30 gagnantes du Prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne pour les femmes et la science ont été dévoilées mardi dernier lors de la 15e édition de la Fondation L’Oréal et l’UNESCO à Cotonou, Bénin. Parmi ces 25 doctorantes et cinq post-doctorantes provenant de 15 pays africains récompensées pour leurs travaux novateurs et leur engagement à relever les défis scientifiques majeurs du continent, tels que la sécurité alimentaire, la santé publique ou encore les effets du changement climatique, figure Marie Andréa Laetitia Huet. Celle-ci a créé un pansement biodégradable, initialement développé pour traiter les plaies cutanées de leishmaniose.
« J’ai été agréablement surprise d’apprendre que j’avais été sélectionnée parmi des éminents candidats. Je suis profondément reconnaissante à la Fondation L’Oréal et à l’UNESCO pour cet incroyable honneur et cette reconnaissance. Ce prix valide le travail acharné, la passion et le dévouement que j’ai consacrés à mon parcours scientifique au cours de ces dernières années », nous a déclaré Marie Andréa Laetitia Huet.
Les recherches de cette habitante de Belle-Rose âgée de 29 ans portent sur l’exploitation de la biotechnologie et l’utilisation de la bagasse de canne à sucre pour développer des pansements avancés dotés de propriétés biodégradables, biocompatibles et antibactériennes. Ces pansements viseraient à accélérer la cicatrisation et serviraient de barrière contre les infections microbiennes secondaires dans les plaies cutanées dues à la leishmaniose. « J’ai démarré ce projet en octobre 2021 dans le cadre de mon doctorat au Centre de Recherche Biomédicale et Biomatériaux de l’université de Maurice », souligne-t-elle.
Elle explique que « la leishmaniose cutanée, une maladie tropicale négligée provoquée par des parasites Leishmania et transmise par des phlébotomes, entraîne des plaies ulcérées qui ne cicatrisent pas. Selon l’OMS, l’incidence annuelle de la maladie est d’environ un million de nouveaux cas, ce qui constitue une menace importante pour les communautés d’Afrique, d’Asie et des Amériques. Ces plaies sont très sensibles aux infections bactériennes, qui entravent encore davantage la cicatrisation et affaiblissent l’immunité des patients. La propagation mondiale de la maladie est exacerbée par les mouvements de population, tandis que le changement climatique facilite la transmission et les épidémies de maladies à transmission vectorielle. Les thérapies thérapeutiques actuelles sont limitées et se concentrent principalement sur l’éradication des parasites Leishmania tout en négligeant les aspects cicatrisants. Mes recherches doctorales comblent ces lacunes en convertissant la bagasse de canne à sucre, un déchet agricole, en un pansement facile à utiliser et abordable pour accélérer la cicatrisation des plaies. Cette approche innovante ajoute de la valeur au secteur de la santé et s’aligne sur les objectifs de développement durable (ODD) 3 et 13 des Nations Unies, traitant de la santé et de l’action climatique. Il soutient également la feuille de route 2030 de l’Organisation mondiale de la santé pour les maladies tropicales négligées, qui prend en compte le fardeau de la leishmaniose. En fin de compte, des traitements améliorés réduiront le nombre de réservoirs humains, ralentissant ainsi la transmission des maladies. »
Les 30 chercheuses récompensées ont été sélectionnées parmi près de 800 candidatures par un jury présidé par le professeur Aggrey Ambali, directeur de la Coopération Technique et du Financement des Programmes à l’Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD). La cérémonie a eu lieu mardi en présence de hauts représentants du gouvernement béninois. Comme chaque année, l’évènement a réuni également un certain nombre de personnalités, aux côtés des représentants de l’UNESCO et des membres du jury. En Afrique subsaharienne, les femmes ne représentent que 31,5% des chercheurs.
C’est la raison pour laquelle la Fondation L’Oréal et l’UNESCO ont joint leurs efforts lors de ces 15 dernières années afin de valoriser l’excellence scientifique de chercheuses du continent et d’encourager ainsi davantage de femmes à entreprendre des carrières scientifiques. Depuis sa création, le programme Jeunes Talents Afrique subsaharienne L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science a ainsi distingué 240 jeunes chercheuses venant de plus de 34 pays d’Afrique et reçu plus de 4000 candidatures. Ces scientifiques ont pu bénéficier d’un soutien financier, notamment grâce à des bourses de recherche de 10 000 € pour les doctorantes et de 15 000 € pour les chercheuses post-doctorantes, ainsi que de formations en leadership, communication, négociation et pour mieux savoir comment réagir face au sexisme, entre autres.L’inclusion des femmes dans la recherche scientifique une solution durable pour
répondre aux défis de l’Afrique
Alors que l’Afrique connaît un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, la contribution des femmes à la science devient un enjeu crucial pour le développement durable du continent. Actuellement, l’Afrique compte une population de 1,5 milliard d’habitants ; celle-ci devrait atteindre 2, 5 milliards à l’horizon 2050 et plus de 4 milliards d’ici 2100. Cette dynamique induit des défis de taille, notamment face aux bouleversements climatiques qui aggravent les sécheresses, augmentent la prévalence des maladies infectieuses et contaminent les sols, menaçant ainsi directement la sécurité alimentaire des populations.
Face à ces défis, la contribution des femmes scientifiques africaines est majeure. Les Jeunes Talents récompensées cette année le prouvent, comme Blessing Olagunju, qui travaille à l’amélioration de la qualité de l’eau au Nigéria, Matrona Mbendo, dont les recherches visent à développer un vaccin contre le VIH pour les femmes, ou encore Sarobidy Rakotonarivo, qui œuvre à travers ses recherches à la préservation de la biodiversité à Madagascar.
Ameenah Gurib-Fakim était la première mauricienne
En 2007, Ameenah Gurib-Fakim, éminente scientifique mauricienne et Première femme a être nommée Présidente de la République de Maurice, avait auparavant marqué l’histoire en recevant le prestigieux Prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science. Cette distinction internationale a salué ses contributions exceptionnelles à la recherche en phytothérapie et à la valorisation de la biodiversité africaine. Ce moment a non seulement mis en lumière son immense talent, mais a également inspiré une génération de jeunes femmes scientifiques à travers le continent. Par cette reconnaissance, Ameenah Gurib-Fakim est devenue une ambassadrice mondiale de l’excellence scientifique.