Les manifestations officielles marquant le 50e anniversaire de l’arrivée à Port-Louis des derniers exilés de l’archipel des Chagos, littéralement jetés sur le quai, ont constitué la plateforme pour la démonstration de la solidarité des îles de l’océan Indien à la cause des Chagos.
La Réunion était présente le week-end dernier avec une forte délégation, mais surtout se signalant avec la proposition de soumettre le nom du Groupe Réfugiés Chagos et des Chagossiens pour le Prix Nobel de la Paix. Rodrigues a également tenu à réaffirmer son soutien à la juste cause des Chagossiens, privés de leurs terres natales depuis un demi-siècle déjà. Tout cela au-delà des témoignages, parce qu’ils sont partie prenante sur le terrain de la revendication.
Les Réunionnais étaient présents en force samedi dernier à la cérémonie de commémoration du 50e anniversaire de la déportation des derniers Chagossiens à Maurice. Gilbert Annette, du Parti Socialiste réunionnais, et Maurice Gironcel, du Parti Communiste, en parlent brièvement.
Le Mauricien : Qu’est ce qui explique votre présence à cette cérémonie de commémoration ?
Gilbert Annette : Je suis invité par Olivier Bancoult, que j’ai connu depuis des années et que j’ai soutenu dans ce travail de résistance. Je veux bien m’imprégner de cela pour transmettre des leçons qui découlent de cette lutte politique.
Au moment où l’action politique est un peu brouillée et bafouée, c’est bien un exemple de l’efficacité du combat politique. Il y a une leçon qui est magnifique. Il y a eu des grands combats pour la décolonisation des peuples vietnamiens et algériens, mais personne n’a combattu de manière ininterrompue pendant 50 ans. C’est exceptionnel cette lutte menée dans la durée pour corriger une injustice de la part d’une grande puissance coloniale.
Est-ce que, pour le Réunionnais que vous êtes, ce combat inspire ?
Certainement beaucoup. Souvent, les gens renoncent à relever des défis parce qu’ils ne s’imaginent pas, malgré la justesse de leurs causes, qu’ils peuvent gagner. Le fait de penser que l’on peut gagner est important. Mais il y a surtout l’idée d’endurer des efforts et des souffrances longtemps. L’idée est d’accepter de souffrir longtemps pour atteindre son objectif. C’est cela la clé de la réussite.
Poursuivez-vous votre engagement politique ?
Moi, j’aurais bientôt 80 ans. Je compte animer un centre de formation de cadres politiques pour valoriser l’engagement politique. Je leur conseille de ne pas écouter les mauvaises graines. Je pense à ces jeunes qui sont des militants, mais qui ne mesurent pas l’importance et la belle perspective du combat politique.
À La Réunion, je milite contre l’opération montée par le gouvernement français à Mayotte. Je trouve scandaleuse la méthode utilisée par le ministre de l’Intérieur. C’est une démarche déshonorante. C’est un abus de pouvoir. On bafoue le droit du sol. Certains élus ont des réflexes à court terme. C’est très dangereux. On est en train de semer la haine à Mayotte. Le remède est pire que le mal. Nous sommes devant une décolonisation incomplète des Comores. Pour moi, il n’y a pas de développement de Mayotte et pas de paix à Mayotte sans le développement des Comores.
Le parti socialiste soutient-il la cause chagossienne ?
Le Parti socialiste français et réunionnais soutient à fond la lutte chagossienne. Il y a eu un abus dans l’euphorie de l’indépendance de Maurice. Nous-même, à La Réunion, nous avons un département qui n’est pas tout à fait décolonisé dans les têtes.
Pour Maurice Gironcel, membre du Parti communiste réunionnais et maire de Sainte-Suzanne, la lutte chagossienne a connu une avancée extraordinaire.
« Je suis là parce que je connais depuis de très longue date mon ami Olivier Bancoult. Nous avons, à l’époque avec Paul Vergès, travaillé pour faire reconnaître la dignité du peuple chagossien. Lorsqu’il y a eu déportation des Chagossiens à Maurice, en Angleterre et aux Seychelles, Paul Vergès a soutenu le Groupe Réfugiés Chagos. Tous les ans à La Réunion nous accueillons Olivier Bancoult avec une délégation. La dernière rencontre a eu lieu pour le lancement du livre de Philippe Sands, à Saint-Denis. Nous avons fait connaître le combat du peuple chagossien. Aujourd’hui, il y a eu des avancées extraordinaires. Olivier Bancoult et son équipe ont réussi à faire en sorte que le peuple ne soit pas oublié. Aujourd’hui, Maurice, menée par son Premier ministre, Pravind Jugnauth, avec les Chagossiens, revendique l’archipel. C’est formidable ! » dira-t-il.
D’où est venue l’idée de présenter le Groupe Réfugiés Chagos au Prix Nobel de la Paix ?
L’idée nous est venue à l’occasion de notre dernière réunion à l’université de Saint-Denis. Après discussions, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il n’y a aucune raison pour que nous ne présentions pas le mouvement chagossien et ses membres pour le Nobel de la Paix. L’idée nous est venue naturellement.
En tant que militants, nous sommes pour le respect de droit humains et des différents peuples. La façon que cela a été fait par les Britanniques est inhumaine, et cela constitue un crime contre l’humanité. Le combat qu’ils ont mené peut aujourd’hui avoir des échos dans d’autres pays.
Christian Raboude, directeur du Centre Carrefour, à Rodrigues, a aussi fait le déplacement, et a voulu témoigner l’affection et la solidarité des Rodriguais aux Chagossiens.
« Il n’y a pas de petit peuple. Tout peuple a sa valeur. Il faut savoir le respecter. La solidarité joue beaucoup. Lorsqu’il y a une solidarité, les choses avancent plus vite. Je suis invité par le Groupe Réfugiés Chagos. Le Centre Carrefour a toujours soutenu la lutte des Chagossiens, non seulement dans les moments de douleur, mais aussi dans les moments décisifs. Nous avons déjà signé des pétitions en faveur des Chagossiens. Cela a commencé avec Antoinette Prudence. Je suis là pour témoigner notre affection et notre solidarité dans un esprit de fraternité », fait-il ressortir.