Une partie significative des déchets domestiques, estimés à quelque 147 000 tonnes, résulte du gaspillage alimentaire au niveau des consommateurs. Tel est en tout cas le constat de Jean-Claude Autrey, secrétaire général de l’International Society of Sugar Cane Technologists, et qu’il a partagé lors d’une conférence donnée à l’occasion de l’assemblée générale de la Société de technologie agricole et sucrière de Maurice (STASM) tenue cette semaine à la salle Bonâme, Réduit. La conférence, intitulée “Food Security and Food Waste : Global Issues and Relevance to Mauritius”, s’est déroulée en présence du vice-président de la République, Eddy Boissézon.
Jean-Claude Autrey a tout d’abord dressé un état des lieux de la sécurité alimentaire à travers le monde. Ainsi, dit-il, avec l’épidémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, « l’objectif de mettre un terme à la malnutrition et la faim en 2030, selon les Objectifs de développement durable des Nations Unies (SDG), semble difficilement réalisable ». Après quoi il a évoqué quelques chiffres, expliquant qu’en 2020, 768 millions de personnes étaient mal-nourries, dont 418 millions en Asie et 282 millions en Afrique. Quant à l’insécurité alimentaire modérée à sévère, dit-il, elle est en hausse. « Cette situation engendre des conséquences sur la productivité et la reprise économique des pays concernés. »
Le Dr Autrey s’est par ailleurs appesanti sur les pertes « à travers la chaîne de valeur de la nourriture ». Ainsi explique-t-il qu’au cours de l’ensemble du processus – soit de la production à la manutention, en passant par le stockage, la transformation, la distribution, la mise sur le marché et la consommation –, plus d’un tiers de la nourriture produite est perdue ou gaspillée, ce qui représentait 1,3 milliard de tonnes en 2018. « Si un quart de ces pertes pouvait être sauvegardé, il y aurait suffisamment à manger pour toutes les personnes mal-nourries », a-t-il observé.
Au sujet de la situation de Maurice, Jean-Claude Autrey rappelle que le pays est vulnérable aux chocs externes des prix pour la nourriture, les aliments pour animaux, les prix du fret ainsi que le taux de change, entre autres. « L’économie mauricienne est ouverte. Ce qui l’expose aux marchés volatiles globaux et aux effets de la pandémie et de conflit. Maurice importe 77% de ses besoins en nourriture et les importations agricoles sont à hauteur de 26% des importations. Quoiqu’autosuffisant en poulets et en œufs, le pays doit néanmoins importer 80% de l’alimentation de ses volailles. » Le pays est cependant autosuffisant en terme de légumes frais et produit 60% et 33% de sa demande en pommes de terre et en oignons respectivement.
Au-delà de cette production, souligne le conférencier, « il est regrettable et paradoxal de constater dans le contexte actuel qu’une partie significative des déchets domestiques, estimés à quelque 147 000 tonnes, résulte en fait du gaspillage alimentaire » au niveau des consommateurs. D’où la nécessité, selon lui, d’une conscientisation.
Le gaspillage de nourriture impacte également les ressources utilisées dans la production, comme l’énergie, l’eau et les intrants, dit-il. La distribution des restes alimentaires par des associations caritatives et Ong aux démunis est cependant saluée comme « une initiative fort louable » visant à réduire le gaspillage.
Pour une meilleure efficacité de notre agriculture, et ainsi assurer en grande partie notre sécurité alimentaire, « le recours aux nouvelles technologies est essentiel », dira-t-il aussi. Citant ainsi en exemples les biotechnologies, l’agriculture de précision, l’utilisation de drones, l’intelligence artificielle, la robotique ainsi que différents capteurs fournissant en temps réel des informations sur de nombreux facteurs. « L’agriculture verticale est aussi un moyen innovant pour augmenter la production sur une surface restreinte. »
Après la conférence, les intervenants étaient unanimes à évoquer la nécessité d’éduquer et de conscientiser sur la problématique du gaspillage de nourriture. Ils se sont aussi appesantis sur la nécessité d’exploiter notre territoire marin pour combattre l’insécurité alimentaire, ainsi que de manger des produits locaux, à la place du riz et de la farine. A noter encore que lors de son intervention, le vice-président de la république a souhaité une concertation et « la volonté de produire » au niveau régional, Madagascar pouvant être un grenier pour la production agricole, selon lui.