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Cursus scolaire au secondaire : le Kadna de l’Education sur le Kreol Morisien en HSC en 2024

La VPM Leela Devi Dookun-Luchoomun préconise une évaluation en profondeur des résultats du NSC

Douche froide pour les académiciens et les institutions qui travaillaient d’arrache-pied depuis quelque temps pour l’introduction du Kreol Morisien en Grade 12 l’année prochaine. A l’Assemblée nationale mardi, la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, a fait comprendre que les conditions n’étaient pas réunies à cet effet. Elle a de fait évoqué la nécessité d’une évaluation en profondeur du National School Certificate (NSC), la formation des enseignants et la disponibilité de littératures suffisantes dans l’orthographe standard. Cette réponse provoque de nombreuses réactions et témoigne d’un manque de communication flagrant entre le ministère de l’Éducation et ses institutions.

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Il a fallu attendre une interpellation parlementaire d’Arianne Navarre-Marie pour que la VPM et ministre de l’Éducation vienne préciser ses intentions sur le Kreol Morisien au programme des examens de HSC l’année prochaine. Pourtant, cela fait plusieurs mois que des institutions, comme le Mauritius Institute of Education (MIE) et l’Université de Maurice (UoM), opérant sous la tutelle du ministère, travaillent sur le matériel nécessaire pour cela.
Mardi dernier, alors même que Leela Devi Dookun-Luchoomun intervenait à l’Assemblée nationale, la Creole Speaking Union (CSU) tenait une table ronde sur la littérature en créole… au MIE. La question du Kreol Morisien au HSC a été abordée par plusieurs intervenants. Dans son discours de circonstance, le directeur du MIE, Hemant Bessoondyal, avait même salué le travail entrepris par le département de Kreol Morisien, précisant que l’institution était prête pour l’introduction de cette langue au niveau du HSC.

La réponse de la ministre semble ainsi être en déphasage avec ce qui se passe sur le terrain. Le MIE a déjà élaboré. un curriculum, tandis que la CSU, de son côté, s’est attelée à la publication de plusieurs livres pour soutenir le projet, dont une réédition des contes de Charles Baissac dans l’orthographe standard.

Or, dans sa réponse à l’Assemblée nationale, la ministre de l’Éducation a soulevé trois points pour expliquer qu’il faudra encore attendre pour que le Kreol Morisien au HSC devienne réalité. Soit une évaluation en profondeur des retombées du National School Certificate en Kreol Morisien, dont c’est la première édition cette année; la formation des enseignants; et la disponibilité de textes littéraires dans l’orthographe standard. Ainsi, selon elle, il faut s’assurer que l’évaluation ait le niveau requis pour introduire le Kreol Morisien au HSC.

Cette position de la vice-Première ministre suscite de nombreuses interrogations. Si l’argument d’une évaluation en profondeur du NSC tient la route, en revanche, la formation des enseignants du secondaire, que ce soit au niveau BEd ou PGCE par le MIE, se fait de manière régulière. « La ministre veut-elle dire qu’il faut une formation spéciale pour enseigner en grades 12 et 13 ? Est-ce le cas également pour les autres matières ? » se demandent des enseignants de Kreol Morisien. L’argument de niveau est également déploré.

L’argument de la disponibilité des textes en Kreol Morisien standard est remis en question. Car outre la CSU, de nombreux auteurs mauriciens de calibre ont aussi publié en Kreol Morisien standard ces dernières années. Citons en exemple Michel Ducasse, qui a traduit des œuvres de grands poètes, comme Baudelaire, Shakespeare, Césaire, Tagore ou Prévert, entre autres, dans Enn bouke bwa tanbour. Et que dire de tous ces jeunes enseignants de Shakespeare aussi poussés vers l’écriture, et dont certains ont même été primés dans des concours ? L’exemple de Mélanie Pérès, avec Tigann, est connu de tous, et a même donné lieu à une comédie musicale.

Leela Devi Dookun-Luchoomun a également parlé d’un comité technique qui travaille sur la question du Kreol Morisien en HSC, comprenant des représentants de l’UoM, du MIE, du MES et du ministère de l’Éducation. Des sources bien informées avancent qu’en réalité, il ne s’agit que de sessions de travail régulières entre les différentes institutions, sous la tutelle du National Examination Board.

Et si le vrai problème était ailleurs ? Et si ce qui freine l’entrée du Kreol Morisien au HSC était le fait qu’il faudra sans doute lui donner également la possibilité d’être pris en compte pour les bourses de l’État. Car valeur du jour, toutes les langues optionnelles, que ce soit pour une langue ancestrale comme l’hindi ou une langue étrangère comme l’espagnol, sont éligibles dans les combinaisons pour les candidats concourant pour des bourses d’études en Art Side.

Les différents acteurs ont également réfléchi sur ce point. L’idée de rendre le Kreol Morisien éligible dans un premier temps pour les candidats engagés au HSC Pro a ainsi été émise. Puisque depuis cette année, il y a aussi deux bourses pour le HSC. Et ce, en attendant que le système soit suffisamment rodé pour qu’un candidat puisse concourir avec le Kreol Morisien au niveau A-Level.

À l’Assemblée nationale, Ariane Navarre-Marie voulait porter le débat plus loin, mais elle a été court-circuitée par le Speaker, Sooroojdev Phokeer, qui est passé à la question suivante. Elle a tout de même eu le temps de faire remarquer que le Kreol Morisien a été introduit à l’école il y a 11 ans et que, comme « gouverner, c’est prévoir », la ministre aurait déjà dû avoir déjà entrepris tout le travail nécessaire pour son introduction en HSC à l’avance.

Est-ce que le sujet est clos pour autant et qu’il n’y a aucune chance de voir le Kreol Morisien en HSC en 2024 ? Pas sûr, car après la déclaration officielle de la VPM, qui était très attendue d’ailleurs, les pressions vont sans doute s’accentuer pour trouver une solution. Comme cela avait d’ailleurs été le cas pour le Kreol Morisien en Grade 10. De plus, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait lui-même déclaré en décembre dernier, lors du Festival Kiltir ek Langaz Kreol Morisien, organisé par le ministère du Tourisme, que le Kreol Morisien allait faire son entrée au HSC…

RÉACTIONS
Pr Arnaud Carpooran (UoM) : « La porte n’est pas fermée »
« J’ai retenu quatre points de la réponse de la ministre. Elle a parlé du comité technique, et donc elle est au courant du travail que nous entreprenons et attend des retombées. Pour nous, c’est positif. Concernant la performance au NSC, il faudra attendre les résultats pour faire une évaluation et savoir combien de candidats ont réussi, ont obtenu cinq crédits et souhaitent opter pour le Kreol Morisien en HSC. Cela s’applique aussi pour la question des enseignants. Le nombre requis dépendra du nombre d’élèves.

« Il y a ensuite la question de littérature, dans l’éventualité où le Kreol Morisien serait pris au niveau principal. Là également, il y a un travail qui a été fait. Il y a suffisamment de textes en termes de qualité et de quantité. Le problème d’harmonisation en graphie standard ne se pose pas.

« Maurice étant ce qu’elle est, le ministère va sans doute prendre des précautions supplémentaires par rapport au contenu. Si on exclut la question de la littérature, je comprends qu’il n’y a aucun problème par rapport au Kreol Morisien comme langue subsidiaire. Le MIE a déjà élaboré le curriculum pour cela. Au final, ma lecture de la réponse de la ministre est que la porte n’est pas fermée pour 2024. Nous avons toujours une marge de manœuvre. Ce n’est pas comme pour le Grade 10, où il fallait attendre une réponse de Cambridge. Nous avons déjà trouvé la solution sur le plan local. »

Dr Jimmy Harmon (SeDEC) : « Je suis choqué »
« Je suis vraiment choqué par la déclaration de la ministre. Au niveau du SeDEC, nous avons participé intensément à la préparation pour l’entrée du Kreol Morisien au HSC à travers notre représentant, le Dr Pascal Nadal, qui est sur le High Powered Committee.
« À notre connaissance, tout est fin prêt. Toutes les modalités ont été minutieusement travaillées. Quant à ce que dit la ministre par rapport au manque de niveau, c’est une réaction qui démontre une mentalité dépassée et colonisée dans le milieu proche de la ministre. »

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