Des cas de refus d’octroyer des pièces d’identité à des Mauriciens font surface ces derniers temps. Les citoyens concernés sont visiblement ceux détenant la double nationalité et qui ont vu leurs demandes auprès de l’État Civil pour obtenir leurs cartes d’identité biométriques (Biometric ID Cards) être refusées en dépit des années qu’ils ont vécu à Maurice ou encore de leur statut respectif. Les principaux concernés ont été renvoyés au Prime Minister’s Office – qui devrait désormais reconfirmer leur citoyenneté mauricienne. Des recours juridiques ont été initiés devant les instances judiciaires appropriées pour contester ces nouvelles exigences.
Le refus de l’État Civil d’octroyer la carte identité mauricienne à un détenteur d’une double nationalité fait polémique ; cela est désormais au cœur des contestations légales avec les services des hommes de loi Me Joy Beeharry et de Me Hiren Jankee (avoué) retenus pour contester les nouvelles exigences des autorités. Le Premier ministre, responsable du PMO et le Secretary for Home Affairs ont été assignés en Cour suprême aussi bien que le Passport and Immigration Office (PIO) et l’État Civil. Dans le premier cas, il s’agit d’une plaignante détentrice à la fois d’une carte d’identité et d’un passeport mauriciens. Elle explique dans sa plainte qu’elle est née en Pologne en 1974 de père mauricien et de mère polonaise. La quinquagénaire indique que sa mère a été enregistrée et reconnue comme citoyenne de Maurice en 1988.
La principale concernée avance qu’elle avait entrepris des démarches en vue d’obtenir la carte d’identité auprès de la National Identity Card Unit en avril 2023, qui tombe sous la Civil Status Division du PMO où elle a été informée qu’elle devait contacter la Citizenship Section de cette instance en vue d’obtenir un certificat confirmant sa citoyenneté.
« I was subsequently shocked to learn at the said section of the PMO that because I held dual nationalities, I had allegedly lost my Mauritian nationality, and had therefore to apply for resumption of citizenship under section 15 of the Mauritius Citizenship Act (MCA) », soutient-elle.
Elle explique qu’après s’être renseignée par rapport aux exigences des autorités, son conseil légal a écrit au Secretary for Home Affairs, notamment concernant les dispositions de la mise en opération de l’article 15 (1) de la MCA qui stipule que « any person who was a citizen of Mauritius and also a national or citizen of some other country ; attained the age of 21 on or after 12 March 1968 and before the coming into force of this section ; and ceased to be a citizen of Mauritius by virtue of his failure to renounce the nationality or citizenship of that other country, shall if he is ordinarily resident in Mauritius, become a citizen of Mauritius as from 1 May 1995 ».
Me Beeharry s’est aussi appuyé sur l’article 23 de la Constitution qui préconise que « a person born outside Mauritius after 11 March 1968 shall become a citizen of Mauritius at the date of his birth if at that date either of his parents is a citizen of Mauritius otherwise than by virtue of this section or section 20(3) ».
La plaignante met en avant que pendant tout ce temps elle a été une citoyenne de Maurice, y résidant continuellement de 1975, à l’exception de deux occasions ou pendant huit ans elle a été en Côté d’Ivoire et en France. Elle souligne que le Secretary for Home Affairs a répondu officiellement à la lettre de son avocat réaffirmant qu’elle devait demander à nouveau sa citoyenneté sous l’article 15 (1) de la MCA.
La quinquagénaire affirme qu’une telle prétendue exigence est mal conçue dans la mesure qu’en vertu de l’article 15 (1) de la MCA, tel que modifié en 1995, elle aurait automatiquement acquis la citoyenneté mauricienne par le simple effet de la loi étant résidente à Maurice au 1er mai 1995 ; cela indépendamment du fait qu’elle ait ou non une double nationalité. « En revanche, aux termes de l’article 15(2) de la MCA, il est stipulé que lorsqu’une personne visée au paragraphe (1) ne réside pas habituellement à Maurice, elle peut faire une demande d’enregistrement au ministre et ce dernier peut à sa discrétion, accorder la demande », fait-elle ressortir avançant que l’article 15 (2) ne s’applique pas à elle dans la mesure où elle était au 1er mai 1995, et ce depuis 1975 jusqu’à aujourd’hui, résidente à Maurice.
Elle souligne avoir reçu une carte d’identité en 1993 et aussi des passeports mauriciens, le dernier datant de 2014. La plaignante affirme que le fait qu’elle détenait déjà ces documents démontre clairement qu’elle n’aurait pas pu perdre sa nationalité mauricienne. Mettant en avant que son passeport a été émis officiellement en 2014, elle s’appesantit qu’elle est bel et bien « citoyenne de Maurice ».
Dans sa plainte, elle déclare aussi avoir fait sa scolarité à Maurice, au Lycée La Bourdonnais et qu’elle est, après ses études secondaires et supérieures, revenue à Maurice et a travaillé au sein de plusieurs sociétés mauriciennes. Elle déclare régler ses impôts auprès de la Mauritius Revenue Authority et s’être mariée deux fois à Maurice avec des ressortissants mauriciens et ayant une fille de 15 ans.
« There is no doubt that I am Mauritian Citizen by operation of the law in as much as I have been ordinarily resident, in Mauritius since 1975 and therefore, falling within the ambit of Section 15(1) of the MCA. In any case, it is also my constitutional rights under Section 23 of the Constitution to be considered a Citizen of the Republic of Mauritius. I cannot be deprived of such right by the mere stroke of a pen on the part of the administration the moreso given that I hold a valid Mauritian Passport and the old format of the National Identity Card », soutient-elle en perspective dans sa plainte.
La plaignante n’est d’ailleurs pas la seule dans cette situation, avec un autre cas, celui d’un Mauricien détenant la nationalité sud-africaine car il a pris naissance de parents mauriciens en 1975 en Afrique du Sud. Sa scolarité, il l’a faite à Maurice et le principal y a aussi travaillé pendant des années. L’habitant de Balaclava est détenteur d’un passeport mauricien depuis 2012 et a lui aussi subi le même sort de l’État Civil en mai dernier. Les deux cas seront appelés en Cour suprême le 27 septembre.
Affaire constitutionnelle sur la citoyenneté mauricienne à suivre…