Nous avons rencontré les parents de la petite Abigaël, vendredi après-midi, à Port-Louis. Ils sont membres de l’association Cerebral Palsy Family, qui depuis trois ans s’attelle à sensibiliser la population sur cette condition qui touche principalement les enfants. Abigaël est restée à la maison, sans doute en train de jouer à Roblox ou à Minecraft sur sa tablette tactile, nous confie Anielle Echazar, sa mère. En effet, si Abigaël Echazar vit avec un handicap, la jeune fille est dotée d’une intelligence qui parfois dépasse ses proches. « Elle manie tout ce qui est technologie et informatique. Elle nous surprend parfois par ce qu’elle sait et fait », poursuit Anielle Echazar. En effet, Abigaël qui a réussi ses examens de quatrième, arrive désormais à faire quelques pas en déambulateur après s’être fait opérer en début d’année à l’étranger. « Abigaël a quand même raté un trimestre en début d’année à cause de son opération, mais elle a réussi dans toutes ses matières, sauf les mathématiques ! Elle va se rattraper », dit Anielle Echazar.
Croire au Père Noël ?
À un jour de Noël, la jeune fille trépigne d’impatience pour ouvrir ses cadeaux. « Elle adore déchirer les emballages cadeau. Elle dit tout le temps à ses frères : laissez-moi le faire à votre place », lance la maman avec un large sourire. Qu’en est-il de la magie de Noël chez la famille Échazar ? Elle et son époux répondent en chœur : « Nous faisons absolument tout pour préserver l’esprit de Noël dans notre maison. D’ailleurs, chaque année, je mets un verre de lait et des biscuits sous le sapin pour donner au Père Noël. C’est la tradition… », raconte-t-elle. « Et les enfants vivent toujours ce moment magique avec le même entrain que pour leur premier Noël. Et Abigaël encore plus. »
D’ailleurs, cette année encore, la jeune fille a demandé des poupées Barbie. « On sait qu’elle jouera avec pendant un jour, et qu’après elle retournera à ses jeux sur sa tablette ou à ses vidéos sur YouTube. » Et cette année encore, elle prendra autant de plaisir que les années précédentes à essayer les vêtements de Noël que sa maman a soigneusement choisis. Enn ti alert, dira-t-on. « Elle attend aussi avec impatience que l’on décore notre sapin de Noël qu’on a depuis plus de 10 ans. Elle va tout superviser et nous donner des instructions sur comment le décorer ! »
Des traitements à La Réunion
Anielle Echazar est l’exemple même d’une mère courage. Le sourire aux lèvres, c’est avec beaucoup d’amour et de tendresse qu’elle nous décrit son aînée. Sans doute ne se rend-elle pas compte que pas une seule seconde elle n’a arrêté de sourire en nous parlant d’elle. Elle nous confie ainsi que depuis la naissance de son aînée, elle et son époux ont tout fait pour lui donner une vie normale, mais adaptée à ses besoins. « Elle est née grande prématurée et pesait à peine 1,1 kilo », se souvient Anielle Echazar. Elle nous confie que lorsque sa sœur a découvert au bout de cinq mois que la petite Abigaël avait quelques retards moteurs, ils ont commencé les démarches.
« Vous savez, cela va vous surprendre, mais lorsque mon époux et moi nous avons appris qu’Abigaël était atteinte de paralysie cérébrale du côté gauche, notre monde ne s’est pas écroulé. Oui, c’était un choc, mais on a tous les deux décidé d’avancer et d’y croire pour elle », nous confie Anielle Echazar. Ainsi, grâce aux parents autour d’eux ayant des enfants atteints de paralysie cérébrale, ils découvrent les soins pédiatriques proposés à La Réunion, à l’hôpital Saint François d’Assises. Avec l’aide de parents et d’associations, la famille Échazar se déplace deux fois par an à l’île sœur jusqu’en 2019, pour permettre à leur aînée de bénéficier de soins adaptés. « Nous manquons cruellement de ce type de soins à Maurice. Un enfant vivant avec un handicap a parfois besoin de sessions de physiothérapie tous les jours et il est triste de constater que dans les hôpitaux publics, de tels soins et à un telle fréquence sont très rares », explique Anielle Echazar.
Le regard des autres
D’ailleurs, elle nous confie avoir passé ces onze dernières années à faire des démarches. Aujourd’hui, Anielle Echazar suit des cours en Éducation spécialisée et n’hésite pas à aborder des parents d’enfants handicapés dans la rue. « Je le fais parce que je sais ce qu’ils vivent et parce que c’est uniquement ainsi que l’on pourra faire avancer les choses pour nos enfants », dit-elle. Anielle Echazar nous confie par ailleurs que la réaction des gens est parfois austère au début. « Cela est normal, car je ne vous mentirai pas. Nous sommes parfois découragés, frustrés et surtout fatigués, mais ce qui est plus dur, c’est le regard des autres. Parfois, l’on ne se rend pas compte qu’il existe des gens bienveillants qui sont là pour nous aider, sans jugement, sans pitié », dit-elle.
La famille Échazar est aussi persuadée que pour une île Maurice plus inclusive, il faut plus de sensibilisation. « Les autorités devraient songer à encourager les maternelles à accepter les enfants handicapés dans leurs classes. C’est à cet âge-là que les enfants se développent le plus et le fait d’être au contact avec un camarade en fauteuil ou autre, cela permettra aux enfants de mieux comprendre et d’aider les autres dans leur vie adulte. Abigaël a été à la maternelle et elle a été témoin de tellement d’amour et d’entraide. Les enfants à cet âge-là ne connaissent aucune barrière », dit-elle. « Et de plus, nos enfants n’ont besoin de pas grand-chose. Le simple fait d’être assis dans une salle de classe avec les autres enfants, d’interagir avec eux, leur feront le plus grand bien, que ce soit sur le plan du développement comportemental que sur le plan émotionnel. »
À un jour de la grande nuit de Noël, Abigaël, Ethan et Kenaël, et les centaines de milliers d’enfants mauriciens, en fauteuil ou pas, verbaux ou pas, handicapés ou pas attendront avec impatience le petit papa Noël qui, on le sait, les gâtera.