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Camp-levieux : la colère des mères : « kifer mo zanfan bizin manz diri rasion ? »

Pendant que leur quartier s’embrasait jeudi dernier, des résidents de Camp-Levieux, principalement des mères de famille, nous expliquaient pourquoi la rue a fait écho à la colère des foyers.

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« Aster, nepli kapav dir travay gramatin pou manz tanto. Bizin dir travay gramatin pou pa manze tanto. Kifer mo zanfan bizin manz diri rasion ? Lisien mem pe manz kroket », lance une mère de famille amère. La colère de cette habitante de Camp-Levieux est égale à celle des résidents de son quartier. Cette dernière, âgée de 40 ans, dit ne pas comprendre pourquoi les prix des denrées alimentaires essentiels au supermarché du coin ne cessent de grimper, alors que sa pension de veuve de Rs 9 000 ne suffit plus à nourrir sa famille. « Dès qu’on met les pieds au supermarché, on est sur les nerfs. Si mo ena zis Rs 500 dan mo lame, ki ou le mo aste ar sa ? Lanti ek diri ? E-ou-la ! Enn pake disik inn vinn Rs 130, enn bar savon Rs 109 ? Kan nepli kone kot pou met latet, dimounn-la pou desann dan lari mem », dit-elle.

Sans se départir de sa colère, au moment où nous lui parlons, la mère de famille explique qu’elle n’a plus de céréales, de beurre, de lait, entre autres, dans son placard depuis plusieurs jours. « C’est les vacances, les enfants ont faim. Pou mo kal zot lafin, mo’nn aste enn gro pake chips konzele ki mo frir mo met dan zot dipin. Mo griy lafarinn pou nou manze. Mo fer dipin frir. Ala kouma mo fer ! Si mo pa ti res dan NHDC, mo ti pou kwi manze lor dibwa ! » Locataire, elle dit payer un loyer mensuel de Rs 4 000. « Avant, même si les denrées alimentaires avaient un certains coût, avec Rs 5 000, j’arrivais à faire des achats pour un mois », explique la résidente de Camp-Levieux. Pour joindre les deux bouts et assurer le repas de ses enfants scolarisés, dit-elle, elle fait le ménage chez des particuliers. « Matériel scolaire ? Ils disent qu’ils nous aident en donnant du matériel scolaire à nos enfants. Est-ce qu’un plumier, un dossier, cinq cahiers, deux crayons, une plume, une règle, une gomme et un taille-crayon suffisent comme matériel scolaire ? Apre zot tap lestoma zot dir zot inn distribiye materiel skoler », poursuit-elle.

« Mo griy lafarinn pou nou manze »

Une autre résidente de Camp-Levieux confie qu’elle doit compter sur sa mère, une pensionnée, pour l’aider à boucler ses fins de mois. Elle-même bénéficiaire du registre social, cette mère de 37 ans n’a pas les moyens, assure-t-elle, pour offrir de meilleures conditions de vie à ses enfants, dont un fils malade et en attente d’une intervention chirurgicale au cerveau. « Mon enfant doit consommer de l’eau minérale ou bouillie parce qu’il est malade et peut facilement attraper une infection. Je ne peux plus acheter de l’eau embouteillée. Je dois la faire bouillir. Ala gaz inn al ogmante. Kan mo gaz fini, ki mo pou fer ? » se demande-t-elle, de retour de la manifestation de jeudi dernier. « Je n’utilise plus de lingettes pour mon bébé. J’attends les promotions pour en acheter. Quant au fromage, une boîte coûte Rs 71 ! Je ne peux plus rien acheter pour mettre dans le pain des enfants », affirme la mère de famille. Elle perçoit une aide sociale mensuelle de Rs 3 200 et un support financier de Rs 1200 par le biais du registre social. La moitié de son revenu est consacrée à la location de la maison qu’elle occupe avec sa mère et ses enfants.

À Camp-Levieux, rappelle un autre habitant, des foyers vivent dans une précarité inquiétante. C’est le cas de V., 38 ans, mère de six enfants, âgés de 2 à 18 ans. Dans cette région qui s’est révoltée cette semaine, V. est un des visages de l’extrême pauvreté. Si elle ne s’est pas acquittée de son loyer (une pièce en tôle), au coût de Rs 1 500, c’est parce qu’elle n’a pas travaillé depuis quelques jours. Elle fait le ménage chez des particuliers qui ont l’habitude de faire appel à ses services. Son mari, invalide, ne travaille pas et le couple n’est pas inscrit sur le registre social. Ses enfants en bas âge ne boivent pas de lait. « Nou tou bwar dite pir », dit-elle. « Il y a quelques jours, j’avais Rs 150. Je me suis rendue au supermarché pour acheter du lait qui était en promo à Rs 195. C’était le prix le plus bas. Mo’nn bizin retourne. »

Pour manger, V. explique qu’elle se rend souvent dans les bois. Elle y ramène des branches sèches pour alimenter le foyer sur lequel elle prépare les repas de sa famille, des papayes et des brèdes. « Mo gagn bred souflet, bred sousou, bred malbar », dit-elle. La plupart du temps, c’est ce qu’elle en met dans le pain de ses enfants. Le pain, c’est une boutique de Camp Levieux qui lui en fournit. « Li donn mwa dipin ki reste », précise-t-elle. Jeudi soir, au moment où son quartier s’embrasait, elle préparait des dholl et une fricassée de bringelle pour le diner de sa famille, y compris son benjamin de deux ans.

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