Le 4 février, le monde observait la journée mondiale de la lutte contre le cancer, cette maladie qui ne fait pas de discrimination entre hommes et femmes, riches et pauvres, célébrités et anonymes. C’est la deuxième cause de mortalité dans le monde. Et aujourd’hui, presque chaque personne connaît une autre qui souffre de cette maladie évoquant, bien souvent, la peur, le découragement, la mort. Les témoignages des victimes ou de leurs proches révèlent l’impact immense que cette maladie a sur la vie des personnes qu’elle touche. L’espoir, aussi. Car « le cancer a beau être une maladie redoutable, on peut en guérir ! ». C’est le vécu de Jean-Marc Chiffonne, 48 ans, qui choisit de conter son histoire: celle de la guérison d’un homme en pleine forme qui, il y a deux ans, découvre qu’il souffrait d’un cancer du colon greffé d’un cancer du foie, au stade 4, donc métastasé, mais qui est aujourd’hui « guéri » de la maladie.
Les chances de survivre au cancer de stade 4, qui dévore les entrailles, sont très minces. Pourtant, Jean-Marc Chiffonne a vaincu le sien et c’est avec le sourire qu’il raconte son expérience « incroyable ». C’est un peu le hasard qui a permis à cet employé de banque de découvrir son cancer. Bien bâti, Jean-Marc Chiffonne dont le poids idéal est de 80 kg, constate en août 2020 qu’il en perd. Dans son entourage, ses collègues et autres proches le lui font remarquer. « Je n’étais pas étonné de ma perte de poids car subitement, moi qui aime manger les bonnes choses, j’avais perdu l’appétit », raconte-t-il. En quelques semaines, son poids était descendu à 72 kg. Au-devant de l’inquiétude des autres, il décide de faire un check-up général à la clinique où un spécialiste de la médecine interne lui prescrit une batterie de tests. « Ce check-up était seulement une précaution. Je craignais surtout des problèmes cardiaques ou un excès de cholestérol », dit-il. Admis en clinique au début du mois d’août, il subit ainsi une colonoscopie et une échographie ainsi que des analyses sanguines. « Comme je suis quelqu’un de très positif, je ne me suis pas inquiété, même si mes proches, dont ma soeur, ma mère aet ma femme, étaient plus inquiets et se posaient des questions », se souvient-il.
Une tumeur qui prend 50% de son foie
Lorsque les premiers résultats tombent, ils révèlent que le quadragénaire est anémié. La positivité de Jean-Marc n’est pas ébranlée. « Je pensais qu’on allait vite en finir avec quelques médicaments », dit-il. Mais lorsque les résultats de la colonoscopie arrivent, il comprend que « la chose est plus grave. » Les analyses révèlent une masse au niveau de son foie. « Cette masse était assez grosse car elle prenait 50% de mon foie », s’étonne l’habitant de la capitale. Face à ces données, le médecin lui fait comprendre qu’il doit subir une biopsie pour connaître la nature de cette masse, d’autant que parallèlement, le médecin soupçonnait déjà qu’elle pouvait avoir une influence au niveau de son côlon. La biopsie est ainsi effectuée presque aussitôt et le jeudi 12 août, la nouvelle tombe : Jean-Marc souffre d’un cancer au niveau du côlon, métastasé au niveau du foie.
« J’ai tout de suite pensé à la mort… Je veux voir grandir mon fils »
« Lorsque le docteur m’annonce cette nouvelle, j’ai tout de suite pensé à la mort. J’ai l’impression de tomber dans un gouffre et que je vais m’y perdre », raconte le quadragénaire. Pas le temps de perdre du temps. Le médecin l’oriente alors très rapidement vers un oncologue, le Dr Sohawon. « Les choses se sont passées très vite. L’oncologue m’a reçu avec mon épouse, Carine et nous a expliqué que mon cas était assez grave. Il nous a aussi dit la marche à suivre car aujourd’hui, la médecine a beaucoup avancé, et donc, il ne faut pas baisser les bras, nous a-t-il dit », se souvient Jean-Marc. Mais lui, il a l’esprit ailleurs. « Je pense vraiment à la mort. C’est là que je prends conscience de ce qui m’arrive. Les larmes coulent d’elles-mêmes. Je ne sais pas si c’est la peur, la nervosité, le désespoir. Je pense surtout à mon fils de 12 ans, Mathias que je veux voir grandir. Je me demande quand je vais mourir… », se souvient-il, comme-ci c’était hier.
Son épouse pleure aussi, mais se montre forte. Elle accuse le coup. Surtout que l’oncologue est très confiant qu’avec les médicaments, il faut garder espoir. Jean-Marc suivra ainsi 7 séances de chimiothérapie de septembre à décembre 2020, suivies d’un bilan qui déterminera la suite des cures. Contrairement à ce qu’il avait entendu de la chimiothérapie, ses séances se déroulent toutes très bien. « Bizarrement, j’ai bien supporté la chimiothérapie et je n’ai ressenti aucun effet secondaire particulier. Ce n’était pas du tout ce qu’on m’avait dit, que j’allais perdre mes cheveux, que je serais malade, que je vomirais mes tripes… Toutes mes séances se sont bien passées », dit Jean-Marc Chiffonne. D’ailleurs, étonnamment, il avait même retrouvé l’appétit et son poids – sans reprendre des kilos – s’était stabilisé.
“On va se battre. Il faut garder la foi”
Cependant, le bilan par imagerie médicale qui suivra cette première phase de traitement, n’est guère optimiste. La tumeur est toujours aussi grosse et pas à la satisfaction du médecin qui lui annonce, donc, que 8 autres cures suivront. L’oncologue décide ainsi de changer les médicaments administrés, mais Jean-Marc préfère retarder le démarrage de son traitement car son fils doit prendre part aux examens du PSAC. « J’ai recommencé en janvier 2021. Et là, c’était pas la même chose », dit-il. Il prend de plein fouet les effets secondaires. « Pendant deux jours, je vomissais, je n’avais pas d’appétit, j’étais faible. Je n’étais vraiment pas bien. Et j’avais cette migraine permanente… », raconte-t-il.
À la fin de ces 8 autres séances de chimiothérapie, Jean-Marc Chifonne subit un nouveau scan. « Et là, on constate que le cancer est toujours là. Au niveau du foie, au niveau du colon. Fouf… », soupire l’employé de banque.
Si le découragement commence à pointer du nez, surtout lorsque l’oncologue lui annonce qu’il n’y a pas d’autre solution que celle d’opérer la tumeur au foie, Jean-Marc Chiffonne se reprend. « Je pensais à mon fils et je me disais non, on va se battre. On va faire ce qu’il faut », dit-il. Ce type d’intervention ne se pratique pas à Maurice et la tumeur au foie prenait 50% de l’organe! « Mais le Dr Sohawon m’a proposé deux options : les hôpitaux en Afrique du Sud ou en Inde », se souvient-il. S’il préfère la première option, il doit se rendre à l’évidence qu’avec la situation sanitaire face au Covid en Afrique du Sud, il doit se rabattre sur la deuxième option. « Cela, même si la situation en Inde n’était pas moins risquée avec le Covid. Mais les frontières pour l’indépendance étaient ouvertes. Donc, nous avons entamé les démarches et opté pour la clinique Fortis à Mumbai », dit-il.
“It’s a very
complicated case”
En quelques jours, le départ de Jean-Marc Chiffonne est finalisé. Son épouse l’accompagne. « Il fallait faire vite, positiver et, surtout, garder la foi », dit-il. Et d’ajouter « la foi est capitale dans ces moments là. J’étais croyant, mais pas pratiquant. Ma maladie m’a fait découvrir une autre manière de prier. Et la foi en Dieu m’a aidé à surmonter cette épreuve. Sans la foi, sans l’encouragement de mes proches, je n’aurais pas eu le courage », dit-il. À son arrivée en Inde, à l’hôpital Fortis, le médecin qui prend en charge le cas de Jean-Marc recommande de reprendre les analyses à zéro. « Il fallait tout refaire et cela m’a perturbé. Je comprenais, mais je me posais des questions. C’est alors que j’ai demandé au médecin : is it operable? Can it be done? Surtout que je savais que la grosseur de la tumeur – 50% du foie – était conséquente », raconte-t-il. Si le médecin concède que « it’s a very complicated case », il rassure le couple Chiffonne que « it can be done, don’t worry. »
11 heures en salle d’opération
La date de l’opération est fixée au 5 juillet. À 8h du matin, Jean-Marc est conduit en salle d’opération. Il y passera 11 heures. Une attente interminable pour son épouse, mais aussi pour ses proches ici à Maurice. « Je suis ressorti de la salle d’opération à 19h, comme quoi! », dit Jean-Marc. L’opération est réussie. La tumeur a pu être enlevée et Jean-Marc a survécu, même s’il a dû par la suite passer quatre jours en soins intensifs. « Le médecin m’a expliqué que 70% de mon foie ont dus être enlevés pour s’assurer qu’on enlevait la tumeur et qu’on ne laissait rien à côté. Mais le plus dur a été la période post-opératoire. Je souffrais le martyre », raconte-t-il. La convalescence durera un mois. « Ce n’était pas évident d’être un mois à l’hôpital, dans un pays inconnu, avec une culture différente, et surtout une alimentation qui ne fait pas toujours plaisir tous les jours », se souvient Jean-Marc Chiffonne.
Par la force des choses, mais surtout avec l’espoir que tout sera pour le mieux, le couple s’adapte néanmoins. « Chaque jour, chaque heure que je passais en clinique, je me confiais à Dieu. La prière a été mon refuge et aujourd’hui encore, c’est mon refuge car si nous n’avons pas la foi, on se laisse aller. Le plus dur était passé et il fallait se remotiver pour remonter la pente. » S’il connaît quelques complications post-opératoires, comme une jaunisse ou des inflammations, vite traitées, Jean-Marc rentre à Maurice en août dernier, avec une tonne de médicaments, mais se sentant en forme. « J’avais perdu du poids après l’opération. Je faisais 67 kilos et mis à part des douleurs au niveau du ventre, aujourd’hui encore, pour se lever, en raison de la chirurgie, j’étais et je suis bien. »
Plus rien
Sa visite à son oncologie à Maurice lui restera à jamais gravée en mémoire, dit-il. « Je savais que le plus dur était derrière moi, mais je ne savais pas ce que j’allais vraiment entendre. Mais lorsque le Dr Sohawon m’a vu et a regardé les résultats, il m’a dit : le cancer a disparu. Il n’y a rien. Plus rien. » Des mots qui résonnent encore et encore dans la tête de Jean-Marc et de sa famille qui s’attendaient au pire. Les différents tests effectués pour analyser son état de santé sont tous positifs, depuis l’année dernière jusqu’aujourd’hui. Pas de signe de cancer. « Il n’y a rien de méchant à signaler. Je me porte bien. J’ai guéri de mon cancer annoncé de stade 4. C’est incroyable, mais vrai! Certes, je dois prendre de nombreuses précautions pour qu’il n’y ait pas de récidive. Je ne suis pas en parfaite santé car j’ai besoin de beaucoup de repos, mais le cancer est fini. On l’a vaincu », dit Jean-Marc Chiffonne qui a repris le travail à la fin de l’année dernière. Pour sa famille également, c’est un soulagement. Aujourd’hui, après avoir vaincu la maladie, il veut à travers son histoire, « encourager ceux qui sont en plein cyclone face au cancer. Je leur dis qu’il ne faut pas baisser les bras et, surtout, il faut avoir la foi. Il y a la lumière au bout du tunnel. Aujourd’hui avec les dernières technologies et les médicaments de pointe, il faut garder espoir. Le cancer se guérit. »