C’est une cérémonie empreinte d’une note particulière en émotions qui a donné le coup d’envoi, hier, du Festival Kiltir Ek Langaz Kreol Morisien, au Caudan Arts Centre, à Port-Louis. Pour cause, cette édition du festival, qui renoue avec les traditions avec une portée touristique pour lui redonner une dimension internationale, est aussi l’occasion de rendre encore une fois hommage au linguiste et grand défenseur de la langue kreol Dev Virahsawmy, récemment décédé.
C’est avec une minute de silence solennelle en hommage à Dev Virahsawmy qu’a débuté la cérémonie de lancement, placé sous le thème “Nou langaz siman nou linite”, du Festival Kiltir Ek Langaz Kreol Morisien inaugurant dans la foulée “Latelie ek Expozision Lor Langaz Kreol Morisien : Yer, Zordi, Dime.” Tous les intervenants, que ce soit le DPM et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Lutchoomun, mais aussi le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui a donné le coup d’envoi de cet événement, en présence des proches de Dev Virahsawmy et d’autres invités, ont été unanimes à reconnaître la contribution de Dev Virahsawmy dans l’avancement de la langue kreol qui, comme dira Steven Obeegadoo, est “le socle, la fondation sur laquelle la nation est bâtie”.
Faire vivre l’héritage de Dev Virahsawmy
“Un héritage culturel qui ressort du vivre-ensemble des citoyens de Maurice, qui a débouché sur le langage qui appartient à tous les Mauriciens”, a aussi souligné le ministre du Tourisme. Il devait poursuivre insistant que la lutte de Dev Virahsawmy pour la langue kreol. “Listwar pou rekonet ki Dev Virasawmy, ki dedie so lalit, so lavi ziska so dernier souf a lalang kreol, se papa langaz kreol morisien”, a dit Steven Obeegadoo, en faisant ressortir que les débats de l’atelier autour du Kreol Morisien (KM), c’est aussi une façon de lui dire merci.
Un retour à “Lasours”, a-t-il aussi laissé entendre, faisant ressortir que la lutte de Dev Virahsawmy ne s’arrêtera pas là, au contraire. Ainsi, comme l’a si ardemment souhaité le linguiste, et maintes fois réitéré avant son décès lors de ses rencontres avec les décideurs, les autorités ont pris l’engagement de faire vivre l’héritage qu’il a laissé en termes d’oeuvres aussi offertes à l’Institut Margéot.
Hommage aux Chagos
Et c’est avec encore plus d’émotions que l’assistance a apprécié le chant de Noah Julie et sa soeur Axelle, interprétant majestueusement la création artistique prophétique de Dev Virahsawmy, évoquant la lutte pour la reconnaissance de la langue maternelle. Et c’est non sans grande tristesse qu’on a vu les larmes de l’épouse de Dev Virahsawmy couler le long de ses joues hier au Caudan Arts Centre.
Autre moment de profond émoi, la chanson de la défunte Mimose Furcy, interprétée par sa fille Mary Joyce, Mo ti ena 13-an, rappelant le déracinement des Chagossiens de leurs îles. De même, outre le clip vidéo autour du Developma Langaz Kreol Morisien, diffusé hier pour l’assistance, le sega mythique de Serge Lebrasse Madame Ezenn, brillamment revisité par son fils, a mis du baume au coeur de ceux présents. Cette cérémonie de lancement a aussi été l’occasion pour tous ceux qui y assistaient de faire une visite à Lexpozision lor Langaz Kreol Morisien, au rez-de-chaussée du Caudan Arts Centre, mettant en avant nombre d’oeuvres des artistes et autres auteurs mauriciens sur la culture locale.
Cette année, le festival, présenté par le ministère du Tourisme, en collaboration avec le ministère des Arts et du Patrimoine culturel et la MPTA, s’échelonnera sur une semaine, soit jusqu’au 10 décembre. Plusieurs activités, dont des concerts, seront organisées à travers l’île.
Le PM : « Introdiksion kreol dan Parlman bizin boukou preparasion »
“Pa kapav fer a la va-vit”, dit Pravind Jugnauth, s’appuyant sur le prétexte
que “si nou kogne, pou ena bann detrakter ki pou vinn sezi lokazion”
Après avoir indiqué au lancement de la dernière édition du Festival Kiltir Ek Langaz Kreol Morisien, que le Kreol Morisien (KM) sera introduit à l’Assemblée nationale “au moment opportun”, cette année, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a fait ressortir que cette démarche “demande une préparation, un cadre, et des règlements”. “Pa kapav fer a la va-vit, kar si nou kogne, pou ena bann detrakter ki pou vinn sezi lokazion”, dit-il.
Soutenant vouloir “progresser à l’avenir”, le Premier ministre avance que l’introduction du KM au Parlement sera “un autre pas vers la démocratisation”. Et s’il existe des “passéistes”, lâche-t-il, “personne ne peut donner de notre sincérité de notre détermination”. Dans la foulée, Pravind Jugnauth ne manque de lancer une pique “au London boy” qui, alors que le conseil des ministres était passé, sous SAJ, au kreol, de revenir à l’anglais en 1995. Mais par la suite, aujourd’hui, le conseil des ministres se déroule avec la langue kreol. “Notre langue maternelle, qui est une richesse culturelle, avec l’apport des différentes cultures et langues qui se sont mêlées au fil des années dans le passé, avec les esclaves, les travailleurs engagés et autres communautés qui forment aujourd’hui le peuple mauricien, représente l’identité de chaque citoyen”, a souligné Pravind Jugnauth.
“Nou langaz siman nou linite”
C’est pourquoi, dit-il, il ne comprend pas la conception de certaines personnes qui se limitent pour associer “langaz kreol ek desandan Lafrik”. Nous devons revenir sur la réalité de notre parcours en tant que peuple jusqu’aujourd’hui et faire le constat de qui nous sommes, dit-il, insistant que le développement du kreol, c’est grâce à l’apport des autres langues. “Nou trouve ki manier sa bann lang finn ena enn linflians ek kreol ousi finn ena enn linflians.”
“Lalang kreol apartenir a nou tou. Se nous bien komun. Se nou leritaz”, insiste le Premier ministre. D’autant que c’est grâce à la langue kreol, qui comme l’indique le thème choisi cette année pour le Festival Kiltir Ek Langaz Kreol Morisien “Nou langaz siman nou linite”, dit-il, est ce qui fait que “nou kapav viv ansam e revandik nou bann drwa denn sel lavwa”. “Nou langaz siman nou linite” est bien plus qu’un slogan, poursuit-il, c’est “enn santiman ki nou bizin kontinie nouri dan nou leker pou ki sak sitoyen vinn bann vre Morisien”. D’ailleurs, souligne Pravind Jugnauth, les chiffres de Statistics Mauritius révèlent que 90% des foyers mauriciens “koz nek kreol dan lakaz”.
C’est pourquoi, dit-il, le gouvernement veut procéder pas à pas avec les initiatives qui doivent être réfléchies. Reste que, reconnaissants envers les ancêtres qui ont évolué dans les pires conditions et ont réussi à préserver leurs cultures et traditions, “nous avons un devoir de préserver nos richesses culturelles et évoluer avec le temps en consolidant la base qu’est notre langue maternelle”.
Le Premier ministre a profité de cet événement pour revenir sur le travail des artistes et “la volonté” du gouvernement de rehausser leur statut. Dans le sillage, il est revenu sur les incidents à La Citadelle, déplorant la prise de position de certains députés dé l’opposition qui, selon lui, ont tenté de faire de la récupération politique avec cet événement en comparant les agissements de la police avec un autre délit survenu à Trou d’Eau Douce. Pravind Jugnauth soutient que “kot ena dezord, pe inport ki a-lorizinn, nou pran responsabilite e kot ena pou azir avek otorite, nou pou azir”.
Il a aussi profité de l’occasion pour rendre hommage à ceux qui ont œuvré pour la lutter pour la langue kreol, dont Dev Virahsawmy. “Dan gouvernman, nou determine pou selebre e promouvwar nou leritaz”, dit-il, affirmant que l’histoire a montré qu’à chaque fois, “nou finn rann omaz a nou lang maternel”. Il affirme que si Dev Virahsawmy s’en est allé physiquement, “seki li’nn lege pou rest intak e pou servi nou pou nou avanse.”
“Nou pou amenn KM dan HSC”, dit Leela Devi Dookun-Lutchoomun
La ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Lutchoomun, a abondé dans le même sens, évoquant le travail de Dev Virahsawmy pour la langue kreol, et d’autres Mauriciens, dont le Pr Hookoomsing, pour transmettre l’héritage du KM à toutes les générations. Évoquant le progrès de la langue kreol dans les écoles, avec 19 462 élèves qui ont choisi le KM en grades 1à 6, et 8 333 élèves pour les grades 7 à 9 et 209 élèves ont pris par aux examens du KM dans le cadre du National School Certificate pour 2023, la ministre indique que “nou finn gagn laval pou grad 10 ek 11”. Elle ajoute “nou pou amenn KM dans HSC”. Toutefois, il faut travailler étape par étape, dit-elle, insistant que le KM est l’élément unificateur de la nation.