Le Variable Capital Companies Bill a été voté hier, au Parlement. Résumant les débats, le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, Mahen Seeruttun, a estimé que Maurice est en conformité avec 39 des 40 recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) et que, dans quelques mois, « Maurice deviendra probablement le seul pays au monde à se conformer aux 40 recommandations du GAFI. »
« Il ne faut pas croire qu’à Maurice rien ne va. C’est un secteur qui a un grand avenir. J’espère que cette attitude, cette mentalité qu’on a, et qui continuellement fait croire que tout est noir à Maurice, va changer, car c’est l’avenir du pays qui est en jeu », fait ressortir le ministre. Ce projet de loi vise, dit-il, à donner un nouveau souffle au secteur des services financiers.
Il devait par ailleurs affirmer avoir eu l’occasion ces derniers mois de rencontrer beaucoup d’investisseurs étrangers, à Maurice comme ailleurs. « Quand ils parlent de Maurice, ils parlent avec des mots élogieux. Ils ont une image de Maurice où il fait bon vivre, où il y a des infrastructures adéquates pour faire du business. Ils veulent venir pour mettre en place leurs structures, mais à entendre certains, ici, à Maurice, on se demande s’il faut des adversaires étrangers pour venir nuire à notre réputation. C’est cela qui est dommage, malheureusement, et on prend souvent l’exemple de Singapour », ajoute-t-il.
Il rappelle ainsi que les différents orateurs ont fait référence à Singapour en terme de réputation dans le domaine des services financiers. « Est-ce que vous avez déjà entendu un Singapourien dire quoi que soit de mauvais de Singapour ? Il faut qu’on cesse ce genre d’attitudes, car c’est un secteur qui emploie beaucoup de jeunes professionnels. Il y a des gens qui gagnent bien leur vie dans ce secteur. Arvin Boolell ne faites pas l’erreur de nuire à la réputation de notre juridiction », poursuit Mahen Seeruttun. Il y a à peine quelques semaines, dit-il, lors d’une conférence où participe une délégation mauricienne, « on n’a pas arrêté de citer Maurice en exemple en terme de conformité aux recommandations du GAFI ».
Il est également revenu sur les propos du député Boolell, qui a parlé de Bastos. « Il ne sait même pas que Bastos, à l’époque, était au pouvoir. Allez demander au leader de l’opposition, il sait. Je voulais ramener les choses dans les perspectives », affirme le ministre. « Nous voulons doubler la contribution de ce secteur dans l’économie mauricienne, et pour cela, nous venons avec ce projet de loi pour le rendre attrayant. On va continuer à préparer les jeunes pour entrer dans ce secteur », maintient-il.
Parlant des risques de blanchiment d’argent évoqué par Arvin Boolell, le ministre des Services financiers indique que « le gouvernement ient avec un amendement aux Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Regulations .»
Le ministre AVINASH TEELUCK : « Projet de loi innovant et créatif »
Le ministre des Arts et de la Culture, Avinash Teeluck, estime qu’au fil des années, Maurice s’est tissée une réputation comme étant un centre de gestion financière phare. Tout en ajoutant qu’il existe actuellement un millier de Collective Investment Schemes (CIS) et que 432 CIS Managers disposent de permis auprès de la Financial Services Commission (FSC). À juin 2021, dit-il, les Management Companies employaient environ 4 500 personnes, alors que les CIS Managers en avaient engagé 170 autres. « La plupart de ces employés sont hautement qualifiés », dit-il.
Cependant, ajoute-t-il, « la compétition dans ce secteur est dure, surtout en ce qui concerne l’investissement ». Et cela face aux secteurs financiers de Singapour, des îles Caïmans, etc. « C’est pour cette raison qu’il faut innover et suivre la tendance internationale », rappelle-t-il. Il est d’avis que l’introduction de cette nouvelle structure de l’entreprise pourra être utilisée d’une façon innovante et créative. « Elle peut être utilisée pour tout type d’investissement, incluant les Mutual Funds, Private Equity and Real Estate Funds… » Tout en rappelant qu’à ce jour, le secteur financier est construit autour de trois piliers, nommément l’investissement transfrontalier, la Crossborder Corporate Banking et le Private Banking and Wealth Management.
« La vision de doubler la taille du secteur des services financiers s’inscrit dans l’objectif d’augmenter les revenus découlant de la taxe. Pour y arriver, il faudra adapter la législation locale avec les demandes et les exigences des marchés internationaux. D’où la raison du Variable Capital Companies Bill », fait-il comprendre. Cependant, poursuit le ministre, « l’expansion et la croissance de ce secteur ont été remises en question en raison d’une couverture médiatique négative et du changement dans le paysage économique.»
Il a ensuite tenu à rappeler comment cela a été difficile ces deux dernières années pour le secteur financier avec la décision de placer Maurice sur la liste noire des High Risk Countries de l’Union Européenne, « alors que ce secteur contribue à environ un billion de dollars américains dans le Produit intérieur brut ». Il ajoute que « fort heureusement, Maurice a été retirée de cette liste ». La menace de placer Maurice sur la liste noire, selon lui, datait de 2007 et de 2012. « C’est parce qu’on n’a pas suffisamment considéré cette menace que le pays a été placé sur la liste des pays à risque en 2020 », fait remarquer Avinash Teeluck.
LA PPS JUTTON : « Moment opportun pour ce projet de loi »
La Parliamentary Private Secretary (PPS), Teenah Jutton, s’est dit d’avis que ce projet de loi concerne plus particulièrement le secteur de l’investissement. « Ce projet de loi arrive à un moment opportun, où un grand nombre de jeunes professionnels travaillent déjà dans le secteur des services financiers », fait-elle comprendre.
Elle rappelle aussi qu’avant de présenter ce projet de loi, il y a eu des consultations avec les différents acteurs du secteur. « S’il y a des gens qui continuent de se demander quel est le raisonnement derrière ce projet, laissez-moi leur rappeler que nous vivons dans un monde compétitif, où existent des centres financiers situés à Singapour, aux îles Caïmans et, plus récemment, à la Gift City du Gujarat, en Inde. Nous devons innover pour prendre de la hauteur », s’insurge la PPS.
Poursuivant, elle rappelle que la Companies Act est la loi suprême qui gouverne la mise sur pied et l’enregistrement des compagnies, que ce soit domestiques ou celles qui se trouvent dans le Global Sector. « Une Variable Capital Company (VCC) sera gouvernée par les provisions de ce projet de loi, mais elle sera toujours incorporée sous la Companies Act. Mais elle sera cependant exemptée de certaines provisions de cette loi », souligne-t-elle.
Une compagnie qui a été incorporée en dehors du pays pourra dès lors se faire enregistrer comme une VCC, dit-elle. « Ce projet de loi permettra au pays d’émerger comme un secteur financier robuste qui répond aux aspirations des investisseurs », avoue la PPS.
ARVIN BOOLELL : « Innovant, mais comportant des risques »
Pour Arvin Boolell, ce projet de loi ressemble à un bouquet de roses pour le secteur des services financiers. « L’avenir dira s’il y a plus d’épines que de pétales », dit-il, tout en disant espérer que ce secteur se rétablisse après les récents démêlés avec des institutions internationales.
Il devait ensuite souligner que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a fait ressortir que ce projet de loi est un jalon dans le secteur. S’il se dit d’accord avec cette approche, car ce projet loi est innovant, dit-il, tout en estimant toutefois que le projet de loi n’est pas sans risques.
Il dit aussi apprécier le point soulevé par le député Reza Uteem à l’effet qu’il faut une législation pour les Funds. Il rappelle d’ailleurs que les gouvernements successifs, depuis 1988, se sont attaqués au problème d’évasion fiscale. « Mais les choses ont changé lorsque Maurice s’est retrouvée sur la Grey List de la FATF, en 2020, et sur la liste noire de l’UE. »
« C’est pourquoi je plaide en faveur de la prudence, car la réputation de notre juridiction doit être protégée », estime-t-il, ajoutant que Singapour a montré la voie à suivre. Aussi, pour lui, « il est de notre devoir de faire en sorte que notre juridiction ait le même succès que Singapour ».
« Les jours des préférences sont finis. Il suffit de commettre une seule erreur et nos compétiteurs seront heureux de voir une atteinte à la réputation de Maurice. La définition entre l’évasion fiscale et la taxe Avoidance est étroite. Any loophole will be exploited by money launderers », rappelle encore Arvin Boolell.
La Monetary Authority de Singapour accorde une attention particulière aux différents moyens qui permettent à l’argent sale de pénétrer dans le système des services financiers, dit le député rouge. « Elle vérifie les nouvelles variétés de Fund Companies, plus connues comme des Variable Capital Companies ou des compagnies virtuelles. » Aussi répète-t-il que les « Variable Capital Companies ont le potentiel d’être un Global Game Changer » pour que les fonds en provenance d’Afrique soient domiciliés à Maurice.
« Il faut faire de sorte qu’on puisse négocier avec des investisseurs qui soient fiables. Pour cela, il faudrait qu’il y ait une obligation de la Mauritius Revenue Authority, de la Financial Services Commission et du directeur de l’Insolvency Services d’interagir et d’être on the alert », préconise-t-il. Poursuivant que « we are still under probation from our recent exit from EU blacklist and the Grey list of the Financial Action Task Force », il rappelle que, sous le régime du gouvernement MSM-ML, l’homme d’affaires Alvaro Sobrinho avait obtenu un permis pour opérer une banque. « The Sobrinho saga led to a near constitutional crisis and provoke the departure of then president of Republic and our jurisdiction was brought into limelight, mettant en exergue des personnages comme Bastos et Sobrinho. Transparency and accountability is the name of the game », dira encore Arvin Boolell.
Depuis que la juridiction mauricienne a eu des démêlés avec des institutions internationales, le député Boolell dit « sentir que les employés de la FSC ont un complexe d’infériorité ». La FSC doit répondre aux exigences des investisseurs qui ont des Fund Managers. « There is no free lunch and competition remains fierce. We have to level up », dit-il. « Singapour a emergé comme un exemple dans le secteur. And will stab us if we don’t watch our back », avertit-il.
KHUSHAL LOBINE : « Une version améliorée du cadre disponible à Singapour »
Contrairement à Reza Uteem, qui s’est montré critique sur le Variable Capital Companies Bill, Khushal Lobine, également député de l’opposition, a pour sa part accueilli favorablement le projet de loi. Avant la présentation de ce dernier, il a aussi eu l’occasion de participer aux débats.
Alors que Reza Uteem a critiqué le gouvernement d’avoir « copié » le VCC de Singapour, Khushal Lobine est d’avis que ce projet de loi est « une version améliorée de ce qui a été mis en place à Singapour » et que « le VCC proposé devrait être bien adapté à notre juridiction ». Il soutient que Singapour a promulgué le VCC en 2018 pour régir les sociétés de capital-risque constituées. Cette loi a été mise en vigueur depuis 2020. « Elle est attractive à Singapour depuis 2020, et son succès se poursuit », a-t-il dit.
Le député estime que la présentation du VCC à Maurice arrive au bon moment. « C’est donc une autre étape positive pour notre juridiction », a-t-il déclaré. Il a souligné que les VCC sont utilisées par les fonds d’investissement internationaux et peuvent être utilisés pour des fonds d’investissement ouverts ou fermés et des fonds spéciaux tels que les fonds spéculatifs et les fonds de capital-risque. « Le VCC offre une certaine souplesse et attire les gestionnaires et les administrateurs de fonds », a-t-il souligné.
Lors de son intervention, il a demandé au ministre des Services financiers d’apporter des produits plus innovants et a fait référence à la Special Purpose Acquisition Company. « C’est la nouvelle tendance du moment. Il s’agit d’un moyen de lever des capitaux à des fins d’investissement », a-t-il dit..