« On a mis la charrue avant les bœufs. C’est l’ennui avant ce nouveau protocole », souilgne le Dr Prithiviputh Rittoo. Il se demande où sont les médecins qui sont censés effectuer des visites à domicile pour ceux autorisés à faire l’auto-isolement. « Il aurait fallu recruter ces médecins d’abord, ensuite faire l’annonce du nouveau protocole », dit-il.
« Un employé de supermarché m’a confié qu’un collègue testé positif a été prié de rentrer chez lui alors qu’il n’était pas vacciné. Sa mère et son frère, vaccinés, commençaient à faire de la température. Ils ont contacté le ministère pour qu’une équipe récupère le frère non vacciné mais personne n’est venu », partage le Dr Rittoo qui se demande ainsi en quoi le nouveau protocole est-il appliqué. Il déplore le fait qu’on a annoncé une Domiciliary Monitoring Unit pour faire le suivi des personnes positives en isolement alors qu’il n’y a pas de médecins disponibles encore à cet égard.
« On a annoncé dans les médias que des médecins seraient recrutés sur contrat de quatre mois pour ces visites à domicile. On a mis la charrue avant les bœufs. Il aurait fallu recruter ces médecins d’abord, ensuite faire l’annonce du nouveau protocole. Actuellement, il n’y a ni médecin ni infirmier pour visiter les personnes en isolement. C’est cela l’ennui avec ce nouveau protocole. »
En effet, dans le communiqué du nouveau protocole, il est écrit : « Une personne positive en isolement à domicile recevra une première visite médicale pour permettre à la Domiciliary Monitoring Unit (DMU) d’évaluer son état de santé », et « une personne en isolement à domicile recevra une nouvelle visite de la DMU au terme de sa période d’isolement ». Pour le médecin, « il y a une mauvaise administration ». Et d’expliquer que le nouveau protocole, tel qu’il a été annoncé, « peut fonctionner si les médecins sont là et si on exige que chaque médecin ait sa propre voiture et qu’ils assurent un service 24/7 selon un système de shift ».
Que pense le médecin de ce nouvel aspect du protocole qui veut que les moins de 65 ans ayant été en contact avec des patients positifs n’aient pas à se faire dépister s’ils ne présentent pas de symptôme ?
« Je pense qu’ils ont dû présumer que les moins de 65 ans n’ont pas de comorbidités et que cette catégorie d’âge a moins de complications de santé mais il faudrait ajouter une autre catégorie : ceux de moins de 65 ans mais avec des problèmes de santé et qui doivent pouvoir se faire dépister dans les Flu Clinics et aller en quarantaine. »
Qu’en est-il donc des moins de 65 ans, n’ayant pas de complications de santé ? Est-ce pour autant qu’ils peuvent circuler librement dans la population sachant qu’ils sont des vecteurs potentiels du virus ?
« C’est sûr qu’ils sont susceptibles de contaminer d’autres personnes. C’est un autre aspect du protocole qui pose problème », reconnaît le Dr Rittoo. Il ajoute que si cinq personnes vivent dans une maison avec seulement deux chambres, il sera difficile d’observer l’auto-isolement. « Il faudrait tenir compte du fait que si une famille est nombreuse et la maison petite, on n’a d’autre choix que la quarantaine. Autrement, toute la famille sera contaminée et on sait qu’à Maurice, quand un voisin est souffrant, on va lui rendre visite. »
Commentant le nombre de décès enregistrés ces derniers jours, le médecin attribue cela au fait « qu’on ne donne aucun traitement ». Et de souligner : « On ne fait qu’observer les patients et quand il y a complication comme des problèmes respiratoires, c’est là qu’on les met sous respiration artificielle. Tous les patients à l’ENT ne reçoivent pas forcément un traitement. Ils sont sous observation s’il n’y a pas de complication. Par ailleurs, à part la cortisone, on n’a aucun autre traitement à donner. Le souci, c’est que si la personne a déjà présenté des symptômes et que cela empire, c’est difficile de les arrêter. C’est pourquoi ceux qui présentent des symptômes, même les plus jeunes, doivent être transférés dans un centre de quarantaine. »
Avec la réouverture des frontières dans un mois, le Dr Rittoo est d’avis que « le variant Delta se propagera ». S’il est vrai, dit-il, que les touristes seront vaccinés, rien n’empêche qu’ils contaminent d’autres personnes.
« La contamination par les touristes sera donc toujours là, avec les différentes souches venant de différents pays. Ils viendront donc avec les virus anglais, brésilien, Delta, etc. Prenons l’exemple de La Réunion qui n’avait pas le variant Delta. Après qu’elle a ouvert ses frontières à la France, aujourd’hui, 50% des cas de contamination ont été causés par le Delta. »
Interrogé quant à la tendance à la hausse dans les contaminations chez les enfants à l’étranger, le médecin adopte un ton ironique :
« On parle de désinfection des bus d’école. A-t-on vu des bus propres à Maurice ? Si un enfant est contaminé, il reste dans sa classe pendant des heures et rentre dans un bus bondé. » Ce qui l’amène à dire qu’il importe de diminuer le nombre d’élèves dans les classes. « Il peut y avoir des classes de 15 élèves le matin et un autre groupe d’élèves, toujours au nombre de 15 par classe l’après-midi. Chaque groupe viendrait tous les jours pour une demi-journée. Dans les bus aussi, il y aurait alors moins d’élèves. »
ll ajoute que tous les parents ne voudront pas faire vacciner leurs enfants. Il insiste sur l’importance d’une vaste campagne de sensibilisation auprès des enfants, des parents et d’autres parties de la population. « Il faut impliquer le public dans la lutte contre ce virus. »