Leur « petite collection » charrie une grande valeur historique pour l’île. Pourtant, Goorooduth Chuttoo et son épouse sont seuls à entretenir et préserver des milliers d’objets amassés au fil des décennies, qui retracent tout un pan d’une histoire riche en évènements. L’aide des autorités n’ayant été reçue, le vieux collectionneur se tourne vers les passionnés. Un appel à l’aide qui vient du coeur.
« Combien de votes peux-tu nous ramener? » La réponse qu’il évoque avoir reçue des autorités était toute trouvée. Sans l’aide réclamée, Goorooduth Chuttoo, propriétaire du Musée de la Petite Collection de Rose-Belle, doit se résigner à préserver le patrimoine ancestral qui conte l’histoire de l’île et de la colonisation. Malgré le poids de l’âge, il se battra jusqu’à son dernier souffle comme il le fait depuis une cinquantaine d’années.
Près de 27 000 objets du passé entreposés dans ce petit musée font la fièrté de ce retraité de la force policière. Tickets de train, de cinéma, ustensils de cuisine d’antan, poupées, vieilles radios, téléviseurs « blan e nwar », coupures de presse, livres, Juke Boxe, près d’une centaine de bicyclettes, d’appareils photos, médailles de militaires, de photos, de chapeaux d’époque, de billets de banque, entre autres, datant de la colonie britanique et de bien d’autres âges… Depuis sa jeunesse, le retraité n’a cessé de collectionner des objets historique. Son but : partager l’histoire avec les plus jeunes. « Aidez-moi à sauver cet héritage qui nous concerne tous », sollicite-t-il à 68 ans.
« Un trésor ».
Faute de gardien, treize chiens attendent devant l’imposant portail quand Vishwanee, l’épouse de Goorooduth Chuttoo, sourire aux lèvres, accueille ses visiteurs. La quinquagénaire se fait vite rattraper par Goorooduth communément connu comme Ustad Rajah, le magicien. « Vini vini. Enn lazourne pa pou sifi pou montre zot tou seki ena isi », se réjouit le propriétaire des lieux.
Dans un salon truffé de milliers d’artefacts, Ustad Rajah reçoit ses visiteurs qui y découvre un décor des plus insolites. Près d’une centaine de shopines de différentes boissons ayant été utilisées sur plusieurs décénies, portes-clés, pendules de toutes sortes accrochées au mur, un immense dodo surplombant la pièce, trois ou quatre radios et téléviseurs ayant fait leur temps, et la réplique du St Albert, bateau qui, selon Ustad Rajah, a servi à l’acheminement de travailleurs engagés de l’époque. L’histoire de l’île tient dans cette pièce peu éclairée.
« Aujourd’hui nous avons un trèsor », confie fièrement Ustad Rajah, assis sur un tabouret au millieu de la pièce. Si chaque objet, entassé ça et là au Musée de la Petite Collection à Rose-Belle, pouvait parler ce serait des décénies d’histoire qu’il conterait. Sa collection d’objets du passé, il l’a débutée alors qu’il servait en tant que Chief Clerk officer au sein de la force policière pendant la colonisation britannique soit avant l’indépendance en 1968.
Après avoir fait l’historique de son musée, Ustad Rajah fini par craquer. Les larmes aux yeux, il avoue ne plus pouvoir joindre les deux bouts.
Racines oubliées.
Plaidant qu’il n’y a pas de présent sans passé, Goorooduth Chuttoo estime qu’il est primordiale pour la jeunesse d’aujourd’hui de savoir comment vivaient leurs ancêtres. « Quand l’arbre oublie ses racines, son tronc commence à pourrir », philosophe-t-il.
L’apparution de la Covid-19 n’a pas arrangé les affaires du retraité, qui a toujours gardé l’entrée au musée de la Petite Collection gratuite. « Ou pa ka’av fer Morisien peye pou konn so prop zistwar », persiste-t-il à dire.
Les Rs 80 000 dépensés mensuellement pour l’entretient du musée, Goorooduth Chuttoo, les puisait de sa poche ou de donations reçues de visiteurs. « Avek fre netwayaz, kouran, solisyon pou antretenir tousala, met gardyen…mo nepli kapav asim sa kantite la », lâche tristement le sexagénaire. « Mo pa pe deman ed finansyer ar person. Me o mwin si ti kapav trouv solisyon kuma pou sovgard sa koleksyon-la », conclu le vieil homme avant de rajouter « mo pena konesans lor kuma pou preserv ban objet lontan. Zot p fer zot lepok ».
Loin de réclamer du financement, Goorooduth Chuttoo prone des discussions auprès des autorités compétentes ou encore des ONG pour trouver des solutions à la sauvegarde de ce patrimoine. Las de se tourner vers les autorités concernées, le propriétaire du musée se résigne cette fois à abandonner l’idée et de trouver de l’aide ailleurs. Il sollicite l’aide des ONG ou ceux qui sont formés dans la préservation et l’exposition d’objets d’antan pour l’aider à sauver le trésor d’Ustad Rajah.
Le ministère du Patrimoine Culturel « se penche sur la question…»
Les doléances de Goorooduth Chuttoo ne sont pas étrangéres au ministère des Arts et de la Culture. Le ministre Avinash Teeluck injoignable au téléphone, son attachée de presse confirme que le cas du Musée de la Petite Collection est à l’étude. « Conscient qu’il faut conserver ce patrimoine, le ministre Avinash Teeluck se penche sur la question pour trouver une formule adéquate pour venir en aide au musée privé.
D’aileurs, Avinash Teeluck avait lui même déclaré sur les ondes d’une radio privée en début de mois, que la situation des musées privés est pris très au sérieux par son ministère », a-t-elle déclaré.