Le 2 janvier 1968, une pirogue avec un homme et six enfants à bord a dérivé toute une nuit au large d’Albion. Brigitte Ramgapanaiken, qui n’avait alors que huit ans, se souvient de cette mésaventure.
« Le 2 janvier 1968, vers 16h, mon oncle Philippe Arokeum qui habitait The Mount, à deux kilomètres du village de Pamplemousses, avait quitté Bain-des-Dames en bateau en compagnie de ses neveux et nièces, Marie Marjolaine Arokeum (9 ans), Jeanine Arokeum (7 ans), Jacques Michel Arokeum (2 ans), Louis France Perriah (8 ans) et Gabriel Perriah (10 ans) et moi-même. Nous étions aux anges mais moins d’une heure après, la voile du bateau s’est déchirée. Mon oncle Philippe n’avait pas d’autre choix que d’avoir recours aux rames. Mais en raison de la force du vent et du courant, l’embarcation allait à la dérive », relate Brigitte Ramgapanaiken.
Et leur calvaire ne faisait que commencer. Il commençait alors à faire nuit. Une nuit sans lune. Et la pirogue n’avait pas de phare. Ils ont tous commencé à paniquer. Brigitte poursuit son récit : « Nous commencions à réclamer la présence de nos parents qui, à ce moment-là, n’étaient pas au courant si nous étions en mer pour une sortie. Le vent soufflait très fort. Nous ne pouvions pas garder notre sang-froid car nous n’arrivions pas à maîtriser la situation. Nous nous sentions de plus en plus inconfortables. Notre embarcation pouvait chavirer à n’importe quel moment. Nous avions eu très peur. On surveillait les moindres mouvements de notre oncle Philippe. »
Ses cousins et elle étaient désemparés et impuissants, ils pleuraient. Ils avaient faim et soif et il n’avait rien à bord pour avaler. Et comble de malchance, ils ont commencé à avoir le mal de mer. Son oncle Philippe n’avait qu’un souci ; faire en sorte que la pirogue n’aille s’écraser contre des récifs.
Mais par chance, un avion appartenant à la famille Lagesse traversait dans le ciel. « L’embarcation s’éloignait peu à peu de Maurice et nous n’étions pas loin de l’île de La Réunion », se souvient Brigitte.
On était déjà le lendemain, un jour nouveau pointait à l’horizon. « Nos parents et leurs proches n’étaient pas restés inactifs. Ils avaient multiplié les démarches et avaient prévenu les autorités policières qui ont, par la suite, effectué des recherches. Le bureau du port aussi avait été alerté un peu tard. »
Le 3 janvier 1968, à 8h30, le capitaine David qui en était à sa première sortie de sauvetage quittait le port avec sa grande expérience pour aller secourir toute la bande entassée dans la pirogue, la voile complètement déchiquetée par le vent. Arrivé près de l’embarcation, le capitaine Norman devait l’accrocher avant de mettre le cap sur le port, ses passagers pouvant enfin reprendre leur souffle.
Après quelques photos avec les rescapés, l’ancien maire de Port-Louis, Razack Mohamed, très heureux de ce dénouement, a fait le nécessaire pour que les rescapés puissent avoir les premiers soins à l’hôpital Jeetoo. « C’était la joie, malgré la fatigue, surtout lorsque nous avons retrouvé nos proches. »
Tout émue, Brigitte raconte à Le-Mauricien qu’elle n’arrête pas de revivre cette situation aujourd’hui encore. Elle revoit les circonstances dans lesquelles ses frères et ses cousins ont lutté pour leur survie.
Cette mésaventure qui aurait pu tourner au drame ne quittera jamais la mémoire de Brigitte, âgée aujourd’hui de 62 ans. « Nous avons frôlé la mort. Je me rends souvent compte aujourd’hui à quel point nous sommes fragiles et que la mort peut nous surprendre à tout moment. C’est une leçon que je partage avec mes deux fils Giovanni (43 ans) et Luciani (37 ans). »