Discrimination Raciale – Legal Opinion Paper : Me Moirt dénonce auprès de l’ONU la non-reconnaissance des Créoles

La dénomination « Créole », présente sous l'ère française, effacée par les Anglais Maurice, signataire de la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale, doit assumer ses responsabilités en rétablissant son identité à cette frange de la population

Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, observée aujourd’hui, 21 mars, Me José Moirt a soumis un Legal Opinion Paper au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale. Dans ce document, il démontre comment l’identité de la communauté créole a été « effacée » et remplacée par « population générale » dans la Constitution. Il demande au Comité d’évaluer si Maurice, signataire de la Convention contre la discrimination, est en train de respecter son engagement et d’émettre des recommandations subséquentes.

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Cette année marque le 60e anniversaire de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale. Dans ce contexte, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a appelé à une réflexion sur les progrès accomplis dans la lutte contre la discrimination raciale, tout en mettant en lumière, les défis actuels. Pour Me Moirt, engagé dans la lutte contre la discrimination, c’est une occasion de présenter la situation à Maurice : « Le Comité a demandé des opinions pour évaluer si les pays sont en train de respecter leur engagement. Cela débouchera sur des recommandations générales. J’ai pris la question Ethnic Composition Data, qui est toujours considérée comme un tabou à Maurice. »
Il est d’avis que la question d’identité ethnique est d’autant plus importante dans une société multiculturelle et multiraciale comme celle de Maurice. « Pourquoi l’Ethnic Disaggregated Data demeure un sujet tabou? Pourquoi toutes les composantes de la société mauricienne sont représentées dans la Constitution selon leur identité ethnique, et pas les créoles ? Comme le dit cette chanson : ki zot problem ar nou ?»se demande-t-il avec force.

À un moment où le gouvernement compte mettre sur pied une Constitutional Review Commission, la question est d’autant plus pertinente. Me Moirt regrette que les tentatives d’Affirmative Action d’avoir un rendez-vous avec le nouveau Premier ministre, Navin Ramgoolam, avant la présentation du discours-programme ait été vaine. Pourtant, la situation perdure, 57 ans après l’accession de Maurice à l’indépendance. « J’ai beaucoup médité dessus et je me suis dit que je vais présenter un Legal Opinion Paper. La reconnaissance de son identité ethnique est une question de droit. Je mets toute mon énergie dans ce combat et celui pour la réparation », fait-il comprendre.

Dans ce document, Me Moirt remonte l’histoire pour démontrer comment la discrimination envers les créoles a été institutionnalisée. « In 1806, the first disaggregated data available shows that the slave community was composed of Creoles (16, 784), Malagasy (11, 030), Indians (6, 162) and Mozambicans (26, 670) », écrit-il. Toutefois, la dénomination créole a disparu lorsque les Anglais ont pris possession de l’île. « Les Anglais nous ont rendu invisibles. Quand il fallait toucher la compensation, on nous a reconnus comme esclaves. Ensuite, ils nous ont déclaré comme des apprentis jusqu’en 1939. Après quoi, nous sommes devenus ex-apprentis. Notre identité ethnique et culturelle n’a pas été prise en compte », affirme-t-il.
Me Moirt ajoute que ce ne sont pas nos ancêtres qui ont fait ce choix, mais que les Anglais ont décidé pour eux. « Dans un premier temps, le terme population générale englobait aussi les Indiens. Puis, on les a séparés. Au moment de l’indépendance, il ne restait que les créoles. Nous avons été les seuls à n’avoir pas eu l’opportunité de choisir notre identité ethnique et culturelle », concède-t-il.
Or, souligne Me Moirt, la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée en 1960, fait bien mention de Self-Determination. Ce qui représente, d’après lui, une question de droit à part entière. Le Déclaration mentionne ainsi : « all peoples have the right to self-determination; by virtue of that right they freely determine their political status and freely pursue their economic, social and cultural development.» Pour Me Moirt : « cela veut tout simplement dire ki mo gagn drwa deside ki mo ete. C’est une question de droits humains.»

Il ajoute que la plainte de Rezistans ek Alternativ contre la classification communaule était justement basée sur ce point : « On ne peut arbitrairement imposer une communauté à quelqu’un. » Le fait que les autres composantes de la population n’aient pas eu droit au même traitement relève déjà de la discrimination. Dans son Legal Opinion Paper, il démontre également comment la discrimination envers les créoles perdure encore aujourd’hui : « Il y a trois groupes de citoyens qui sont désignés par leur identité ethnique et culturelle, tandis que le quatrième se retrouve dans une poubelle communale. La Cour Suprême a d’ailleurs reconnu la Population générale comme une Residual Community. C’est illégal, il faut en finir avec ça.»

Si les Anglais sont responsables de cette situation, poursuit-il, l’État mauricien a la responsabilité de corriger les erreurs du passé. D’où ce papier d’opinion légale soumis au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. « À quoi faut-il s’attendre en retour? » se demande-t-il avant d’indiquer que « le Comité va émettre des recommandations que Maurice devra suivre, étant signataire de la Convention ».

En 2018, suite au rapport alternatif soumis par l’ONG Affirmative Action, le Comité avait déjà demandé à Maurice de reconnaître l’identité des créoles et de procéder à un recensement fondé sur l’identité ethnique. « Un comité ministériel avait été mis sur pied pour se pencher sur la question. Toutefois, dans le rapport qu’ils ont envoyé au Comité, ils ont dit qu’il n’y a pas de problème de discrimination à Maurice et que nous sommes une Rainbow Nation. C’est pour cela que je suis venu avec des faits historiques dans mon papier, pour démontrer que c’est faux. La communauté internationale doit être au courant de ce qui se passe à Maurice », s’appesantit José Moirt.

Il ajoute qu’avec le changement de gouvernement, la question mérite d’être soulevée une nouvelle fois. « Pour moi, c’est un combat qui dépasse toutes les considérations. Attendons voir ce que le gouvernement du changement va faire », conclut Me Moirt.

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