28 arrestations à ce jour, l’ICAC dénonçant la collusion secteurs public/privé
Le scandale d’un million de doses Molnupiravir évoqué lors d’une conférence internationale FSC/OCDE
Le DG de l’ICAC, Navin Beekarry : « An increase in investigations specially in the health sector »
Les contrats publics alloués pendant ces deux dernières années de pandémie du Covid-19, surtout dans le domaine de la santé, au titre des Emergency Procurements avec des procédures simplifiées et accélérées, sont porteurs du germe du fléau de la fraude et de la corruption. Navin Beekarry, directeur général de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), qui intervenait lors d’une conférence du Regional Centre of Excellence de la FSC, organisée avec la collaboration de l’OCDE, sur le thème Supporting efforts to tackle Corruption and other Financial Crimes during Covid-19, confirme que depuis la pandémie, les corrupteurs n’ont aucun scrupule à exploiter les situations difficiles pour tirer des bénéfices : « They have no remorse for job losses, health or anything else, their main concern being to make as much profit as possible in the existing situation », dit-il.
Il a souligné que durant ces deux dernières années, l’ICAC a entrepris des enquêtes et pris des mesures préventives. Toutefois, comme cela a été le cas dans beaucoup de pays, la corruption a pris le dessus lors de l’allocation de contrats publics. « There was an increase in the level of investigations specially in the health sector, involving billions of rupees », dit-il en ajoutant « as billions of rupees were being spent by government in context of having to procure health services, medical equipment, medical supplies and medication, in order to prevent people from dying, and ensuring their health. »
Les différentes pratiques de corruption identifiées partent des achats frauduleux à des détournements de produits en passant par la substitution de produits, des produits de qualité inférieure et carrément de détournement de fonds.
« Corruption Prevention Reviews »
Navin Beekarry a souligné qu’à ce stade, 33 Procurement cases are being investigated, impliquant diverses entités publiques « and numerous associated private sector entities ». Il a ajouté que 28 personnes ont été appréhendées à ce jour. Ces 33 cas de corruption allégués concernent une somme totale estimée à quelque Rs 10,1 milliards « and the value of assets attached by the commission regarding corruption and money laundering amounts roughly to Rs 300 million ». Bien entendu, il n’a révélé aucun nom durant sa présentation.
Le directeur général de l’ICAC a indiqué que celle-ci se consacre aussi à des mesures préventives et a mené durant ces deux dernières années 41 Corruption Prevention Reviews (CPR) liées aux contrats publics. Et la commission a effectué 680 recommandations, 41 CPR concernant « the whole procurement system. »
Il s’est appesanti sur le fait que les secteurs public et privé doivent s’engager dans la lutte contre la corruption. « Les cas de corruption démontrent qu’il y a collusion entre les secteurs public et privé, et c’est donc crucial que les deux s’engagent à lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent », avance-t-il.
D’ailleurs, pour les récents cas de corruption liés aux achats publics, un certain nombre de Public Officers ont été arrêtés au ministère de la Santé ainsi que des individus du secteur privé. « Cela démontre clairement cette collusion entre les deux », affirme Navin Beekarry. Il est d’avis que la technologie peut contribuer à minimiser les risques de corruption dans l’allocation de contrats publics.
« Very suspicious »
Gomtee Kullootee, Assistant Ag. Director – corruption investigations, ICAC, a évoqué deux cas de corruption réputés à Maurice, les présentant comme des Case Studies aux quelque 260 participants mauriciens et étrangers à la conférence. Le premier cas évoqué (dont les noms des protagonistes n’ont cependant pas été cités nommément) concerne clairement l’axe Deepak Bonomally/Vinay Appana/Jonathan Ramasamy, ancien directeur général de la STC, concernant des contrats de masques, Sanitizers et autres équipements médicaux.
Gomtee Kullootee a parlé d’Advance Payment de Rs 7,5 millions for procurement of medical equipment. Elle a donné des détails sur les liens étroits entre les différents protagonistes et le “Money Trail”, évoquant des transferts d’argent injustifiés et parlant de « liens entre la sœur d’un des protagonistes qui est l’épouse du General Manager de la Purchasing Authority ». Gomtee Kullootee a aussi évoqué un transfert de Rs 4 millions à des fournisseurs étrangers dans cette affaire. Elle a expliqué que « procurement procedures were not complied with and there has been procurement from unregistered suppliers with full payment made before delivery », démarche considérée comme « very suspicious ».
À ce stade, le directeur de la Procurement Authority et le consultant de la compagnie ont été arrêtés pour blanchiment. Gomtee Kullootee ajouter que l’Emergency Procurement a représenté un véritable défi pour les enquêteurs car les fonctionnaires étaient en télétravail, causant ainsi du retard dans l’obtention de documents. « Les avocats n’étaient pas disponibles pour assister leurs clients et il y a eu du retard dans l’obtention d’informations de l’étranger », fait-elle comprendre.
Lettres anonymes
La deuxième étude de cas présentée par les cadres de l’ICAC est celle de la tristement célèbre affaire Molnupiravir, avec 1 million de doses achetées par le ministère de la Santé, à Rs 79.92 l’unité. Là encore, à aucun moment l’ICAC n’a fait état d’indications précises au sujet de ce scandale même si les faits énoncés parlent d’eux-mêmes.
Gomtee Kulloottee a parlé de Anti-Covid tablets, avec trois exercices de Procurement effectués par le ministère concerné pour l’achat de médicaments. « Le ministère a passé commande pour deux millions de comprimés, mais une troisième commande s’est faite pour 1 million de comprimés. Dans ce cas, la compagnie a été contactée directement. Et on lui a demandé d’envoyer un mail aux autorités afin qu’elle ait des facilités, et cela même si le prix à l’unité du médicament était Rs 79.92. They proceeded with direct procurement, », s’étonne la représentante de l’ICAC.
Sa conclusion dans l’allocation de ce contrat public est que « procedures were not complied with. This product was not licensed. There was over-invoicing to inflate the price and there was over-purchase of the tablet. » À ce stade, des fonctionnaires du ministère concernés ont été arrêtés pour infraction à la Prevention of Corruption Act. Mais l’enquête est toujours en cours sur l’affaire Molnupiravir car la commission attend toujours des documents à Maurice et de l’étranger. Gomtee Kullootee conclut que « transparency, accountability, integrity and ethical distribution of funds are critical to curb corruption ». Interrogée par les panélistes, elle a répondu qu’avant de même que pendant la pandémie, la principale source de détection pour les cas de corruption demeure les lettres anonymes de dénonciations.
Plusieurs autres intervenants ont participé à cette conférence de haut niveau dont Vikash Thakoor, Chief Executive Officer (CEO) de la Financial Services Commission (FSC) et Patrick Moulette, Head of the ACD, Directorate for Financial and Enterprise Affairs, Head of Anti-Corruption Division à l’OCDE.