Orgasmic Garden, la petite entreprise de Kelly Steel, voit grand pour la protection de la nature. Sa maison, elle l’a construite pour privilégier le photovoltaïque. À Olivia, dans l’est de l’île, Kelly qui a repris le flambeau au décès de son mari, Gabby, propose le “Bokashi Kitchen Composting Bin”, la vermicompostière (worm bin) avec des “red wigglers”, du vermicompost ainsi que des légumes fraîchement récoltés. Sa technique : le bokashi, un produit qui permet de transformer les déchets ménagers en engrais plein de vie et de nutriments pour le sol, grâce à la fermentation.
Elle était mariée à un Sud-Africain, Gabby Steel, décédé l’an dernier. Celui-ci lui a transmis le goût pour la nature. Depuis, Kelly vit en osmose avec l’environnement et la terre nourricière. Cette jeune femme de 35 ans avoue pourtant qu’elle ne se voyait pas exercer le métier de fermière, craignant à un certain moment les vers de terre, son pire cauchemar.
Mais elle a changé d’avis le jour de sa rencontre avec Gabby Steel. « Nous avons appris à respecter ensemble la nature et nous voulions que notre entreprise ait un impact positif sur l’environnement. À ce moment, j’étais en pleine recherche, j’étais dans l’attente d’une vie qui corresponde à ma personnalité et à mon mode de vie. Et la rencontre avec Gabby a été un déclic. »
Quand Kelly Rose parle, elle semble apaiser sa douleur face à son incompréhension de la vie et de la mort. Son mari qui a longtemps été son pilier lui a légué la terre en héritage. Un amour qui s’est développé au fil des ans et qui, même après la mort de son mari, lui donne de quoi subsister. Certains se souviennent encore de Gabby Steel, ce peintre d’origine sud-africaine et décorateur d’intérieur qui avait présenté avec son épouse Kelly, au Earth Market, à Cap Tamarin, deux techniques de compostages peu connues à Maurice, la vermiculture et le bokashi.
Un compost mis au point par un Japonais
C’est dans la région de l’est, à Olivia plus précisément, que Kelly pose les jalons de son entreprise, Orgasmic Garden Ltd, en 2014. Elle raconte que Facebook a été le premier élément catalyseur pour la bonne marche de son projet. « Il y avait une dame qui recherchait du bokashi, un nom japonais issu d’une méthode élaborée par le Professeur Teruo Higa. Il a mis au point un engrais naturel formé à partir de matière organique fermentée, lors d’un processus alternatif au compostage. »
Comme il n’y avait personne qui le produisait à Maurice, le couple Steel a décidé d’entamer des recherches avec l’université de Maurice et la collaboration du ministère de l’Agriculture pour faire tester ses produits. Quant au nom, Orgasmic, Kelly sur un ton taquin lance : « L’idée du logo Orgasmic a deux sens, cette nuance nous plaisait. Ce côté amusant du nom laisse libre cours à l’imagination de nos clients. »
En termes de vente, le bokashi semble prendre la deuxième place, car les clients viennent surtout pour acheter l’Ant-e-Ant, produit qui a trait aux fourmis. Mais qu’en est-il vraiment de son utilisation ? Kelly Steel répond qu’il s’agit d’un produit organique à base de borax qui n’est dangereux ni pour l’humain ni pour l’animal. Les fourmis, indique-t-elle, sont attirées par le produit, elles s’en imprègnent avant de les ramener dans leur fourmilière.
Concernant le bokashi, elle confie que cette technique est idéale pour créer du compost avec quasiment tous les déchets organiques. « Il est très facile de faire du compost avec le bokashi car il suffit d’être équipé d’un seau hermétique. Dans un premier temps, il faut saupoudrer le fond du seau avec le fameux bokashi puis déposer ses déchets organiques. Il est important de tout mélanger et de bien refermer le seau afin que les conditions soient respectées et de répéter le processus jusqu’au remplissage. »
Après quoi, selon Kelly, il faut bien le refermer pendant trois semaines, le temps que le compost perde son acidité. « Après les trois semaines scrupuleusement observées, le bokashi peut être mis en contact avec la terre, le temps de sa maturation complète. » Kelly Steel parle aussi de vermicompostage qui permet de décomposer les déchets de cuisine grâce à l’action de petits vers de terre.
La permaculture
Kelly est définitivement très proche de son environnement. Elle relate que son mari et elle ont eu l’idée de créer un centre de permaculture où les gens peuvent venir en famille et partager leurs connaissances en vue de promouvoir les produits. « Il est important de montrer aux gens qu’ils peuvent réutiliser des matériaux recyclés pour construire leur propre maison. Notre maison, à titre d’exemple, a été construite avec l’apport de matériaux recyclés, l’électricité est produite à partir de l’énergie solaire. Il faut encourager les gens à aller vers l’autosuffisance et à avoir un petit espace vert, même sur une petite terrasse. » La permaculture repose sur trois piliers : prendre soin de la terre ; prendre soin des humains (de soi et des autres), créer l’abondance et redistribuer les surplus.
Orgasmic Garden s’est développé rapidement. Kelly obtient l’eau et l’électricité grâce au photovoltaïque. Elle trouve que le soleil est une source d’énergie à l’infini. En temps pluvieux, il suffit de recharger les panneaux solaires avec un générateur.
Son inspiration, Kelly la puise de sa passion qui émane de tout ce qu’elle entreprend, notamment de la méditation. « Je suis matinale et j’aime m’asseoir dans mon jardin en premier lieu. Je visualise ma journée et des décisions que je vais prendre. Parfois, je prends des conseils avec des amis, c’est aussi une source de partage. »
Kelly Steel dira que la période de confinement liée au Covid-19 a été difficile pour elle. Cette année, elle entend sensibiliser les enfants à l’écologie en partageant avec eux sa passion. « Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, c’est évident que les choses sont devenues plus compliquées et difficiles pour les Mauriciens. Et n’oublions pas le désastre écologique qui nous guette. Cela devrait être un déclic, non seulement pour les Mauriciens mais aussi pour la planète entière. »
Kelly Steel a d’autres projets dans son escarcelle comme encourager les gens à la mise en place de jardins communautaires, surtout dans les villages où, dit-elle, les espaces verts sont omniprésents. « Il faut aussi s’engager et avoir de la patience pour le jardinage, surtout si nous avons envie de sauver notre planète. Je rêve que les gens sont plus respectueux envers la nature et, bien évidemment, que les Mauriciens respectent leur île. » Elle projette aussi de se lancer dans la culture de fruits, de légumes et la production de miel.