sont les plus porteurs dans le contexte mondial actuel ? »
S’insurgeant contre la formule des recalés du système,Sheila Bunwaree propose : « Nous demandons que soit introduite la médecine scolaire afin que chaque enfant puisse bénéficier d’un suivi et d’un accompagnement dès le plus jeune âge, pour que soient décelées les faiblesses et inaptitudes des uns et des autres. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons orienter nos enfants et nos jeunes vers des filières et des professions. Au moins, nous n’aurons plus autant d’ados et d’enfants qui deviendront les proies faciles des pièges et fléaux sociaux ! »
Après les différentes intervenantes ayant évoqué les thématiques présentées dans le plaidoyer de FAZ, Joceline Minerve indique : « Le travail ne fait que commencer ! Nous avons entamé le nôtre, et fait une partie de notre contrat. Aux politiques et leur parti de prendre le relais. »
Des livrets ont été remis aux représentants de chaque parti politique présent pour un suivi sur le plan national. Shirin Aumeeruddy-Cziffra a pour sa part tenu à « féliciter la présence et participation des hommes qui se sont déplacés » dimanche. « C’est ensemble que nous allons pouvoir apporter des changements et améliorer le sort de tout un chacun. »
Pour ne pas déroger à la tradition, FAZ a clôturé sa rencontre sur une note artistique autour de chants engagés. Pour l’occasion, l’ambassadrice de l’Afrique du Sud à Maurice, le Dr Hlamalani Nelly Manzini, présente à la rencontre et qui est restée jusqu’à la fin, n’a pas hésité à se joindre à l’assistance, reprenant avec émotions des notes d’Asimbonanga de Johnny Clegg et des Savuka, et Fam dan zil de Kaya, entre autres.
« Agalega pe vinn nouvo Chagos ! »
Une native d’Agalega, Yeline Poullay, a livré un témoignage vibrant et poignant au nom des siens. « Mo pa finn kapav retournn Agalega depi 2016 ! Sak fwa, zot ena enn rezon pou avanse : sipa pena plas, pena bato, pena isi, pena laba… La situation est devenue très compliquée pour nous, natifs des îles. Nos jeunes ne veulent plus entendre parler de retourner vivre là-bas. Nous ne nous y sentons pas en sécurité, et nos jeunes n’ont aucune perspective de travail ou de s’installer, de fonder une famille. (…) De seki nou pe trouve, pou nou li kler ki Agalega pe vinn nouvo Chagos. »
« Bientôt, nous aurons à quitter nos îles. Quand nous, citoyens originaires des îles d’Agalega, nous nous rendons sur place, nous ne jouissons pas de notre liberté entière. En cela, je veux dire que nous n’avons pas le droit, par exemple, de construire de maisons. Ceux qui s’y rendent vivront comme locataires dans des maisons qui ne sont pas les leurs… C’est triste. C’est notre terre, mais nous n’avons aucun droit. Nous réclamons de ce fait nos droits à la terre, au logement, aux soins médicaux, à l’éducation pour nos enfants… »
RÉACTIONS
Joanna Bérenger (MMM) : « Nous prenons bonne note des propositions »
« Nous sommes solidaires avec toutes ces Mauriciennes. Le parti est, comme toujours, à l’écoute de tous les citoyens, et nous prenons bonne note de tout ce que FAZ a présenté comme doléances et attentes. Cela dit, une grande partie de ce qui a composé le plaidoyer fait déjà partie de notre programme.
Avec nos partenaires de l’alliance PTr-MMM-ND et ReA, nous planchons déjà sur ces thématiques, et nous allons nous aussi vers ces compatriotes qui subissent ces injustices. Un grand nombre de mesures sont déjà incluses dans notre programme. Et comme FAZ le fait ressortir, le respect des valeurs et des principes font tout aussi bien partie de ce que nous, comme politiques, prônons. »
Padma Utchanah (RCP/Linion Moris) : « Nous devons redoubler d’efforts »
« Le changement ne peut que venir de la part des femmes, pour les femmes. Nous nous retrouvons avec un système dysfonctionnel à divers niveaux, ce qui provoque ces injustices et manquements. Et, par incidence, toutes ces souffrances. Nous devons donc redoubler d’efforts pour faire que des changements, en profondeur, et concrets, soient faits. »
Veena Dholah (ReA) : « Une solide envie de militantisme parmi les femmes »
« Li pa posib ki en 2024 nou pe viv dan enn lil Moris kot ena otan linzistis ek souffrans ! ReA s’est alliée avec la plateforme de l’opposition PTr-MMM-ND parce que nous prônons justement une politique de changement complet et sur tous les fronts.
ReA s’est toujours présenté comme un catalyseur. C’est justement parce que nous voulons être partie prenante de cette nouvelle Île Maurice où il fait bon vivre et où chacun est respecté. Les doléances des Mauriciennes que nous avons entendues des membres de FAZ aujourd’hui ne nous sont nullement étrangères. Nous aussi sommes très proches du peuple et dans tous les coins du pays. Il y a une solide envie de militantisme au sein de la population, et surtout parmi les femmes. Nous sommes venus à cette rencontre parce que nous aussi, chez ReA, nous sommes à l’écoute. Mais aussi et surtout, nous entamons des actions, nous entreprenons des démarches pour changer la donne ! »
Patrick Belcourt (En Avant Moris) : « Ces revendications feront partie de nos projets »
« J’ai été extrêmement impressionné par l’immense travail et le professionnalisme des membres de FAZ ! Je salue très bas Joceline Minerve et Shirin Aumeeruddy-Cziffra, qui sont des politiciennes de carrière et admirées, respectées pour tout ce qu’elles ont fait pour le pays. Personne n’oubliera jamais cela. Elles auraient pu avoir tranquillement pris le recul de la vie sociale active, mais non, elles sont toujours et encore présentes sur le front, à défendre les droits des femmes et des Mauriciens en général !
Dans mon parti, nous prenons bonne note de tout ce qui a été exprimé aujourd’hui et dans votre plaidoyer. Et nous assurons FAZ et tous les Mauriciens que toutes ces revendications feront partie de nos projets de société. »
Ivor Tan Yan (Linion Moris) : « Pas sans le soutien des hommes »
« Il faut absolument rendre aux femmes leur place, que ce soit en politique, dans le social, l’économie… Avec le changement d’intitulé – ministère de l’Égalité des genres –, l’aspect spécifiquement des femmes se perd, et de là naissent des confusions. Ce qui fait que la priorité qui doit être accordée aux femmes est reléguée. Il faut définitivement commencer par là et poursuivre dans ce sens pour rétablir la femme au sein de chaque sphère. Et cela ne se fera pas sans le soutien des hommes ! »
Maya Hanoomanjee (ex-Speaker) : « Et la violence faite aux femmes… »
« Je ne représente aucun parti politique. Ma présence ici est d’abord et surtout en tant que femme, que Mauricienne. J’ai été ministre, et comme première Speaker femme de l’Assemblée nationale, j’ai mis en route le Gender Caucus. Nous avons travaillé sur deux rapports, dont l’un sur la violence faite aux femmes. Dedans, il y a toutes les pistes de réponses pour œuvrer vers un assainissement de ce problème, qui prend beaucoup d’ampleur. »