BUDGET 2024-25 : Les attentes des foyers mauriciens face à la cherté de la vie

Que réserve le budget 2024-25 aux foyers ? Cette question sera moins floue lorsque le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, dévoilera les mesures du gouvernement pour le développement économique et social du pays, ce vendredi. Laura Lee, entrepreneure et propriétaire d’une enseigne dans un centre commercial, Dain Jahajeeah, enseignant dans un collège privé, et Rachelle, garde-malade, qui ne touche même pas le revenu minimum, partagent les mêmes préoccupations : la cherté de la vie. Tous les trois disent s’attendre que le gouvernement applique des mesures qui soulageront le budget en dépenses alimentaires des familles mauriciennes. Et mettre en application un mécanisme de contrôle de prix plus efficace. Parce que dans son village, un yaourt coûte Rs 25, Rachelle ne peut en donner comme elle le souhaiterait à ses enfants. De son côté, Dain Jahajeeah espère que l’exercice budgétaire apportera des initiatives qui permettront à la classe moyenne de remonter la pente. Quant à Laura Lee, elle sera attentive aux décisions liées à l’importation et l’entrepreneuriat.

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« Comme je suis une entrepreneure, je serai attentive aux mesures qui concerneront d’une part l’entrepreneuriat et d’autre part les femmes entrepreneures. Je suis également maman et consommatrice. Comme tous les Mauriciens, je suis inquiète par le coût élevé de la vie et des produits alimentaires. Notre corbeille souffre tous les mois, j’espère sincèrement que le gouvernement va adopter des mesures qui vont soulager notre cuisine », confie Laura Lee.

Formation en IAaux femmes entrepreneures
Pour l’entrepreneure, une baisse du prix de l’huile de cuisson soulagerait tous les foyers indistinctement. Propriétaire d’une enseigne d’accessoires faits main, entre autres, implantée dans un centre commercial, Laura Lee espère entendre le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, dévoiler un budget qui va principalement lutter contre l’inflation et dans son sillage attiser la croissance économique. « Le gouvernement doit contrôler l’inflation. Il en a la responsabilité. Dans un contexte où nos revenus disponibles ne sont pas réjouissants, il faut trouver un moyen pour arrêter la courbe ascendante de l’inflation et la dépréciation de la roupie », dit-elle. Laura Lee explique encore que l’inflation a rendu les importations des matières premières plus coûteuses.

En tant qu’entrepreneure, Laura Lee est contrainte, dit-elle, de se soumettre au tarif imposé et variable par les agences de fret. « Ce serait bien qu’au budget 2024-25 que le gouvernement puisse annoncer une mesure qui va renforcer le contrôle et maintenir les prix de l’importation. Cela s’applique aussi pour le prix des produits alimentaires. Les prix changent régulièrement. Un mécanisme crédible qui arrive à stabiliser les prix serait rassurant et bienvenu », note Laura Lee. S’agissant de l’accès au financement pour les entrepreneurs, cette dernière souhaite que l’imminent budget fasse provision pour une révision du taux d’intérêt sur les emprunts bancaires. Idem pour la période moratoire pour le remboursement.

D’autre part, Laura Lee croise les doigts pour que Renganaden Padayachy propose un programme d’accompagnement aux petits entrepreneurs, dont les femmes, pour les initier à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) comme outil de support dans leurs entreprises. « Je fais partie d’une génération qui ne maîtrise pas l’intelligence artificielle, notamment générative. L’IA est présente partout et j’ai besoin des réseaux sociaux pour la visibilité de mon business. Les influenceurs demandent jusqu’à Rs 10 000 par post sur les réseaux sociaux. Ce qui est très cher. Si nous avions accès à une formation, nous pourrions utiliser l’IA et ne pas rester à la traîne en termes de marketing », explique Laura Lee.

Une mesure qui donne aux femmes entrepreneures la possibilité de se familiariser à l’IA, dit-elle, va contribuer au dynamisme de leur entreprise dans le secteur économique. Des outils d’IA peuvent les aider, laisse-t-elle entendre, à automatiser la gestion des réseaux sociaux. « Actuellement, je galère pour être présente en ligne », concède Laura Lee.
Enseignant dans un collège privé subventionné par l’État, Dain Jahajeeah, 38 ans, souhaite que l’exercice budgétaire de vendredi soit porteur d’espoir pour sa profession. « Parce que le salaire de base n’est pas attractif. Les jeunes ne s’intéressent plus comme avant à l’enseignement », dit-il. Dain Jahajeeah dit espérer que le gouvernement annoncera à travers le Grand Argentier un réajustement salarial qui reboostera l’ensemble de sa profession et corrigera une injustice. « Comme on le sait, avec l’amendement de l’Education Act, le PGCE est devenu obligatoire pour enseigner dans les collèges .

Un aspirant enseignant doit consacrer cinq ans de sa vie à des études avant de commencer une carrière avec un salaire de base peu attrayant. Actuellement, celui-ci est de Rs 27 400. Un jeune qui travaille dans un centre d’appels dans la cybercité peut toucher jusqu’à Rs 40 000 par mois. Pourquoi faire toutes ces années d’études pour un degree et un PGCE, et finir avec un petit salaire ? Et de l’autre côté, quelqu’un qui n’a pas fait d’études supérieures a droit à un minimum de revenu garanti, mérité je le conçois, de Rs 18 500 », dit l’enseignant.

Un salaire de base de Rs 47 000 aux enseignants
Pour Dain Jahajeeah, le ministre des Finances marquera le coup s’il annonce un salaire de base de Rs 47 000 pour le corps enseignant. « Un ingénieur civil qui prend de l’emploi après quatre ans d’études démarre avec un salaire de Rs 44 000. Mes attentes pour un enseignant débutant sont raisonnables. Si le gouvernement veut éviter la fuite des cerveaux, il doit encourager les jeunes à travailler au pays en leur proposant un salaire attractif et décent », souligne ce dernier.

Dain Jahajeeah, marié, est également père d’une fille de huit ans. Les dépenses pour les besoins domestiques, confie-t-il, prennent chaque mois l’ascenseur. « Depuis l’épisode du Covid-19, mon pouvoir d’achat, comme celui de quasiment tous les foyers mauriciens, ne cesse de diminuer. Malgré les efforts déployés dans le précédent budget avec notamment les Rs 1 000 de la CSG Income Allowance et de la MRA Loan Allowance respectivement, on ne s’en sort pas pour autant. J’aurais souhaité que le gouvernement présente des mesures qui vont aider les foyers à réduire leurs dépenses en frais d’Internet, de carburant… Mon épouse et moi avons nos voitures respectives pour nos déplacements professionnels, le carburant absorbe notre budget. Que ce budget nous soulage ! Komision kout ser. Tou zafer pe monte. Pena kontrol lor pri. Kadi pe bese me depans pe ogmante. »

« Nous demandons simplement qu’on améliore nos conditions de vie. Je ne pense pas que ce soit impossible. C’est le gouvernement même qui a dit que notre économie se porte bien. J’espère que ce budget prendra en compte la classe moyenne. Celle-ci n’avance pas, alors que les riches s’enrichissent. Avez-vous vu le nombre de voitures de luxe sur nos routes ? La moitié de la population fait partie de la classe moyenne. Non seulement nous devons dépenser un peu plus chaque jour, mais nous ne pouvons pas faire des économies, prévoir pour notre santé, une situation d’urgence », explique l’enseignant. Il confie également s’attendre que le budget 2024-25 prévoie de nouveaux subsides sur des produits alimentaires de base.

« Pa posib enn yaourt Rs 25 ! »
Rachelle (nom modifié), 35 ans, en instance de séparation, devra trouver une maison pour y aller vivre avec ses trois enfants dont elle va devoir assumer entièrement leur responsabilité. Pour l’instant, elle ne paye pas la modeste maison en tôle qu’elle occupe dans un quartier en retrait d’un village du sud-est. Avec son salaire de Rs 10 000, Rachelle, « garde-malade », explique qu’elle a du mal à nourrir ses enfants comme elle l’aurait souhaité. « Je fais de mon mieux pour donner ne serait-ce qu’un yaourt le plus souvent que je peux à mes enfants. Mais si le 7 juin le gouvernement peut au moins dire à la population que désormais il y aura un contrôle sur le prix des produits alimentaires y compris les fruits, croyez-moi, il fera un grand bien à de nombreuses familles. Li pa posib ki pri enn yaourt Rs 20, parfwa Rs 25 dan landrwa kot mo reste parski nou lwen ar tou ! » déplore la mère de famille.

Et de faire le calcul : « Je donne un yaourt à chacun des enfants deux fois par semaine. Ce qui me fait Rs 150. Par mois, je dépense Rs 600 en yaourt. Les fruits me reviennent à Rs 300 par semaine, donc Rs 1200 par mois. Je ne touche que Rs 10 000 et Rs 2 000 pour mon transport ! Partou pe vann enn bwat fromaz Rs 80. Kot mwa vann-li Rs 125. Avek trwa zanfan, enn bwat fromaz pa fer de zour. » Rachelle explique encore qu’avec la flambée des prix, elle ne peut se permettre de varier le pain de ses enfants pour aller à l’école. « C’est devenu un casse-tête. Komie fwa pou avoy zot lekol ek zis diber pistas dan dipin ? J’espère que ce budget va apporter un peu de soulagement à notre porte-monnaie », dit Rachelle.

Cette dernière, qui s’apprête à vivre seule, explique qu’elle tient à être autonome financièrement. « Je travaille, mais je voudrais monter un projet d’empowerment économique pour les femmes. » Toutefois, cette épreuve, confie-t-elle, lui fait prendre conscience que des femmes dans sa situation, avec peu, voire pas de moyens, n’ont aucun recours pour être accompagnées dans leur projet d’autonomie financière. « Ce budget se démarquera s’il vient avec un scheme à l’intention des femmes qui ont besoin de prendre en charge leur famille, qui ont des idées, de la volonté et qui ne veulent pas de l’assistanat, mais de soutien pour avancer. Mo ti pou kontan si vinn ek enn propozision pou ed bann fam ki, zot tour, zot kapav kre lanplwa pou lezot fam », espère Rachelle.

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