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Cruauté animale : Un rapport caché révèle des pratiques cruelles au sein de la MSAW

La Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) aurait délibérément laissé mourir un millier de chiens dans d’atroces conditions. C’est ce que révèle une première enquête interne réalisée en octobre 2021 cachée pendant trois ans et jamais soumis à la police pour des actions pénales. Plus de 800 chiens sont morts de faim à la fourrière de Vallée-des-Prêtres à Port-Louis et plus de 300 au siège de la MSAW de Rose-Hill pendant la période d’octobre 2020 à février 2021. Le député Shakeel Mohamed a soulevé cette affaire dans la dernière session parlementaire.

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Le membre du Parti Travailliste (PTr) a, lors de la dernière session parlementaire, informé le ministre de l’Agro-Industrie, Mahen Seeruttun, qu’il était en possession d’un rapport d’une enquête interne dévoilant des cas de cruauté extrêmes à la MSAW et que les employés responsables ont été remerciés par un « golden handshake » au lieu d’être poursuivis. Le ministre, visiblement très embarrassé, avait répondu qu’il va « look into it ».
Un premier comité d’enquête réalisé en octobre 2021 révèle en effet que plus de 800 chiens sont morts de faim à la fourrière de Vallée-des-Prêtres et plus de 300 à la MSAW de Rose-Hill. Le rapport, dont nous avons une copie, dévoile clairement une gestion catastrophique et l’incompétence des responsables dans l’exercice de leurs fonctions.
Pires génocides d’animaux
Le document de 10 pages révèle qu’il y a effectivement eu, au sein de cette société ayant pour objectif de « promote the welfare and good treatment of animals and prevent cruelty to animals », les pires génocides d’animaux. Non seulement à Vallée-des-Prêtres, où 808 chiens ont été volontairement laissés mourir de faim pendant cette période, mais également à Rose-Hill, où 336 sont morts de faim. Parmi les manquements relevés par l’intervention des vétérinaires du DVS qui ont apporté leur soutien pendant la période sous enquête : chenils surpeuplés, chiens trouvés morts dans les chenils à cause de bagarres, des chiens émaciés, absence de gamelles séparées, les animaux n’ont pas pu être examinés ni recevoir de soins vétérinaires de base en raison de l’indisponibilité des dog-handlers lors de la visite, aucune distinction faite selon l’état de santé (chiens sains, malades et blessés gardés ensemble favorisant les bagarres et les blessures), entre autres.
Où sont passées les millions de roupies budgétées pour le nourrissage des animaux ? Pourquoi seulement Rs 0,92 a été dépensée par tête, alors que la MSAW facture au ministère de l’Agro Rs 260 pour s’occuper d’un chien par jour, ce qui, selon les calculs, tourne autour de millions de roupies par mois ? D’ailleurs, le bilan élevé de morts a été attribué au manque de nourriture (la même quantité de nourriture fournie pour 700, 400 et 100 chiens) conduisant certains chiens à se dévorer entre eux. La MSAW n’a pas déposé ses rapports annuels ni audité ses comptes qui sont pourtant obligatoires dans la loi depuis 2014.
« Lev la main lor manzer »
Le Report of the Investigation Committee dévoile également la mauvaise gestion et l’incompétence des responsables dans l’exercice de leurs fonctions. Trois personnes sont impliquées : Mme Hurbansee, Mme Ganga et M. Caphane. Le rapport soutient même que Mme Ganga, la directrice administrative, visitait rarement l’Animal House de Port-Louis (AHPL), soit la fourrière de Vallée-des-Prêtres, et n’évaluait jamais le statut du chenil envoyé par e-mail. Et qu’elle a même demandé de « lev la main lor manze », et a déclaré que les chiens de l’AHPL n’avaient besoin d’aucun traitement. Quant à M. Caphane, il était rarement sur place.
Pour la période d’octobre 2020 à février 2021, l’achat de nourriture s’élevait en moyenne à Rs 13 000 par mois. La quantité de croquettes pour 400 chiens était de 7,5 kg. La même quantité était allouée pour 125 chiens de février 2021 à mai 2021. D’après des entretiens menés avec certains membres du personnel de l’AHPL, il est ressorti que le fait que les chiens s’entretuaient et se dévoraient entre eux était en quelque sorte considéré comme une routine, du « business as usual » par les employés de la fourrière.
Après un état des lieux, le nouveau directeur qui a pris ses fonctions en février 2021 a noté tous ces manquements. Et a mis en œuvre un certain nombre de changements. Toutefois, le rapport n’a jamais été soumis à la police. Julien Georges, que nous avons contacté mercredi, nous a demandé de lui adresser un courriel sur deux adresses mail, mais à l’heure du bouclage rédactionnel, il n’avait toujours pas répondu à nos questions.
Laisser volontairement les animaux mourir de faim semble une situation qui a perduré pendant longtemps. Le rapport du comité d’enquête confirme l’article publié lors du premier confinement, dans lequel Le Mauricien dénonçait la mort d’une centaine de chiens dans les locaux de la MSAW, article pour lequel Le Mauricien avait été poursuivi en diffamation.
Ainsi que les images insoutenables de décembre 2020 montrant des chiens s’entretuant et se dévorant entre eux dans un ultime réflexe de survie. Images qui avaient circulé dans le monde entier. À cette époque, de nombreuses associations et ONG soupçonnaient et dénonçaient ces exactions, mais faisaient face à l’obstruction et au mutisme des responsables impliqués.
Une vidéo nous avait été parvenue montrant des chiens décharnés à côté de leur gamelle vide à la fourrière de Vallée-des-Prêtres. La vidéo avait même été remise au CCID par l’activiste Linley Moothien afin d’initier une l’enquête, mais la MSAW avait déclaré que l’incident ne s’était pas produit chez elle.
Une situation qui semble avoir perduré
Cette situation qui a entraîné la mort de 808 chiens à Vallée-des-Prêtres et 336 à Rose-Hill semble avoir été de coutume et le modus operandi au sein de cet organisme tombant sous la tutelle du ministère de l’Agro-Industrie. Nous nous souvenons de la trentaine de chiens saisis à Beau-Bassin en février 2019 que les ONG avaient découverts, six mois plus tard, décharnés et affaiblis après leur séjour à Vallée-des-Prêtres et nécessitant des soins urgents. Dans un article publié le 26 août 2019 dans le journal Week-End, l’ancien président de la MSAW, Arun Bhinda, avait déclaré : « Tous les chiens sont nourris deux fois par jour, selon le protocole. Et on m’a fait comprendre que c’était de grands mangeurs. »
Contacté, le ministre de l’Agro Industrie, Mahen Seeruttun, a déclaré : « J’ai pris connaissance de ce rapport. D’ailleurs, mardi matin, le député Shakeel Mohamed en avait fait référence lors de l’ajournement. Il s’agit d’un incident qui a eu lieu en 2020. Suite à cela, des actions avaient été prises par la MSAW. D’abord, une enquête avait été initiée pour savoir ce qui s’était passé. Un comité disciplinaire a également été mis sur pied afin de déterminer les responsabilités. La personne directement responsable de cette situation a été remerciée… Donc, à ce niveau, des actions ont été prises pour les écarter de la MSAW. Aussi, le centre de Port-Louis a été fermé. Une série d’actions a été prise afin d’améliorer le service pour que ce genre de situation ne se reproduise pas… et ceci à travers la formation du personnel ou à travers la qualité des services pour qu’il n’y ait plus jamais des cas de maltraitance… »

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