Le Guide - Législatives 2024

Élevage Macaque à longue queue : Recherche préclinique à Maurice

Chaque année, l’île Maurice exporte vers les laboratoires de recherche jusqu’à 11,000 singes pour une somme d’environ Rs 2 milliards. Tandis que le désengagement de la compagnie Air France pour le transport des primates vers des laboratoires pourrait avoir des conséquences sur la recherche scientifique, l’une des solutions pour la compagnie Bioculture Ltd serait d’effectuer des essais précliniques à Maurice, tout en utilisant les singes élevés sur notre sol. Après un premier partenariat avec la compagnie indienne Palamur en 2021, qui n’a pas abouti, la société est aujourd’hui à la recherche d’un partenaire avec de l’expérience dans le domaine.

- Publicité -

À Maurice, Bioculture Mauritius Ltd (BCM) est l’une des plus grosses compagnies d’élevage de singes destinés à la recherche biomédicale. Les autres étant Noveprim, Cynologic/Les Campêches Ltd et Biosphere. La firme compte cinq sites d’élevage où elle totalise environ 22,000 singes. En 2021, la société crée un partenariat avec la compagnie indienne Palamur Biosciences pour la recherche et l’expérimentation et devient Palamur Bioculture Mauritius Ltd. Mais le directeur Nada Padayachy affirme que « ce n’est plus d’actualité depuis l’année dernière ». Il explique : « Nous avons été approchés pour les singes car l’Inde voulait importer des singes pour la recherche biomédicale. Implanter un laboratoire de recherche à Maurice était pour nous une solution. Nous avons décidé de créer un partenariat avec Palamur, la compagnie de recherche indienne, afin de mener des recherches précliniques à Maurice. Le projet était à l’état embryonnaire. Nous avons déjà obtenu une licence mais par suite de divergences, nous avons décidé de ne pas aller de l’avant ».

Nada Padayachy ajoute, toutefois, qu’ils n’ont pas mis de coté le projet de recherche, mais préfèrent prendre le temps de trouver un partenaire avec un « bon track record ». Pour rappel, la compagnie Air France a mis un terme au transport des primates destinés aux laboratoires. Elle est la dernière grande compagnie à cesser cette pratique.

« Positionner Maurice comme un hub de la recherche médicale »
Mais pour le directeur de Bioculture, ce projet n’est pas nécessairement lié aux transporteurs aériens. L’étude préclinique est pour eux une étape fondamentale. « La recherche préclinique et clinique est un domaine dans lesquel plusieurs pays s’engagent et qui peut être considéré comme étant une évolution normale. La recherche clinique se fait déjà depuis plusieurs années à Maurice, de même que la partie in vitro de la recherche pré-clinique. La partie in-vivo, c’est-à-dire la recherche sur les animaux, fait partie du cadre légal depuis 2017 », affirme-t-il. Pour lui, « la sphère de la recherche préclinique est vaste et comprend des spécialisations très avancées pour lesquels nous n’avons certainement pas (encore) les compétences sur le marché local. Nous comptons établir un partenariat étroit et investir dans un des leaders mondiaux dans ce domaine qui pourrait, sur le long terme, transmettre ces compétences aux scientifiques mauriciens et nous permettre ainsi d’agrandir l’étendue des activités que nous pourrons offrir sur le marché mauricien. Nous sommes déjà en discussion avec plusieurs partenaires potentiels. Nous souhaitons participer au développement de la recherche biomédicale de pointe à Maurice et permettre aux professionnels locaux de la recherche de développer des compétences et une réputation de classe mondiale dans ce domaine. L’initiative s’inscrit dans cette logique et vise à positionner Maurice comme un hub de la recherche médicale », dit-il

S’agissant des expériences qui seront menées une fois le partenariat établi, il déclare que : « La recherche préclinique étant très vaste, allant de la simple étude de pharmacocinétique/pharmacodynamique – où l’on ne fait que recueillir des informations sur le comportement et les effets d’un composé dans un organisme vivant – jusqu’à des études plus complexes tels que la télémétrie sur des systèmes/organes spécifiques. Les études plus complexes incluent aussi la recherche sur l’efficacité et la fiabilité des traitements contre le cancer et de la thérapie génétique. Cette dernière a pour but de guérir les maladies issues de problèmes génétiques tels que la mucoviscidose, l’hémophilie, certains types de cancers, etc. Les types d’études seront menées selon les compétences et l’expérience du partenaire choisi, la demande du marché, et aussi d’après le cadre légal en vigueur. »

Par ailleurs, selon nos recoupements d’informations, Bioculture ne serait pas la seule compagnie à s’être embarquée dans ce projet. L’une d’elles ferait de la recherche préclinique et serait en opération depuis 4 ans environ. Une autre aurait également obtenu une licence des autorités.

Des cas de tuberculose ont été détectés il y a quelques semaines aux États-Unis. Deux personnes travaillant dans un centre de recherche ainsi que des macaques en provenance de Maurice ont été infectés. Début mai, 200 singes se trouvant sur l’un des sites d’élevage de Bioculture à Bel Ombre, avaient été euthanasiés. Ces derniers avaient contracté la tuberculose. Mais pour Nada Padayatchy, les cas détectés aux États-Unis n’ont rien à voir avec ceux détectés à Maurice.

Le directeur de Bioculture affirme n’avoir reçu aucun retour de la part de leurs clients. Pour lui, tout porte à croire que le singe contaminé a contracté la tuberculose aux États-Unis. « Nous ignorons quand cela s’est déclaré. Nous ignorons également quelle était la direction de la contamination. En l’absence d’informations complémentaires, nous nous interrogeons si c’est du singe à l’humain ou l’inverse. Car il faut savoir qu’aux États-Unis, le taux de tuberculose chez les humains a une prévalence de 4% de la population américaine. La tuberculose est très sommaire chez l’humain. À Maurice, par exemple, c’est moins de 40 sur 100,000 personnes. Dans le milieu de l’élevage, les singes sont susceptibles à la tuberculose, que ce soit humaine ou bovine », affirme-t-il.

« Tout porte à croire que les singes contaminés ont contracté la tuberculose aux USA »
Il explique que les singes avaient été exportés de Bioculture en janvier 2021 après avoir été soumis à cinq tests qui se sont révélés négatifs. Trois autres tests auraient été effectués à leur arrivée aux États-Unis. « L’animal a passé 17 mois sur une facilité qui accueille des singes de par le monde, avant d’être envoyé au laboratoire en mai 2022. C’est en janvier 2023 que le singe a présenté des signes cliniques de la tuberculose. Cela n’a rien à voir avec les cas détectés chez nous en mai 2023 », a-t-il déclaré.

Pour Nada Padayachy, c’est une éventualité à laquelle il faut se préparer. « Avant l’exportation, les autorités vétérinaires imposent que les animaux soient soumis à des tests de tuberculose. Cinq tests doivent être négatifs à deux semaines d’intervalle. Il y a également trois autres tests qui doivent ensuite être effectués aux États-Unis. Tous doivent être soumis à ces tests. Malheureusement, aucun n’est 100% fiable de par la nature de la maladie. La bactérie se réfugie au sein du tubercule. Elle est difficilement détectable. C’est ça le drame », indique-t-il.

Mais cette compagnie est-elle préparée en cas de tuberculose et de contamination massive parmi les singes, une fois le projet de laboratoire se concrétise ? Comment protéger le personnel ? Se référant aux cas de Bel Ombre où 200 singes avaient été euthanasiés après avoir été infectés à la tuberculose,

« Aucun test disponible actuellement n’est 100% fiable »
Nada Padayachy déclare que « Les autorités ont été informées immédiatement. Le site ou le cas a été détecté a été placé en quarantaine… aucun animal ne rentre ni ne sort du site. Et les tests de tuberculin sont effectués sur les animaux du site à 2 semaines d’intervalle. Il faut un minimum de 5 tests négatifs consécutifs pour que la quarantaine soit enlevée ». Le directeur de Bioculture explique que « La tuberculose est une maladie zoonotique à laquelle les primates sont vulnérables. Le risque zéro n’existe pas et toutes les unités qui abritent des primates, que ce soit des fermes d’élevage, des centres de recherche ou même des zoos font face à cette éventualité. Une des mesures préventives dans l’élevage des animaux en général pour la sauvegarde de la biosécurité est l’établissement de multiples sites, distincts les uns des autres, pour empêcher justement que n’importe quel problème de santé ne puisse devenir une contamination massive. C’est exactement notre modus-operandi à BCM : le bien-être de nos animaux et, bien sûr, de notre personnel est essentiel. C’est pour cela que nous prenons toutes les précautions de manière préventive. Les équipes de BCM sont formées et conscientisées à la prévention avec tous les standards de qualité déjà en place et les équipements de protection. »

Pour Nada Padayachy, « Nous euthanasions les singes seulement si leur bien-être est compromis. On a ce qu’on appelle des humane endpoints. Normalement, chez nous, entre 15 à 20 singes sont euthanasiés en moyenne par an. Comme je l’ai dit, seulement si le bien-être de l’animal est compromis ». La firme possède un incinérateur médical. Il serait utilisé non seulement pour la crémation des singes, mais également pour détruire les déchets médicaux.
Marche pacifique le samedi 29 juillet
Un appel aux politiques pour mettre fin à la capture des singes

L’association 4 ti la Pat organise une marche le samedi 29 juillet de 13h à 14h30 à Port-Louis. Linley et Priscilla Moothien, militants des droits des animaux, lancent un appel à une mobilisation collective des personnalités politiques, afin de soutenir l’événement et éventuellement de mettre fin à la capture des macaques à Maurice.

La protection des primates sacrifiés pour la recherche biomédicale figure parmi les principales préoccupations des militants mais également d’ONG internationales comme Action for Primates ou encore One Voice, People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), etc. À Maurice, certains activistes se mobilisent de longue date contre la capture et l’expérimentation animale.

L’activiste Linley Moothien, qui s’est engagé plus récemment dans ce combat, a décidé d’organiser une marche qui se tiendra de la Place de la Cathédrale à la Place du Quai. L’objectif recherché à travers cette initiative est d’attirer l’attention des politiques. « Nous demandons à tous ceux qui vont poser leur candidature de participer à cette marche et de nous dire si une fois élus, ils ont l’intention de mettre fin à la capture des singes à Maurice. Nous savons que le seul moyen de changer les choses est à travers le Parlement, en passant des lois. C’est important de donner leur position sur la question. Surtout les nouveaux des anciens partis. Leur présence démontrera s’ils sont partants pour le changement. Nous qualifierons leur silence comme étant un silence complice. Car qui ne dit mot consent », a déclaré Priscilla Moothien.

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -