- Seuls Lalit et l’Alliance du Changement ont osé déléguer leurs représentants à cette démarche d’Eco-Sud
À l’initiative d’Eco-Sud, un débat sur la reconnaissance des droits de la nature a été organisé dans le cadre de la campagne électorale. Toutefois, la majorité des partis et blocs invités ont décliné l’invitation. L’Alliance du Changement a délégué la Dr Babita Thannoo et Lalit, Rajni Lallah. Des préoccupations environnementales avec le maintien de la base militaire à Diego-Garcia à l’importance d’éduquer et de renforcer les capacités des citoyens, en passant par l’impact du changement climatique sur les communautés vulnérables, les échanges ont été riches et tendus par moments.
Reconnaître des droits de la nature : une priorité pour le bien-être des Mauriciens/Mauriciennes et la protection des droits humains. Tel était le thème du débat organisé par Eco-Sud, à The Docks, Port-Louis, hier. Rachèle Bhoyroo, la responsable de communication, explique que ce débat s’inscrit dans la démarche enclenchée par Eco-Sud, depuis l’année dernière, de réunir des acteurs de la société civile, autour des droits de la nature. « Ce qui a permis une prise de conscience concernant les effets sans précédent du changement climatique sur les populations vulnérables. » Ce débat, a ajouté pour sa part, Patrick Yvon, l’un des modérateurs, est sans doute l’une des rares occasions, dans cette campagne électorale, avec accent sur les idées et les palabres.
Intervenant au nom de Lalit, Rajni Lallah a estimé qu’il est très préoccupant, qu’à la veille des élections générales, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, se gargarise de l’annonce d’un accord pour que Diego-Garcia puisse continuer d’abriter une base militaire : « La guerre est l’une des plus grandes sources de pollution. Outre la massive production d’armes et le risque d’une guerre nucléaire, il y a également des tonnes de débris qui s’accumulent. Il y en a actuellement 42 millions de tonnes de déchets rien qu’à Gaza », dit-elle.
Rebondissant sur ce thème, la Dr Babita Thannoo a mis en exergue que l’un des arguments utilisés par les Britanniques par le passé, pour empêcher les Chagossiens de revenir chez eux, était de créer un Marine Protected Area. « Nous attendons de savoir ce qui va se passer maintenant. La biosphère est dans un état critique, mais il semble que beaucoup n’en ont pas conscience », ajoute-telle.
Parlant des droits de la nature, elle a estimé qu’il y a toute une pédagogie à faire pour aider à sensibiliser à son importance : « L’Alliance du Changement est prête à amener le changement, en incluant les droits de la nature dans notre Constitution. C’est dans notre manifeste. C’est un combat que nous allons mener et qui ne restera pas sur papier. »
Grâce à cette disposition, a ajouté Babita Thannoo, le peuple pourra remettre en question, même les actions du gouvernement. « Les droits de la nature ne sont pas apparus dans notre manifeste comme par hasard. Il y a eu d’abord un travail de terrain que Rezistans ek Alternativ a mené depuis longtemps. » Elle a cité en exemple, l’épisode du Wakashio, où ReA avait pu mobiliser la population pour la fabrication de bouées artisanales. « La conscience écologique est là. Avec les droits de la nature inscrits dans la Constitution, les citoyens auront plus de pouvoirs. Le fait que deux grands partis comme le PTr et le MMM ont accepté cette idée marque un Paradigm Shift », affirme-t-elle.
Cette démarche inclura un changement sur le plan énergétique, avec un accent sur les énergies renouvelables, ainsi que l’agro-écologie, l’une des priorités du programme, a-t-elle précisé. Elle a également avancé que ReA n’a pas perdu son identité au sein de l’Alliance du Changement, mais que le parti mène son combat dans une autre arène. Interpellée sur la position de l’Alliance du Changement quant au maintien de la base militaire à Diego-Garcia, elle a indiqué qu’il n’y a pas eu de déclaration officielle à ce sujet, mais que ReA a toujours été contre les bases militaires.
Économie et environnement
Rajni Lallah est d’avis que la protection de l’environnement est aussi liée au choix de l’orientation économique. Elle a critiqué le bétonnage sur les terres agricoles, qui auraient pu être utilisées pour assurer la souveraineté alimentaire. Un point de vue partagé par Anoushka Virahsawmy (Gender Links), de la société civile, qui n’est pas passée par quatre chemins : « Il y a tellement de terres fertiles à Maurice que des bâtiments poussent dessus… En retour, on doit importer 80% de ce qu’on mange…»
Rajni Lallah a également évoqué les maisons « toxiques », contenant de l’amiante. Elle a déploré le fait que Rs 800 millions avaient été votées pour éliminer ces maisons, mais que rien n’a été fait à ce jour. « Le remplacement des maisons contenant de l’amiante ne figure sur aucun programme électoral des autres partis, non plus », a-t-elle dénoncé.
Clency Bibi (GWF), de la société civile, a regretté l’absence d’un audit des terres, qui pourrait déterminer quel type d’utilisation est approprié pour chaque terrain. Il a donné l’exemple des terres agricoles d’Ébène, converties en cybercité et le même processus qui s’opère actuellement à Côte d’Or. Il s’interroge également sur l’impact du tourisme de masse.
Pour sa part, Alexandre Barbès-Pougnet, juriste et candidat indépendant aux prochaines élections, s’est interrogé sur la pertinence d’intégrer les droits de la nature dans la Constitution. Selon lui, il ne suffit pas d’inscrire les droits de la nature dans la Constitution pour faire comme d’autres pays, mais de s’assurer que le système judiciaire soit adapté à cela. Sans compter qu’il faut tout un mécanisme à mettre en place et qui ne relève pas nécessairement de notre culture.
Anoushka Virahsawmy est d’avis que Maurice a beaucoup à apprendre de Rodrigues, en matière de respect de l’environnement et de résilience. Karina Gounden de Mru2025 (Aret kokin nou laplaz) a indiqué que la démocratie environnementale repose sur trois piliers, soit l’accès à la justice, qui demeure un parcours du combattant, car les citoyens ne peuvent plus contester un BLUP devant le tribunal de l’environnement, mais doit aller en Cour Suprême, ce qui coûte beaucoup d’argent. Elle a cité le cas d’Eco-Sud qui a dû aller jusqu’au Privy Council.
Les deux autres aspects sont l’accès aux données, qui demeure restrictif à ce jour, ainsi que la participation de la société civile dans le processus de Policy Making. Souvent, a-t-elle indiqué, la société civile est invitée à des Validation Workshops au dernier moment, quand toutes les décisions ont déjà été prises.