Action for Primates : « Nous lançons un appel pour la remise en liberté de ces 440 singes »
Pour des raisons de sécurité, l’accès à la ferme de Biosphere à Closel, Tamarind Falls — où se trouvent actuellement les 440 singes saisis le vendredi 17 mars, est limité aux officiers du gouvernement et nous a donc été refusé. Selon le Managing Director Radhakrishna Veerapa, il n’est pas question pour le moment d’exportation de ces singes qui avaient été découverts en captivité dans la zone de Jin Fei ou même de les relâcher dans la nature. Ces macaques victimes de trafic illégal sont « on hold, pending decision » du ministère de l’Agro-Industrie sur leur sort.
Pour rappel, après un signalement, 440 singes ont été saisis le vendredi 17 mars dans deux bâtiments désaffectés dans la zone industrielle de Jin Fei. Shafeek Jhummun, directeur de la compagnie Hammer Head Ltd, avait été arrêté pour détention et trafic illégal de singes avant d’être libéré sous caution. Les macaques avaient été découverts enfermés dans des cages exiguës, privés d’eau et de nourriture. Parmi eux, des mâles, des femelles de tous âges, composés parfois de plusieurs unités familiales et tous prélevés dans la nature. « Les singes que nous avons recueillis sont de toutes catégories : mature, maman, bébés, mâles. Ils sont tous under the care du ministère de l’Agro-industrie », nous affirme Radhakrishna Veerapa,. Nous avons demandé de faire une visite à la ferme, mais le directeur, qui est également vétérinaire, nous a affirmé que seul « un dedicated personnel y a accès ». Selon lui, « les autorités ne savent pas encore combien de temps les singes vus à Jin Fei devront rester chez nous. La décision dépendra uniquement du gouvernement. »
Une réunion d’urgence avec différents stakeholders avait eu lieu le samedi 18, soit au lendemain de la découverte de la ferme clandestine, afin de prendre une décision sur le placement des singes en attendant la fin de l’enquête et le jugement de la cour.
« La réunion s’est tenue avec les officiers du ministère de l’Agro, le directeur des National Parks Conservation Services (NPCS) conjointement avec le directeur du service vétérinaire (Division of Veterinary Service-DVS) ainsi que toutes les fermes accréditées (Bioculture Ltd, Noveprim Ltd, Les Campêches Ltd, Cynologics Ltd et Biosphere Trading) pour recevoir leur opinion sur la marche à suivre. L’organisme américain AAALAC, qui accrédite nos fermes, met l’accent sur le bien-être des singes et nous avons la connaissance sur ce qui peut être toléré ou pas », affirme Radhakrishna Veerapa.
Selon lui, l’identification par tatouage a été réalisée dès le surlendemain. « Tout le monde a prêté main-forte pour réaliser des tatouages pour l’identification des macaques. Ils portent désormais les initiales de la République de Maurice », dit-il. Pour lui, il serait difficile de relâcher les singes dans la nature. « Les singes doivent être relâchés là où ils ont été capturés. Or, nous ne connaissons pas leur provenance. Il sera donc difficile de les relâcher. » Tout en ajoutant que : « L’affaire est en cour. Ce sera à la cour de trancher pour donner suite aux différentes réunions et enquêtes. »
Les États-Unis, principal marché
Présidée par M. Fang, un Chinois qui possède d’autres fermes dans le monde, Biosphere Trading exploite une ferme d’un millier de macaques à Closel, Tamarind Falls. Parmi eux, des parents, leurs progénitures, des femelles et des mâles, et ceux en gériatrie. Avec l’agrandissement de sa ferme, la société, qui détient depuis 2021 son permis Environment Impact Assessment pour son projet d’élevage de primates à grande échelle, prévoit une augmentation de ses colonies, soit 3000 singes dans les prochaines années.
Actuellement, la ferme exporte 224 singes chaque deux ans. Les individus sont choisis pour l’exportation selon certains critères. Ceux qui ne sont pas envoyés dans les expérimentations sont utilisés comme reproducteurs. « Ils vont en breeding pour la reproduction », nous dit Radhakrishna Veerapa.
Ceux qui sont nés en captivité, dans la ferme, seront exportés dans deux ans. « En 2021, nous avons exporté 224 singes, en 2022 il n’y a eu aucune exportation, en 2023 de nouveau 224 et notre prochaine exportation sera en 2025. Pour exporter, nous devons augmenter notre capacité d’élevage », nous dit le Managing Director de Biosphere. Le principal marché de la société reste les États-Unis — l’exportation se fait via la compagnie aérienne Air France.
Afin d’alimenter son élevage, Biosphere a agrandi sa ferme, avec un nouveau site en développement. « Nous avons une superficie de 16 arpents, dont un holding de 4 arpents déjà occupé par l’élevage. C’est sur les 12 arpents où nous avions des cages déjà prêtes que nous avons accueilli les 440 singes. Sur cette partie, nous allons développer plusieurs structures : des hôpitaux et autres facilités, comme des stores, ou une pièce pour garder les légumes, également des bureaux. Une fois la construction terminée d’ici à l’année prochaine, nous pourrons accueillir plus de singes et augmenter notre élevage. Nous avons de la place pour d’autres cages et structures si nous agrandissons davantage », dit Radhakrishna Veerapa.
Traités avec humanité
Par ailleurs, le sort de ces 440 singes retrouvés à Jin Fei a suscité de vives réactions. Pour le mouvement Action for Primates, une solution simple consisterait à relâcher ces singes dans la nature. « Nous demandons aux autorités de faire preuve de compassion pour ces 440 macaques à longue queue en les retournant dans la nature. Les singes, dans l’attente que leur avenir ne se décide, sont victimes d’un commerce illégal. Nous ne voulons pas qu’ils soient remis à des entreprises où ils seront probablement utilisés pour l’élevage ou exportés vers des laboratoires », a déclaré Sarah Kite, cofondatrice du mouvement Action for Primates.
Tout en saluant les mesures prises par les autorités pour la saisie des singes à Jin Fei, Action for Primates se dit est extrêmement préoccupé par le bien-être de ces primates. « Nous avons écrit au ministère de l’Agro, appelant à une transparence totale concernant la situation actuelle de ces malheureux, notamment en autorisant la visite d’un représentant d’un groupe indépendant de protection des animaux pour évaluer les conditions dans lesquelles ils sont actuellement détenus dans la ferme de Biosphere Trading », dit-elle.
Pour Action for Primates, les inquiétudes signalées par les autorités selon lesquelles les singes ont perdu leur capacité à trouver de la nourriture dans la nature sont déplacées. Le Dr Nedim Buyukmihci, professeur émérite de la médecine vétérinaire à l’Université de Californie-Davis, qui travaille avec des primates non humains depuis de nombreuses années, a réagi à cette inquiétude. « Il ne fait aucun doute que ces singes sont des animaux sauvages, bien qu’ils aient été dans des cages depuis plusieurs mois. Je sais d’une longue expérience que ces individus conservent leur capacité à vivre et à trouver de la nourriture dans leurs habitats naturels. Ces singes ont déjà beaucoup souffert d’avoir été piégés, retirés de leur environnement naturel et détenus dans des cages. Il faut faire preuve de compassion en les relâchant chez eux où ils peuvent retrouver leur famille et leurs amis », a-t-il déclaré.
Action for Primates espère que l’intérêt et l’inquiétude généralisés actuels pour ces singes à Maurice sensibiliseront au sort des macaques à longue queue dans le pays en général. « Le commerce de singes s’est développé ces dernières années, avec près de 12 000 individus exportés de Maurice en 2022 vers les États-Unis et l’Europe pour des recherches et des tests de toxicité (empoisonnement). Beaucoup de ces individus ont été capturés dans la nature et fournis à des laboratoires américains. La poursuite de l’exploitation et de la persécution des macaques à Maurice est très préoccupante. Indépendamment de toute perception négative ou de la façon dont ils sont arrivés sur l’île, ils sont toujours des êtres vivants et sensibles. Action for Primates estime qu’ils méritent d’être protégés et traités avec humanité, et non tués ou capturés pour être exportés pour souffrir et mourir. The international reputation of Mauritius as a holiday destination is tarnished by its cruel trade in monkeys’ lives », a déclaré la cofondatrice du mouvement Action for Primates.
Action for Primates est un projet basé au Royaume-Uni qui fait campagne au nom des primates non humains dans le monde, y compris les macaques à longue queue à Maurice. Une action alert appelant à écrire aux autorités mauriciennes a été mise en place : https://tinyurl.com/2c95rb5s