Après Batsirai, début février, c’était au tour d’Emnati, dimanche, d’affecter les plantations de légumes. Les planteurs étant désormais à 20% de leur capacité de production, les prix ont donc une fois de plus pris l’ascenseur. Dans les supermarchés comme dans les principaux marchés de l’île, les consommateurs font grise mine. Il faut dire qu’avec le kilo de tomates à Rs 395 et celui de giraumon à Rs 100, il n’y a en effet pas de quoi faire la fête.
Avec ses violentes rafales et ses fortes pluies, Emnati n’aura fait que parachever les dégâts aux cultures vivrières. Tel est en tout cas le constat de Kaviraj Santchurn, président de l’Agricultural Development Marketing Association (ADMA), qui note que 90% des champs de légumes de ses membres ont été affectés.
« Nous sommes k.o en ce moment. Ces deux cyclones nous ont complètement détruits. Nous devons recommencer à zéro, car tout est détruit. Nos champs sont noyés, et ce n’est pas évident. De plus, nous avons subi l’augmentation du prix des fertilisants et de l’essence, entre autres. C’est très difficile », déclare-t-il.
Après chaque passage de cyclone, poursuit-il, une semaine est nécessaire afin de dresser un constat de la situation. « Sauf qu’au moment où nous nous sommes réorganisés pour planter, un autre cyclone est venu. Et maintenant, nous devons encore attendre une semaine. Les champs sont inondés et les machines ne pourront pas les nettoyer. Ce sera difficile de planter à nouveau », déplore le planteur, précisant qu’après le passage de Batsirai, les planteurs étaient retournés dans leurs champs pour recommencer à cultiver leurs semences.
« Nous ne pouvons pas perdre de temps. Les terrains, qui ont rapidement séché après les pluies, ont été nettoyés et fertilisés », dit-il. Malheureusement, Emnati est venu joue au trouble-fêtes, et ce, alors que les planteurs s’apprêtaient à planter carottes et choux.
Kaviraj Santchurn explique que des champs étaient prêts pour la récolte avant le passage du cyclone. Ainsi, explique-t-il, un champ de six arpents de pommes d’amour était prêt à être récolté, « mais aujourd’hui, cinq arpents et demi ont été détruits ». Sans compter d’autres arpents de terres à Plaine-Sophie et Mare-aux-Vacoas gorgés d’eau, dit-il. Il faudra attendre deux semaines pour pouvoir retrouver ces champs sans cette eau de pluie accompagnant Emnati.
Les risques du métier
« Les cyclones font partie de notre métier. C’est un risque à prendre. Mais les planteurs n’attendent pas, sinon la culture de légumes serait trop facile », dit-il, avant de rappeler que la plupart d’entre eux dépendent de leurs champs pour vivre. « Un vrai planteur n’abandonne jamais. »
Mais Batsirai et Emnati ne signent pas forcément la fin des ennuis, estime le planteur, qui rappelle que les grosses pluies arrivent généralement au mois de mars. « Les cyclones ne sont rien par rapport à ces grosses pluies. Les dégâts sont plus conséquents », poursuit-il. Ce qui explique, selon lui, que certains planteurs abandonnent leurs terres pour y revenir vers la mi-avril.
Il se dit cependant satisfait que le Small Planters Welfare Fund vienne en aide aux planteurs. « Les planteurs n’éprouvent pas de difficultés à trouver du fertilisant ou des machines, ni même à obtenir une compensation financière après le passage d’un cyclone. Ce soutien peut aider. Cela dit, pour ce genre de calamités, les planteurs mériteraient un soutien spécial de la part du gouvernement », dit-il.
Le président de l’ADMA se montre malgré tout critique quant à la hausse des prix de légumes après le passage de cyclones. Un phénomène qui ne se justifie pas, d’après lui, car « les marchands achètent les légumes des planteurs à bas prix pour les revendre ensuite à des prix exorbitants ». Il continue : « le gouvernement doit revoir la structure des prix. Imaginez : nous vendons nos carottes à Rs 20 et les marchands, eux, à Rs 50. Idem pour les autres légumes. Les marchands font trop de profits. »
Kreepalloo Sunghoon, secrétaire de l’Association des petits planteurs, est du même avis. Cette augmentation des prix est « totalement inacceptable », dit-il. Ainsi, pour éviter que se répète cette situation après le passage d’un cyclone, il propose la mise en place d’une Planned Production, dont le principe est de produire une quantité définie de légumes chaque mois.
Ainsi, l’on pourrait constituer un Buffer Stock, réserve qui pourrait se révéler très utile en cas de calamités. « L’Agricultural Marketing Board arrive bien à conserver les légumes, alors pourquoi pas ? Ainsi, les prix seraient stables tout au long de l’année », dit-il.
Kreepalloo Sunghoo affirme que sur la base de l’évaluation de planteurs, Batsirai avait occasionné 80% de pertes dans les champs de légumes. « Mais avec Emnati, toutes les plantations sont détruites. Nous avons perdu plus de 80% de notre capacité de production. Il nous reste donc moins de 20% », déplore-t-il. « Les planteurs étaient retournés nettoyer leurs champs après Batsirai et avaient mis en terre des plantules. Mais là, ils ont tout perdu », reprend-il.
« Les planteurs n’attendent pas de soutien du gouvernement. Ils sont tellement habitués aux promesses qu’ils ne tiennent pas qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes » , fait-il ressortir en ajoutant que « la compensation financière de Rs 6 000 n’est pas suffisante ». Or, lorsque l’on sait, que 3 500 planteurs dépendent exclusivement des cultures vivrières, l’on peut mieux appréhender la détresse.
« C’est un drame que ces planteurs vivent, car ils n’auront pas de revenus pendant trois mois. Il faut savoir que les planteurs dépensent plus de Rs 100 000 par arpent », fait-il ressortir. « Certains ont complètement perdu leurs champs de pommes d’amour. »
Kreepalloo Sunghoon estime que trois mois seront nécessaires pour que la terre « retourne à son état normal », tout en regrettant que les semences et les fertilisants « ne sont pas disponibles depuis Batsirai ». La raison ? « Maurice est un petit marché, et de nombreux exportateurs ne sont pas intéressés. »
AGRICULTURAL MARKETING BOARD
Les légumes importés par l’AMB sont arrivés
L’Agricultural Marketing Board (AMB) a reçu hier une cargaison de légumes importés, composée de haricots, de carottes et de choux. Ces légumes sont mis en vente depuis hier dans les 12 points de vente de l’AMB.
Les prix au détail sont les suivants : haricots (Rs 60/livre), carottes (Rs 30/livre) et choux (Rs 25/livre). Quant aux pommes de terre, aux oignons et à l’ail, ils seront vendus aux prix habituels. Les carottes importées seront disponibles une fois que le stock de carottes produites localement sera épuisé, indique-t-on.
Lors d’une visite au quartier général de l’AMB hier à Moka, le ministre de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, Maneesh Gobin, a tenu à saluer les efforts des agents de l’AMB, qui ont travaillé en collaboration avec son ministère pour importer une quantité suffisante de haricots, de carottes et de choux, ainsi que « des produits stratégiques », comme la pomme de terre, l’oignon et l’ail.
Il souligne que les prix de ces produits « stratégiques » seront subventionnés « afin que le grand public puisse en acheter à un prix raisonnable ». Quant à la noix de coco, il affirme qu’il n’y a pas de pénurie, car elles ont été importées de Rodrigues et de l’Inde, entre autres.
Par ailleurs, le ministre Gobin a rappelé que suite au passage du cyclone Batsirai, l’Institut de recherche et de vulgarisation alimentaires et agricoles (FAREI) et le Fonds de bien-être des petits agriculteurs (SFWF) ont mené des enquêtes préliminaires afin de faire une évaluation des dégâts occasionnés aux champs ouverts et aux plantations abritées.
Par ailleurs, « le versement de l’aide financière, tel qu’annoncé par le gouvernement, devrait commencer à partir de la semaine prochaine », dit-il, ajoutant que le même exercice d’évaluation des pertes sera effectué dans le sillage du passage du cyclone Emnati. Les planteurs sont ainsi invités à déclarer les pertes subies dans leurs champs/structures abritées auprès des bureaux du SFWF et du FAREI.
Exercice d’évaluation des pertes
Le ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire tient à informer les planteurs que suite aux fortes averses et aux conditions climatiques défavorables qui ont prévalu lors du cyclone Emnati durant le week-end, un exercice d’évaluation des pertes est mené par le SFWF et le FAREI.
Les planteurs sont invités à déclarer les pertes subies dans leurs champs/structures abritées auprès des guichets de la SFWF et du FAREI de 9h30 à 15h30 du mercredi 23 au vendredi 25 février.
Pour Moka et l’Est du pays, ils devront se prendre au bureau du SFWF de Saint-Pierre et de Belle-Mare, et au bureau du FAREI à Camp Garreau, Flacq. Pour le centre et l’Ouest, ils doivent rapporter leurs pertes au bureau du SFWF et du FAREI, à Vacoas.
Dans le Sud du pays, ils seront appelés à rapporter leurs pertes au bureau du SFWF à Union Park et au bureau du FAREI à Modern Farm, Rivière-des-Anguilles. Dans le Nord, ils doivent se rendre au bureau du FAREI de Goodlands et au bureau du SFWF de Solitude.