31e Session du Comité des droits des Personnes Handicapées de L’ONU : Maurice encore critiquée pour ses lacunes

La 31e session du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, tenue la semaine dernière à Genève, a placé Maurice sous les projecteurs internationaux, mettant en évidence des manquements persistants dans l’application des droits des personnes en situation de handicap.

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Malgré les efforts déployés par le gouvernement mauricien pour présenter un rapport positif, la réalité décrite par les associations locales, s’appuyant d’ailleurs sur le Shadow Report soumis par la Voice of Disabled People International (VDPI) et les critiques des experts de l’ONU révèlent de nombreuses lacunes.
L’accessibilité reste un sujet particulièrement préoccupant à Maurice. La réserve que le pays a émise concernant l’article 9 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui traite spécifiquement de ce sujet, a été fermement critiquée par les experts de l’ONU. Selon ces derniers, cette réserve est interprétée comme un manque de volonté politique de la part du gouvernement mauricien. Et les membres de Voice of Disabled People International (VDPI) expriment leur déception face à une approche gouvernementale qu’ils qualifient de « fragmentaire ». « Il nous manque une vision cohérente pour les personnes handicapées. Tout est fait in bits and pieces », déplorent-ils.

Une approche « In Bits and Pieces »
En matière de transport, la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, a mis en avant l’introduction des bus « Semi-Low Floor » et du Metro Express. Cependant, ces mesures sont jugées insuffisantes par les associations locales. « Les bus semi-low floor ne sont pas accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Nous avons besoin de véritables low-floor buses et de trottoirs aux normes internationales pour une inclusion réelle », rétorque un membre d’une ONG locale.

Les infrastructures encore inadaptées
Le manque d’accessibilité va au-delà des moyens de transport. Les infrastructures touristiques, par exemple, sont loin de répondre aux besoins des personnes en situation de handicap. « Nous avons peut-être des parkings et des toilettes accessibles, mais comment accéder à la mer ? Les personnes handicapées sont laissées de côté, sans rampes adéquates ni équipements comme les Water Wheels », s’indignent les principaux concernés.
Cette situation reflète un problème plus large : l’absence d’une stratégie nationale intégrée pour améliorer l’accessibilité dans le pays. Les critiques visent également l’inefficacité du quota de 3 % imposé aux entreprises pour l’embauche de personnes handicapées. Selon les associations, le gouvernement devrait d’abord donner l’exemple en intégrant les personnes handicapées dans le secteur public, notamment via le télétravail.

Le Shadow Report : une réalité peu reluisante
Le Shadow Report soumis par la VDPI a exposé d’autres insuffisances majeures dans le cadre juridique mauricien. Bien que la loi sur la Protection et la Promotion des Droits des Personnes Handicapées de 2024 soit considérée comme un progrès, le fait que le comité de surveillance soit présidé par un représentant du ministère suscite des inquiétudes. « Comment peut-on espérer une supervision indépendante avec un tel cadre ? », se demandent les observateurs.

Les allocations financières allouées aux aidants, notamment la Carer’s Allowance de Rs 3 500, sont également jugées dérisoires face à l’augmentation du coût de la vie. Cette somme est largement insuffisante pour couvrir les besoins des personnes handicapées et de leurs familles, selon les associations locales.

Un appel à plus d’engagement politique
Alors que la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo appelle à la patience et souligne les contraintes budgétaires pour justifier la lenteur des avancées, les experts de l’ONU insistent sur l’importance d’un engagement politique plus fort. Le manque de dialogue avec les parents d’enfants handicapés, la faible accessibilité des infrastructures publiques et l’absence d’une échéance claire pour la levée de la réserve sur l’article 9 sont autant de signes que Maurice a encore un long chemin à parcourir.

La session de Genève a montré que Maurice reste en retrait par rapport aux standards internationaux. À l’heure où la communauté internationale met en avant les droits humains, Maurice semble encore trop éloignée des standards universels, en dépit de ses engagements sur la scène internationale. Les personnes handicapées continuent de vivre dans un environnement où leur inclusion est partielle, et leurs droits, souvent ignorés.

Un long chemin à parcourir
Bien que des avancées législatives aient été réalisées, comme l’adoption de la loi-cadre sur les droits des personnes handicapées, les acteurs sur le terrain soulignent que ces mesures restent insuffisantes pour une inclusion réelle. « Il reste encore un long chemin à parcourir », estiment les membres des diverses associations oeuvrant pour le bien-être des personnes en situation de handicap. Il ressort aussi que malgré quelques efforts, les personnes handicapées à Maurice continuent de faire face à une exclusion systématique et à une absence de consultation réelle sur les décisions qui les concernent directement.
Hors-texte 1

Handicap
Focus sur quatre associations
A l’heure où les Jeux Paralympiques se tiennent à Paris, les quelque 4 000 athlètes qui y participent ne manquent pas de nous impressionner par leur force de caractère, leur courage et la persévérance dont ils font preuve pour vivre leur sport. Ils sont un témoignage vivace de ce qu’un être humain est capable de faire, handicap ou pas, s’il a de la volonté et le soutien nécessaire.
L’Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dit ceci : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Tous les êtres humains ont ainsi droit à une education de qualité, la formation, la santé, l’emploi et la liberté de vivre sans avoir à faire face à la discrimination.

A Maurice, plusieurs associations s’engagent au quotidien pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, qu’il soit moteur, visuel ou intellectuel, et les accompagner pour faciliter leur accès à l’éducation, la formation et la santé pour qu’elles aient les moyens, elles aussi, d’apporter leur contribution à notre société. Focus sur quatre d’entre elles :
Global Rainbow Foundation : améliorer la mobilité des personnes avec un handicap et faciliter leur accès aux services de santé

La Global Rainbow Foundation (GRF) a été fondée en novembre 2011 pour être au service des groupes les plus vulnérables, en particulier des personnes en situation de handicap. La GRF agit pour améliorer la mobilité des personnes avec un handicap grâce à la fourniture de prothèses; faciliter l’accès des personnes en situation de handicap aux services de santé ; promouvoir les droits des personnes handicapées, leur inclusion dans la société et le renforcement de leurs capacités pour les rendre plus autonomes.

De 2019 à 2023, la GRF a mis en œuvre le projet Enable Mauritius – Leave no one behind avec le soutien financier de l’Union européenne pour fabriquer des prothèses, organiser des ‘camps médicaux’ dans différentes localités et mener des actions de plaidoyer.

« Chez GRF, nos efforts ont contribué de manière significative à l’avancement des droits des personnes handicapées, notamment à travers le nouveau projet de loi sur les droits des personnes handicapées adopté par le gouvernement mauricien en décembre 2023.

Cette législation historique est centrée sur la lutte contre la discrimination dans l’emploi, une question clé que de nombreux défenseurs des droits des personnes en situation dehandicap ont défendu avec passion depuis des années. Nous adressons nos plus sincères félicitations à ces personnes dévouées », dit Kannen Rooben, directeur général de la GRF. Selon lui, les dispositions du projet de loi s’alignent étroitement sur les objectifs que nous avons défendus à travers le volet ‘droits des personnes handicapées’ de notre programme Enable Mauritius – Leave no one behind soutenu par l’UE de 2019-2023. « Alors que nous travaillons à l’éradication de la discrimination envers les personnes handicapées dans les lois mauriciennes, nous devons également nous efforcer de lutter contre les préjugés dans nos cœurs et nos esprits. Nos collaborations continuent avec des entreprises et des groupes d’employeurs visent non seulement à garantir le respect des nouvelles lois anti-discrimination, mais également à renforcer l’inclusivité globale de notre société. Des efforts tels que l’apprentissage de la langue des signes et la création de locaux plus accessibles sont des mesures prises par de nombreuses institutions pour comprendre et mettre en œuvre les changements nécessaires à une véritable inclusion », précise-t-il. Et de faire ressortir égalementy que ces actions reflètent les avantages tangibles de l’engagement auprès des Mauriciens handicapés. « Même s’il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser les gens aux besoins et aux capacités des personnes handicapées, nous sommes optimistes quant à l’avenir. Le récent changement législatif n’est qu’une étape ; le véritable progrès réside dans l’engagement croissant en faveur de pratiques inclusives dans les entreprises et les établissements d’enseignement. Nous envisageons un avenir plus fort et plus inclusif pour les personnes handicapées à travers Maurice, motivé à la fois par les progrès juridiques et par une véritable ouverture au changement », dit-il.

 

Society for the Welfare of the Deaf :  faciliter l’accès au dictionnaire de langue des signes mauricienne et à une éducation de qualité
La Society for the Welfare of the Deaf (SWD) est une association qui opère depuis 1968 avec pour mission principale d’offrir un accompagnement médical et psychologique aux personnes sourdes ou malentendantes. Elle a également pour mission de former et d’éduquer les enfants et les jeunes et de les aider à trouver un emploi. SWD a créé une école qui accueille une centaine d’enfants aux niveau primaire et au niveau secondaire. Le centre propose également des services tels que des tests auditifs pour le grand public, l’ajustement d’appareils auditifs et la production d’embouts nécessaires pour ces appareils. Elle développe et promeut également la Langue des Signes Mauricienne dont le dictionnaire en version numérique est accessible en ligne.

La SWD a mis en œuvre de 2013 à 2018 avec le soutien financier de l’Union européenne un projet pour former les encadrants pédagogiques, améliorer l’offre pédagogique et renforcer les capacités de l’organisation pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Les élèves de l’école professionnelle/secondaire ont notamment bénéficié de formations en informatique et graphisme, coiffure, cuisine et artisanat pour les préparer en vue de leur insertion professionnelle.
« Grâce au soutien de l’Union européenne, nous avons réalisé des progrès significatifs en matière d’inclusion des personnes sourdes à Maurice. Notre dictionnaire numérique de la langue des signes mauricienne, un outil innovant et accessible, a révolutionné l’accès à l’éducation pour nos bénéficiaires. En combinant ce dictionnaire avec la formation approfondie d’interprètes et d’éducateurs sourds, nous avons créé un environnement scolaire inclusif qui favorise l’apprentissage et le développement personnel des enfants sourds », dit Arrtee Bissoonauthsing, Directrice de l’École.

Ces avancées sont essentielles pour garantir l’égalité des chances et préserver le riche patrimoine linguistique de notre île. « La langue des signes mauricienne est bien plus qu’une simple langue, c’est un vecteur d’identité et de culture. En la valorisant et en la rendant accessible à tous, nous contribuons à la préservation de notre héritage culturel », poursuit-elle. Si ces premiers résultats sont encourageants, mais le chemin reste long. « Pour que tous les enfants sourds puissent bénéficier d’une éducation de qualité, nous avons encore besoin de mobiliser davantage de ressources pour élargir nos programmes et atteindre un plus grand nombre de bénéficiaires », dit-elle. Des

Le soutien de tout un chacun est crucial pour nous permettre de réaliser notre mission d’inclusion sociale et éducative pour les personnes sourdes à Maurice.

Fondation Espoir et Développement, offrir une formation professionnelle et faciliter l’emploi des jeunes en situation de handicap
Créée en juin 1999, la Fondation Espoir Développement Beachcomber (FED) aide à la réinsertion des personnes en situation de précarité. Elle mène depuis 2021, avec le soutien financier de l’Union européenne, le programme intitulé « Vulnerable Lives Matter: Social Inclusion Development Programme for Youth, Women, Young girls and Disabled ». Le projet From Disability to Ability est l’une des cinq composantes du programme.

Depuis 2021, la Fondation Espoir Développement Beachcomber (FED) s’est engagée dans l’accompagnement et l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap à travers un parcours de formation de six mois, se déclinant autour de quatre axes : apprendre à être autonomes, l’accès à l’apprentissage, la mise en situation en milieu professionnel et l’accompagnement dans la recherche d’emploi.

Le projet a permis de former au total quatre groupes de jeunes soit deux groupes de jeunes sourds et deux groupes de jeunes avec un handicap intellectuel. Les formations ont été réalisées en collaboration avec la Global Rainbow Foundation et Inclusion Mauritius.

« Nous avons complété le volet From Disability to Ability en deux ans et demi avec la formation à l’emploi pour 59 personnes en situation de handicap – souffrant de surdité et handicap intellectuel en collaboration avec deux organisations non gouvernementales, à savoir Global Rainbow Foundation et Inclusion Mauritius. Plus de la moitié est aujourd’hui dans un emploi stable. Le cahier des charges était pour la formation de 50 personnes sur 4 ans. Au-delà du financement de l’Union européenne, nous continuons ce programme avec un groupe de 10 jeunes actuellement en formation, en partenariat avec la Global Rainbow Foundation », dit Viren Vythelingum, CSR Manager de Beachcomber Resorts & Hotels.

Joie de Vivre Universelle
Un accompagnement éducatif et thérapeutique aux enfants avec un handicap intellectuel sous un même toit
Joie de Vivre Universelle (JDVU) est une organisation non gouvernementale fondée en décembre 2008 par Uma Sooben, une mère à la recherche de thérapies pour son fils souffrant d’un handicap intellectuel. Face à la difficulté de trouver des soins complets à Maurice, elle a créé JDVU pour offrir des thérapies intégrées telles que la psychomotricité, l’ergothérapie, l’orthophonie et la physiothérapie, sous un même toit, à d’autres enfants souffrant du même handicap que son fils.

En 2010, une collecte de fonds a permis l’établissement d’un centre de thérapie pour enfants à Beau-Bassin. Ce centre proposait des thérapies individualisées dans un environnement multi sensoriel, soutenu par une équipe pluridisciplinaire de thérapeutes, incluant plusieurs orthophonistes, ergothérapeutes, une psychomotricienne, un physiothérapeute et une psychologue.

En 2014, de nombreux enfants souffrant de déficience intellectuelle n’avaient pas accès à l’éducation en raison de l’absence d’écoles spécialisées ou de programmes adaptés à leurs besoins. Pour remédier à cela, Joie de Vivre Universelle (JDVU) a créé une École pour Besoins Spéciaux en janvier de cette année, complétant ainsi son centre thérapeutique.

Située à Quatre Bornes, l’école se concentre sur le développement de l’autonomie, de la socialisation et des compétences de communication de chaque enfant. JDVU propose des opportunités éducatives égales, y compris des cours de danse, de yoga, de musique et des sorties thérapeutiques.

« En novembre 2014, grâce au financement du programme de Coopération Décentralisée (DCP), financé par l’Union européenne, nous avons lancé notre centre de formation pour éducateurs spécialisé et ‘carers’. Le centre proposait une formation théorique et pratique dispensée par des professionnels, y compris un ergothérapeute, une orthophoniste et une psychologue. Le financement de l’Union européenne nous a permis d’introduire la thérapie sensorielle à Maurice, un cours dirigé par Dr Janine van Linde de l’Université de Witwatersrand en Afrique du Sud, pour renforcer les compétences des professionnels déjà actifs dans ce secteur ainsi que des parents ayant un enfant avec une déficience intellectuelle », confie Uma Sooben, Fondatrice et Présidente de l’organisation. et d’ajouter que depuis septembre 2018, l’ONG a étendu ses services aux personnes âgées souffrant de la maladie de Parkinson, d’Alzheimer (stades 1 et 2) et d’autres troubles mentaux dégénératifs. « Notre centre de thérapie pour enfants a été transformé en un Centre Récréatif et Thérapeutique pour Seniors », souligne-t-elle.

 

Financement de l’Union Européenne
Ces quatre organisations ont été soutenues par l’Union européenne qui octroie régulièrement des financements aux organisations de la société civile pour des projets de développement social et de promotion des droits humains. L’Union européenne respecte ainsi sa stratégie relative aux droits des personnes handicapées 2021-2030 qui a pour but de leur permettre de participer pleinement à la vie de la société et les protéger contre toute forme de discrimination.

Au-delà du financement de l’Union européenne, ces organisations poursuivent leur action fondamentale en faveur des droits des personnes en situation de handicap dans l’esprit de la Convention relative aux Droits des personnes handicapées.

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