Assises de l’industrie : Le ministre Aadil Ameer Meea tire à boulets rouges sur l’EDB

« Pas grand-chose de fait en dix ans et nous avons perdu des parts de marché »,

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 Le ministre de l’Industrie a mis les points sur les i et n’a pas ménagé ses critiques envers l’Economic Development Board, à l’ouverture des Assises de l’Industrie, organisées par le ministère de l’Industrie, hier matin, en présence de nombreux opérateurs industriels et de représentants de certaines institutions, incluant ceux de l’EDB. Il a clairement fait comprendre qu’il n’est pas satisfait de la performance de cet organisme eu égard au secteur manufacturier, sachant que ces Assises de l’Industrie ont été organisées justement pour « identify root causes that are hindering industrial growth, and elaborate on short and medium term remedial actions. »

Le ministre de l’Industrie s’est dit inquiet de la situation dans le secteur manufacturier, surtout avec des investissements qui stagnent depuis plusieurs années et aucun nouveau pôle de croissance créé. « I am very worried about the state of affairs prevailing in the manufacturing sector, and I am sure many of you are of the same opinion. But I will not play the blame game, as we have now a new team playing another game, and we are determined to make a turnaround. It is time for change and reverse an alarming situation for a more prosperous manufacturing sector », a-t-il déclaré.

 Le ministre Ameer Me​ea avance que beaucoup d’associations et d’opérateurs ont exprimé le souhait pour un Re-Engineering du secteur manufacturier. « Lorsqu’on regarde les chiffres on réalise que l’industrie a reculé. S’il n’y avait pas eu la dépréciation de la roupie, beaucoup d’entreprises auraient déjà fermé leurs portes. Je ne considère pas cela comme un business model. Au gouvernement, nous ne croyons pas dans la politique de continuer à déprécier la roupie. Il faut absolument réindustrialiser le pays, avec des investissements qui soient beaucoup plus productifs. Nous ne pouvons pas continuer à nous fier de la dépréciation de la roupie », dit-il. Il a promis d’être à l’écoute constante des opérateurs et de leurs difficultés, incluant la pénurie de main-d’œuvre. Il a mentionné le comité interministériel présidé par Reza Uteem, ministre du Travail, qui présentera bientôt ses recommandations concernant la main-d’œuvre.

Évoquant une Investment & Promotion Agency pour le secteur manufacturier, Aadil Ameer M​eea n’a pas caché son agacement face aux journalistes qui l’interrogeaient à l’issue de la cérémonie d’ouverture. « Dans le monde entier, à Singapour ou à Dubayy, en Corée, cette institution tombe sous la tutelle du ministre concerné, alors que chez nous, la promotion du secteur tombe sous l’EDB et quand on regarde les résultats, pendant dix ans, il n’y a pas eu grand-chose de fait… Au contraire, nous avons perdu des parts de marché. Ce genre d’organisme doit pouvoir être dirigé par le ministère de tutelle, qui pourra aller à la recherche de pays amis qui seraient disposés à nous aider. » 

Il n’a pas manqué de faire allusion à la défunte MEDIA (Mauritius Export Development and Investment Authority), la création d’un tel organisme serait à l’étude. « The institution was the key driver for investment and export promotion which led to the successful industrial development process of the country that took place in the 1980s and 1990s and on which, we are leveraging today to uphold our manufacturing strengths », dit-il encore.

Salle d’aérogare

Aadil Ameer Meea indique qu’il aura des discussions avec le ministère des Finances, car « nous devons avoir un organisme qui soit efficace.  Malheureusement, l’EDB est aujourd’hui comme une salle d’aérogare, avec plusieurs comptoirs. Ce n’est pas possible. Leur focus n’est pas sur l’industrie. L’EDB ne se concentre que sur l’immobilier de luxe et le secteur financier. Et les chiffres le prouvent. Mais c’est clair que nous avons besoin d’un organisme dédié au secteur industriel afin d’amener les résultats voulus. » Il dénonce le fait que « the Economic Development Board has not been able to successfully fulfil its responsibility to adequately and aggressively promote Mauritius as a competitive manufacturing base. There is a perception that the institution is more focused in promoting other economic sectors such as Real Estate and Film Production at the expense of other productive sectors. »

Le secteur manufacturier représente un maillon clé de l’économie, mais le constat actuel n’est pas réjouissant, devait mettre en exergue Aadil Ameer Meea. « The picture is not rosy. Over the past decade, the size of the industry has contracted, real domestic exports have plummeted, foreign direct investment in the manufacturing sector has slowed down, and no new growth poles have emerged to lead us to the next level of industrial development. In fact, we are still depending on the very few traditional sectors and a limited export basket to trade internationally, whilst we know that our market shares are being gradually eroded. »

Situation compliquée

En parallèle, les industriels locaux doivent faire face à toutes sortes de menaces et de nouveaux défis, incluant la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les tensions géopolitiques et la politique protectionniste du gouvernement américain, sans oublier la flambée du prix des denrées de base et des coûts de production localement, entre autres. « I admit that it is not an easy task to advance within such a complicated situation, the more so that there is lack of visibility on the long-term perspectives. »

Aadil Ameer Meea a évoqué l’expiration de l’AGOA en septembre ; « I think we need to be patient on this delicate matter as we understand that the new US Administration has other priorities to look into at this point in time », tente-t-il de rassurer en évoquant  que les efforts de lobbying se poursuivent.

Poursuivant avec les défis auxquels fait face le secteur manufacturier, il a mentionné les infrastructures, soutenant que très peu a été fait ces dix dernières années pour la mise sur pied de parcs industriels modernes. Revenant sur la pénurie de main-d’œuvre, il concède que ce phénomène impacte lourdement les Delivery Schedules, que dans certains cas, des plans d’expansions ont dû être mis au frigo et que les nouveaux investisseurs se montrent « somehow reluctant to venture in viable projects ». Il a promis que le comité interministériel s’assurera que les permis de travail soient délivrés dans un délai raisonnable.

(Encadre 1)

Guillaume Dalais, Group Chief Executive de Ciel :

« Nous restons ancrés à Maurice »

« Nous sommes là parce que le secteur manufacturier est important pour Maurice. Nous avons toujours été un promoteur de ce secteur à travers le textile, mais aussi à travers d’autres activités, principalement à l’export. Nous croyons en l’avenir de ce secteur. Actuellement, nous sommes dans un environnement où il y a beaucoup de changements au niveau mondial, que ce soit sur les stratégies de sourcing ou sur la digitalisation avec l’IA, donc certainement il y a quand même beaucoup de challenges.  

« Nous devons travailler pour attirer les investisseurs et les clients étrangers, et nous assurer que Maurice reste attractif pour ces clients, pour qu’ils passent leurs commandes à Maurice ou qu’ils viennent investir dans ce secteur à Maurice. Alors, c’est vrai que nous avons décentralisé une partie de nos opérations de manufacture par rapport aux besoins de nos clients étrangers, mais nous restons ancrés à Maurice. »

(encadre 2)

Amédée Darga :

« L’industrie doit être relancée et consolidée »

« Le ministre a pris une excellente initiative de faire ces Assises et il a effectué une très bonne analyse du secteur de l’industrie locale, qui doit être relancée et surtout consolidée. L’investissement étranger dans le secteur industriel doit également être relancé pour que l’industrie, d’ici cinq ans, retrouve les beaux jours qu’elle a connus dans le passé. Il faut tenir compte du fait que nous avons déjà négocié beaucoup d’ouverture de marché ​avec la Chine, l’Inde​, le Pakistan et d’autres pays.

« Nous avons donc de grandes opportunités, mais il faut aller chercher les industriels étrangers qui sont intéressés à investir à Maurice et créer les conditions pour qu’ils voient en Maurice un espace attrayant pour leur investissement. Nous sommes dans la bonne direction et le ministre a donné le bon ton. »

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