— Le Royaume-Uni mise sur l’importance exclusive du Satellite Communications System des opérations militaires à Diego Garcia pour convaincre Washington
— Maurice, avec l’échéance déclarée du 12 mars : « We will reach a speedy resolution in the coming weeks »
— Le tête-à-tête Rubio-Lammy en fin de semaine en marge de la Munich Security Conference se présente comme un Litmus Test des Américains
La fin de cette semaine se présente comme un tournant, littéralement un litmus test, dans les échanges triangulaires Port-Louis/Londres/Washington en vue de conclure le Chagos Deal après plus de 25 mois de négociations bilatérales au plus haut niveau. Que ce soit à Londres ou à Port-Louis, la confiance dans un dénouement positif est de mise, avec la conviction de voir la nouvelle administration américaine de Donald Trump donner le feu vert à l’accord conclu bilatéralement en début d’année pour la restitution de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos et le bail de 99 ans de la base américaine de Diego Garcia. Certes, la semaine écoulée a vu une mise au point musclée de Londres face aux velléités de Maurice pour un Chagos Much Better Deal comparativement au Draft Chagos Political Agreement du 3 octobre 2024, soit à la veille de la dissolution de l’Assemblée nationale pour les élections générales du 10 novembre de l’année dernière. Mercredi dernier, soit au lendemain de la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, sur le dossier des Chagos, Londres a littéralement haussé le ton à l’encontre de Maurice au sujet des termes et de la substance du Chagos Deal agréé. Néanmoins, ceux qui suivent avec assiduité les différentes étapes des consultations s’accordent à dire que la fin de la semaine s’affirme être encore déterminante à plus d’un titre.
Après une analyse approfondie des différents aspects, line by line analysis, de l’accord intervenu entre Maurice et le Royaume-Uni sur les Chagos, le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, sera appelé à communiquer officiellement les premiers éléments au sujet de la position de Donald Trump. Rendez-vous a été pris avec le Foreign Secretary britannique, David Lammy, à Munich entre les 14 et 16 février, avec à l’agenda, entre autres, les garanties contre la potentielle malign influence, expression diplomatique si chère à Marco Rubio, de la République populaire de Chine avec Maurice exerçant la pleine souveraineté sur cette partie de son territoire.
D’ailleurs, ce sera la première rencontre en tête-à-tête entre le secrétaire d’Etat américain et le Foreign Secretary britannique, et à coup sûr, le dossier des Chagos devant y figurer. De cette rencontre et des positions exprimées, le Chagos Deal devra prendre sa forme officielle. C’est du moins ce qu’affirment les milieux autorisés, mettant fin à une période d’incertitudes en prenant en considération les informations communiquées par Londres au sujet de la pertinence en Droit international de cet accord bilatéral pour garantir l’usage exclusif de la base américaine de Diego Garcia (voir détails plus loin).
D’autre part, toujours en fin de semaine, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, sera à sa première mission officielle à l’étranger depuis l’installation du gouvernement de l’Alliance du Changement. À Addis-Abeba, pour le 37 e sommet de l’Union africaine, il remettra à l’ordre du jour panafricain le dossier de l’achèvement du processus de décolonisation en Afrique, dont celle de Maurice, avec une mobilisation diplomatique et politique des chefs d’État et de gouvernement à la cause des Chagos.
Dans cette perspective, le Premier ministre a pris la décision d’inclure le leader du Groupement des Réfugiés des Chagos, Oliver Bancoult, au sein de la délégation officielle de Maurice pour Addis-Abeba. Répondant à Joe Lesjongard à l’Assemblée nationale, mardi, par rapport aux considérations accordées par Maurice aux Chagossiens, Navin Ramgoolam a avancé de manière catégorique que « I must also say to the Honourable Leader of the Opposition that I am going to the African Union meeting that is being held in Addis-Abeba and I have asked Mr Bancoult to accompany me, because we need to tell our African brothers what is happening, about the last decolonisation in Mauritius. »
Dernière échéance
De ce fait, le dossier des Chagos sera diplomatiquement visible à l’agenda pour un retour de Maurice sur la scène panafricaine. L’engagement de l’Union africaine aux côtés de Maurice lors des délibérations de la Cour internationale de La Haye pour l’Advisory Opinion a pesé de tout son poids au sujet de la fin du processus de décolonisation. Il y a encore le fait que la motion post-La Haye à l’Assemblée générale des Nations unies du 22 mai 2020 était signée du Sénégal. La conclusion de cette étape se révèle être les marching orders des Nations unies à Londres pour évacuer l’archipel sans condition au plus tard le 22 novembre 2020.
Cette dernière échéance, qui n’a pas été respectée par le Royaume-Uni, fait qu’aujourd’hui, ce dernier État-membre des Nations unies multiplie les initiatives pour sauvegarder l’exclusivité du Satellite Communications System installé à Diego Garcia pour les besoins militaires anglo-américains dans l’océan Indien et ailleurs. Sur la base des détails fournis par le Premier ministre à l’Assemblée nationale pour la première fois, le mood se résume à l’ultime phrase de la réponse liminaire de la PNQ.
« We remain confident that we (Mauritius and the United Kingdom) will reach a speedy resolution in the coming weeks », affirme Navin Ramgoolam après avoir fait état de la dernière conversation téléphonique avec son homologue britannique, sir Keir Starmer. Auparavant, au nom de la transparence, il a retracé les principales étapes du dossier des Chagos depuis l’avènement du gouvernement de l’Alliance du Changement.
Dés l’installation au Treasury Building, une première correspondance de sir Keir Starmer est adressée au Premer ministre pour la première mission de son envoyé spécial, Jonathan Powell.
15 novembre : réunion des officiels pour un état des lieux des négociations anglo-mauriciennes engagées depuis novembre 2022. La décision d’une Independent Review du Draft Confidencial Political Agreement du 3 octobre et report du déplacement initial de Jonathan Powell.
25 novembre : Arrivée de Jonathan Powell à Maurice pour un briefing de la situation. « And I had told him that we are a bit surprised that the agreement was made on the eve of the dissolution of Parliament. We, in the Opposition, were not aware of anything and we could only see what was happening in the House of Commons », dira Navin Ramgoolam.
9 au 12 décembre : présence d’une délégation d’officiels britanniques à Maurice pour des consultations, avec en toile de fond les conclusions de l’Independent Review et les avis des legal advisers. En parallèle, la Head of the UK Delegation avait été reçue par le Premier ministre.
La position de Maurice : « While it was still willing to conclude an agreement with the United Kingdom, the draft agreement which was shown to us after the general elections is one which, in our view, would not produce the benefits that the nation could expect from such an agreement. » Des Counterproposals sont soumis aux Britanniques.
16 décembre : la réponse aux contrepropositions est reçue et examinée par le comité interministériel, présidé par le Premier ministre et comprenant le Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, l’Attorney General, Gavin Glover, et le ministre des Affaires étrangères, Ritesh Ramful.
31 décembre : de nouvelles counterproposals sont transmises à Londres avec des rencontres, menées par l’Attorney General se déroulant à Londres au début de janvier. « The talks reached an advanced stage and the Attorney General returned earlier than expected to brief me », ajoutera le Leader of the House.
15 janvier : Special Cabinet Meeting convoquée pour se pencher sur le Chagos Deal. « However, early on that day, before the Cabinet meeting, we were informed by the United Kingdom that, in view of the imminent change in the administration in the United States of America, they would look for the views of the new administration before signing the agreement between Mauritius and the United Kingdom on the Chagos Archipelago. »
16 et 17 janvier : nouvelle mission de Gavin Glover à Londres pour des discussions comme il avait été prévu. « At that stage, Mauritius and the United Kingdom had a final agreement ready to be signed. The Attorney General has kept in touch with the Foreign Office and we are awaiting developments on UK’s side », affirme le Premier ministre.
« Stumbling blocks »
Pour la partie mauricienne, le Draft Chagos Political Agreement du 3 octobre comprend trois Stumbling Blocks :
— Sovereignty, le point fondamental : « It had to be unambiguous and undiluted that we have full sovereignty, not only on the Chagos, but including Diego Garcia. That was not in the agreement ! » maintient-il.
— bail de Diego Garcia : durée initiale de 99 avec extension unilatérale de Londres pour une nouvelle période de 40 ans. « We had no say in it. We disagreed completely ! It cannot be that an agreement is signed for 99 years, and then the British on their own would decide that they will renew the agreement and we have no say in it. We totally disagreed with this. We said, no, we have to have a say. Both parties must be able to discuss », s’insurge le Premier ministre.
— Package : « That was the third issue. So, that is why we said no, we have to renegotiate, and see whether we can come to an agreement. And I am confident that we will come to an agreement », affirme-t-il en évoquant l’indexation à l’inflation et le frontloading.
Puis est intervenu le détonateur dans les échanges entre Port-Louis et Londres, frisant ce que la presse britannique appelle une diplomatic row. « Yes, indeed, there have been changes. The British agreed. We insisted that the sovereignty issue is the crucial and the most important issue ; not the financial package, but the sovereignty issue. This is a battle that started long ago. Now, we are about to reach the end of it. We insisted that it be clear that we have complete sovereignty on the Chagos, including Diego Garcia. The British agreed to that and this has been changed », répondra le Premier ministre à une interpellation supplémentaire du leader de l’opposition.
Avec la presse britannique, le Times de Londres, mettant dans la bouche de Navin Ramgoolam le chiffre de £ 18 milliards, soit le double des £ 9 milliards d’avant, No 10 Downing Street devait sortir l’artillerie lourde. D’abord, le porte-parole du Premier ministre dans un Post-PMQ Briefing à la presse à la Chambre des Communes et puis le Minister of State of Foreign, Commonwealth and Development Office, Stepen Doughty, lors de la tranche du Question Time sur le Chagos Deal ce même mercredi, sont montés au créneau pour une mise au point.
« There has been no change to the substance of the deal, nor to the overall quantum agreed. We believe that we have reached a deal that is in the interests of the UK and Mauritius and, indeed, of the United States and our allies », a martelé en pas moins de cinq occasions le ministre d’Etat Doughty aux interpellations supplémentaires des parlementaires de l’opposition à la Chambre des Communes au sujet de ces £ 18 milliards fictifs.
À Port-Louis, le Prime Minister’s Office devait émettre un communiqué pour démentir la campagne autour des £ 18 milliards, avec les choses devant en rester là. Et cela, sans affecter la conviction ni de Londres ni de Port-Louis sur le bien-fondé de l’accord, d’autant que personne ne peut influer sur l’agenda du président Donald Trump. « The American President has just been elected. I am not in a position to impose my timetable on him. He will have to look at it. He has other issues at the moment, just like we had at the very beginning ; we are still having them, and we will then start the negotiations or whatever », notera le Leader of the House.