Echiquier politique – On the Campaign Trail : La Babel salariale des Remuneration Orders revus et corrigés

Cafouillage et incompréhension des employés ne sachant plus s'ils bénéficieront d'une augmentation Les RO non révisés depuis longtemps n'ont pas pris en considération les salaires actuels Incohérences sur les barèmes proposés dans le secteur de l'éducation

Les nouveaux Remuneration Orders (RO), publiés jeudi après-midi, sont venus semer la confusion chez de nombreux employés. Une vérutabe Babel salariale. Beaucoup de salariés se posent la question de savoir si les salaires seront ajustés suite aux annonces faites par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, récemment, ou s’il faudra se fier aux nouveaux Remuneration Orders. Le ministère du Travail rassure que tous les employés du privé touchant moins de Rs 50 000 par mois bénéficieront d’une révision salariale. Toutefois, les documents publiés laissent libre cours aux interprétations.

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Une douche froide. C’est ainsi que la publication des nouveaux Remuneration Orders (RO) a été accueillie par de nombreux employés du secteur privé. Car les chiffres proposés par le ministère du Travail sont, dans certains cas, en décalage avec les salaires pratiqués sur le marché. Du coup, beaucoup ne comprennent pas s’il faudra ajouter le montant de l’augmentation annoncée par le ministre des Finances à leurs salaires actuels, ou s’il faudra se limiter au RO de leurs secteurs respectifs.

À titre d’exemple, dans le secteur de la construction, un Multiskilled Employee débute sa carrière avec Rs 21 976, selon le nouveau RO applicable à partir de juillet 2024. À sa cinquième année de service et au-delà, son salaire est de Rs 22 990. Que se passe-t-il si avec les différentes augmentations salariales ou négociations collectives, il a dépassé le barème de Rs 22 990 ? Bénéficiera-t-il d’une augmentation sur son salaire ?

En l’absence de directives claires, à la publication des nouveaux RO, les interprétations divergent. Pour Ashok Subron, de la General Workers Federation, la démarche du ministère du Travail est venue compliquer davantage la situation. « Le problème, c’est que nous n’avons pas harmonisé les salaires par rapport aux réalités actuelles avant d’appliquer l’augmentation. Le résultat est que dans les secteurs où les RO n’ont pas été revus depuis longtemps, les salaires restent bas, par rapport aux autres, dont les RO ont été revus, récemment », trouve-t-il.

Il devait souligner qu’il y a même un décalage dans le concret, surtout dans les secteurs où il y a le Collective Bargaining et où les salaires ont été révisés, indépendamment des RO. C’est notamment le cas dans l’industrie sucrière où, par exemple, une Field Worker Female touchait Rs 16 821.81 en décembre 2023. Avec la compensation salariale, en janvier 2025, son salaire est passé à Rs 18 504.81. Toutefois, selon les ajustements de juillet 2024, proposés par le ministère, le salaire recommandé est de Rs 16 627.82. « Ce qui veut dire qu’il y a une différence de Rs 1 876.89 entre son salaire actuel et le salaire proposé par le ministère. Que va-t-il donc se passer ? Cet employé aura-t-il droit à une augmentation ? » se demande le syndicaliste.

Ashok Subron dénonce l’absence d’explication et se demande si ces documents publiés par le ministère du Travail ont une force légale. « Pour moi, c’est plutôt un communiqué du GIS. Le ministère va devoir clarifier la situation à ce sujet. La publication de ces RO est venue embrouiller davantage les choses », regrette-t-il.

Du côté de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP), Reeaz Chuttoo a une autre lecture de la situation. « Pour moi, le RO est une indication du salaire minimal auquel l’employé a droit. Cela n’empêche pas qu’il soit payé au-delà, surtout s’il y a un syndicat dans le secteur engagé dans le Collective Bargaining. Ma compréhension est que ceux qui touchent plus que ce qui est prévu dans leur RO auront une augmentation, du moment qu’ils sont sous la barre des Rs 50 000 », dit-il.

Dans ce cas précis, a-t-il expliqué, le montant de la compensation sera calculé, selon la formule indiquée par le ministre des Finances. « Il faudra prendre le salaire de décembre, y ajouter les Rs 4 925 annoncées et déduire le salaire de janvier. Le montant correspondra à l’augmentation à laquelle l’employé a droit », laisse-t-il entendre.
En revanche, le véritable problème, selon Reeaz Chuttoo, demeure que certains RO n’ont pas été revus depuis longtemps et les ajustements n’ont pas été faits sur les salaires actuels. De plus, il y a toujours certains secteurs qui n’ont pas de RO. « Le véritable ajustement des salaires se fera quand le ministère du Travail va publier le rapport sur la catégorisation des corps de métiers. Aujourd’hui, les employés sont rémunérés par secteur. Or, cela doit se faire par responsabilité, comme cela se fait pour le PRB. Autrement, les travailleurs du secteur privé seront toujours victimes de discrimination », maintient-il en ajoutant que la CTSP fera de ce dossier son cheval de bataille. « On nous a dit qu’il y aura un White Paper, qui soit dit en passant est une proposition de Business Mauritius. Mais il faut nous donner un Time Frame. On ne peut travailler sur un White Paper indéfiniment », s’appesantit-il.

L’autre combat, selon Reeaz Chuttoo, demeure celui contre la décision du gouvernement d’avoir recours à des Labour Contractors pour les travailleurs étrangers. « C’est un principe condamné par les instances internationales et qui ouvre la voie au trafic humain », dénonce-t-il avec force.

Incohérences

Par ailleurs, de nombreuses incohérences ont été relevées dans les différents RO publiés. Le secteur de l’éducation compte trois RO révisés pour trois catégories. Le premier concerne les employés des collèges privés. Selon les barèmes proposés, un Degree Holder, qui débute sa carrière d’enseignant, a droit à un salaire de Rs 25 000. Toutefois, un éducateur, travaillant dans une école spécialisée (SEN School), démarre à Rs 28 425. En plus, pour être engagé comme éducateur dans une SEN School, il n’est pas obligatoire de détenir un Bachelor Degree. L’éducateur sera appelé à suivre un cours menant à un Diploma SEN au MIE.

S’exprimant sur ce cas de figure, Reeaz Chuttoo a fait ressortir que ce décalage s’explique du fait que le RO pour les SEN Schools est récent. « Le RO pour le secteur SEN est entré en vigueur cette année. D’ailleurs, c’est la CTSP qui en était le négociateur. Ce qui se passe, c’est que le salaire des SEN Schools est actualisé et l’ajustement a été fait sur les salaires actuels. Ce qui n’est pas le cas pour les établissements secondaires privés », fait-il comprendre.

Il conseille ainsi aux employés de ce secteur de s’organiser et d’entrer dans le Collective Bargaining. « Une fois de plus, ce problème ne se serait pas posé si le salaire était déterminé par corps de métiers », concède-t-il.
Dans les milieux concernés, la frustration est grande. Beaucoup se demandent ainsi à quoi ont servi leurs nombreuses années d’études pour, au final, se retrouver avec un salaire plus bas que d’autres.

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Herbert Jouant : « Les augmentations seront appliquées comme prévu »

Invité à clarifier la situation, Herbert Jouant, conseiller technique au ministère du Travail, a indiqué que tous les employés qualifiés pour une augmentation seront payés. « Les RO ont été publiés pour actualiser les salaires. Si jamais quelqu’un touche plus que ce qui est prévu dans le RO, mais se trouve sous le barème de Rs 50 000, comme indiqué, il aura son augmentation », rassure-t-il.

Il a précisé qu’il y a également des secteurs qui ne sont pas couverts par les RO. « Le State Law Office travaille sur ce volet et les Regulations seront publiées pour clarifier toute la situation », dit-il.

Commentant la situation dans le secteur de l’éducation, notamment concernant le décalage entre le secondaire privé et le Special Education Needs (SEN), Herbert Jouant est d’avis qu’il ne faut pas faire de comparaison. « Le secteur SEN est un secteur qui a ses spécificités. La nature du travail est différente. Il ne faut pas comparer. »

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