190 ans de l’abolition de l’esclavage, au Morne – Navin Ramgoolam : « Chaque enfant mauricien doit sentir qu’il appartient à Maurice »

La commémoration officielle du 190ᵉ anniversaire de l’abolition de l’esclavage à Maurice s’est tenue, hier, au Morne, lieu hautement symbolique de l’histoire du pays. Réunis devant le Monument de la Route internationale des esclaves, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, le vice-président de la République, Robert Hungley, le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Mahendra Goondeea, ont procédé à un dépôt de gerbes en mémoire des ancêtres qui ont contribué à bâtir Maurice dans la souffrance.

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« Le Morne est emblématique. Il est une montagne vivante qui raconte l’histoire de notre pays. » C’est en ces termes que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a décrit le symbolisme du Morne lorsqu’il a pris la parole hier. Le Morne, a déclaré le Premier ministre, est là pour rappeler aux Mauriciens d’où ils viennent et que l’esclavage est indissociable de l’histoire de l’île. « L’esclavage fait partie de notre histoire. Li pa listwar enn kominote sa. Li enn douler ki sak Morisien kapav santi kan li mazine ki bann esklav inn pase. Le Morne est un symbole de résistance et, dans un sens, de la célébration de la liberté. Parce que la liberté n’a pas de prix. Le Morne représente le courage […] Pourchassés, des esclaves ont fait preuve d’un courage extraordinaire en faisant le choix de se jeter du haut du Morne », a dit Navin Ramgoolam.

La liberté, a poursuivi ce dernier en faisant référence à une période plus contemporaine, est une valeur à laquelle tiennent les Mauriciens. « De 2015 à 2024, notre liberté a été piétinée. Kan ti pe proteste kont bann abi ek linzistis, nou ti ena tou sans pou al ferme. » Malgré les fausses propagandes, a-t-il dit en faisant allusion aux dernières élections générales, les Mauriciens ont choisi la liberté et non l’argent. Et de préciser que « la liberté, la solidarité et l’unité dans la différence » sont une force. « Nou kouler lapo kapav diferan, nou kouler seve kapav diferan… mais nous avons la dignité en commun », a déclaré le Premier ministre.

« Nous devons connaître notre histoire pour corriger les injustices », a avancé Navin Ramgoolam en évoquant l’introduction du Kreol Morisien en Grade 12. « La langue créole nous unit tous. Je salue ce gouvernement qui a réussi à introduire le Kreol Morisien au HSC. C’est un nouveau pas de franchi. La langue maternelle rend l’apprentissage plus facile et rapide pour un enfant. »

Le chef du gouvernement a aussi évoqué la Commission Justice et Vérité, instituée après sa rencontre avec l’ancien président de l’Afrique du Sud Nelson Mandela et l’archevêque sud-africain Desmond Tutu. Cette commission a été mise sur pied, a-t-il souligné, « pour fermer la plaie de la souffrance et de l’injustice » découlant de l’esclavage.

Tout en félicitant le Le Morne Heritage Trust Fund pour son travail de reconnaissance de l’histoire, Navin Ramgoolam a plaidé pour un regard tourné vers l’avenir. « Bizin konn nou listwar, me bizin osi get lavenir. » Et ceux qui persistent à pratiquer la discrimination sont, a-t-il affirmé, des ignorants. « Enn dimounn ki fer diskriminasion, enn ignoran. Nou tou zanfan Bondie. Chaque enfant mauricien doit sentir qu’il appartient à Maurice, son pays. Enn pei vinn for kan nou tou ansam. Je suis très confiant que nous deviendrons ce grand pays auquel nous aspirons. Nous réussirons si nous restons unis et que nous travaillons ensemble dans la même direction », a déclaré le Premier ministre.

Durant son allocution, le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, a souligné l’importance de connaître le passé, l’histoire et la genèse d’un pays. « Mo ena labitid dir, enn lepep ki pa konn so listwar, kouma enn bato san gouvernay », a déclaré ce dernier. L’histoire de Maurice, a rappelé Paul Bérenger, repose avant tout sur l’esclavage et l’engagement, ainsi que sur la résistance et la lutte contre l’esclavage. Cependant, le Premier ministre adjoint a fait ressortir qu’il ne faudrait pas confondre l’esclavage avec le trafic d’esclaves, la traite négrière qui a affecté l’Afrique et la région. « Mais les deux sont des crimes contre l’humanité. »

Paul Bérenger a tenu à rétablir un point : « Les esclaves et les travailleurs engagés n’étaient pas des moutons, contrairement à ce qu’on a voulu dépeindre. » Tout au long de l’histoire de l’esclavage et de l’engagement, ils se sont révoltés et soulevés, a précisé Paul Bérenger. « Se sa ki finn amenn nou kot nou ete azordi », a-t-il déclaré.
Remontant encore plus loin dans le temps, et évoquant les Caraïbes, le Premier ministre adjoint a eu une pensée pour Haïti. La révolte des esclaves haïtiens, a-t-il expliqué, a dans un premier temps forcé la France à abolir l’esclavage dans cette île. « À l’abolition de l’esclavage, durant la Révolution française, Paris a envoyé ses délégués à Maurice pour appliquer la loi. Les propriétaires d’esclaves n’étaient pas d’accord et les ont obligés à rentrer en France. De 1796 à 1802, nous avons connu une première indépendance esclavagiste avec la rupture des propriétaires d’esclaves avec Paris. Ce n’est que lorsque Napoléon a rétabli l’esclavage que l’Isle de France est repassée sous le joug de Paris », a indiqué Paul Bérenger.

Évoquant ses nombreuses visites à Haïti, le Premier ministre adjoint a rappelé le lien linguistique entre cette île et Maurice. Les deux pays ont, dit-il, la langue créole en partage. « La ressemblance entre le créole mauricien et le créole haïtien est extraordinaire. Larenion ki akote, so kreol diferan net », note Paul Bérenger.
Parlant d’Anna de Bengale, dont la mémoire est honorée ce dimanche à Fort Frederick Hendrick, il a fait remarquer qu’au départ des Hollandais, au XVIIIᵉ siècle, ceux-ci avaient laissé derrière eux une cinquantaine d’esclaves marrons originaires d’Indonésie, du Mozambique, de Madagascar et d’Inde. Ce pan de l’histoire figure dans les recherches menées par un Rodriguais — auteur d’un ouvrage sur le sujet — dont l’initiative a été fortement saluée par Paul Bérenger.

Pour sa part, le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Mahendra Goondeea, a d’emblée fait ressortir que « la liberté n’est pas une option, mais un droit fondamental pour tous les êtres humains. » Les esclaves, a-t-il rappelé, ont démontré que la liberté était possible malgré l’oppression qu’ils subissaient à cette époque. « Le Morne, a-t-il poursuivi, a été témoin des sacrifices de nos ancêtres, des marrons, des esclaves, de leur courage et de leur détermination. » Et de convenir que Le Morne est bien plus qu’un symbole : « Li apel nou pou reflesi lor nou rol. Nou pa zis temwin, nou tou akter dan zistwar ki nou pe ekrir ansam. Nou ena drwa rapel sa valer ki bann esklav inn lese pou nou. »

Mahendra Goondeea a relevé la contribution économique et culturelle des ancêtres esclaves, laquelle est, selon lui, « inestimable ». Aujourd’hui, la vision du gouvernement pour la culture est de l’intégrer dans l’économie du pays. « L’économie culturelle aura un grand rôle à jouer dans les années à venir à Maurice. […] L’art, la culture et le patrimoine ne sont pas des distractions, mais l’expression d’un peuple pour son projet de vie, ses rêves et ses capacités », a déclaré le ministre. « Notre but est de créer un pays où la culture et le patrimoine vivent à travers le talent des artistes. E ki sa bann artis-la gagn zot valer ek zot merit », a-t-il poursuivi.

C’est dans cette optique que ce dernier a parlé du soutien de son ministère aux jeunes et aux artistes : « Nou pe met tou lekipman neseser pou ki zot kapav exprim zot lar. Kreativite pe kontribie dan devlopman nou pei. » Mahendra Goondeea a profité de l’occasion pour rappeler la tenue de la conférence internationale de la Route des Esclaves, qui se tiendra à l’Université de Maurice à partir de demain jusqu’à mercredi, en présence de plusieurs chercheurs internationaux.

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