Si la sécheresse n’occupait pas l’actualité, l’on n’aurait pu deviner l’étendue du problème d’eau dans le pays, à la vue des légumes et autres fruits disponibles à la foire de Curepipe, en ce début d’année. Il faudrait en profiter car les grosses averses se font attendre et le soleil ne fera pas de cadeau aux planteurs.
Les premières activités maraîchères de la nouvelle année au Forum de Curepipe ont débuté sur une image d’abondance et une note colorée, mercredi dernier. Pourtant, en ce jour où se tient traditionnellement la foire hebdomadaire, malgré la disponibilité d’une belle variété de produits agricoles et de saison sur les étals, la crainte d’une pénurie de légumes occupe l’esprit des maraîchers et des consommateurs. À première vue, la qualité des produits vivriers lors des dernières récoltes n’aurait pas été grandement affectée par la chaleur ainsi que la sécheresse qui sévit actuellement dans le pays. Mais qu’en sera-t-il dans les jours à venir? Les maraîchers rencontrés affichent le pessimisme. L’impact de la sécheresse pourrait se faire sentir lors des prochaines récoltes. “Nos prix n’ont pas beaucoup augmenté, comme cela avait été annoncé”, dit un marchand de piments. “Nous avons eu des difficultés à trouver de la main d’oeuvre pour faire la récolte, mais comme les consommateurs peuvent voir sur place, nos prix sont corrects”, dit-il. Devant lui, des piments verts de toutes les tailles et de gros piments rouges éclatants.
Malgré l’état déplorable du Forum – structure qui est bien loin d’être à la hauteur d’accueillir une foire maraîchère et la vente de vêtements – il reste le seul lieu de foire mis au service des Curepipiens et des habitants des régions avoisinantes. Si en temps normal, c’est-à-dire les mercredis et les samedis, le public a accès à la foire grâce à des bus qui font la navette entre la gare de Curepipe et le Forum, mercredi dernier, ceux-ci étaient rares. Pour bon nombre de Mauriciens, l’humeur était encore à la fête et la reprise démarrait au ralenti.
Des prix abordables
Mila, maraîchère, relate qu’elle n’a pas changé ses habitudes. Les légumes de sa serre et de son jardin à Camp-Fouqueraux étaient déjà sur son étal à 6h. Depuis que son père, trop âgé pour s’occuper de la vente des récoltes de ses différentes cultures ainsi que de ses plantations, Mila a pris la relève à la foire. “Je ne m’y étais pas destinée. Mais je ne peux pas faire autrement, car mon père n’est plus en mesure de travailler et il faut bien assurer notre activité”, dit-elle. Ayant évolué dans un milieu agricole, Mila est dans son élément derrière son étal. Elle sert aux clients des petits concombres anglais de sa serre, et aussi des papayes qui proviennent de chez un autre producteur. À Rs 15 le concombre, le prix défie celui des supermarchés, deux à trois fois plus cher. D’ailleurs, en matière de prix, il n’y a pas photo, acheter ses légumes au marché ou à la foire revient moins cher qu’en grande surface. À mercredi, le prix (Rs 20) d’un poivron était deux fois et demi, moins cher que celui dans les rayons des grandes enseignes. Idem pour la courgette, le giraumon, les bringelles, la patate douce, le chou, la calebasse ou les herbes fines.
Letchis en abondance
Les letchis, de toute fraîcheur, en abondance également dans de grands paniers par terre ou sur les étals, donnaient le tournis aux amateurs qui voulaient en profiter encore. 2022 semble avoir été une bonne année pour ce fruit qui fait partie de notre folklore estival. Si au forum, les marchands de fruits en proposaient à Rs 75 voire Rs 50 la livre, ailleurs en bordure de route devant l’incontournable verger de Beaux-Songes, des letchis se vendaient à Rs 150 et Rs 200 la livre. Les mangues, en provenance de Médine pour certaines, même les plus belles, lisses et fermes, n’avaient pas la même cote auprès des consommateurs que les letchis. Dans pas longtemps, l’arille pulpeuse et juteuse à la peau rugueuse ne sera plus sur les étals, les longanes prendront le relais, tandis que les pommes, bananes, oranges, kiwis et raisins seront toujours au rendez-vous.