Politique 2021 : une année assez mouvementée malgré la pandémie

Décès de SAJ, glissement autocratique de Pravind Jugnauth, le Covid de Navin Ramgoolam, l’affirmation de XLD et le profil bas de Paul Bérenger
Côté « citoyen », quelques actions d’éclat et l’exaspération légitime devant les robinets à sec des habitants de Bambous Virieux

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Malgré la pandémie du Covid qui est repartie de plus belle à partir en mars 2021 après l’accalmie du dernier trimestre de 2020, le pays aura connu, zones rouges ou pas, une année assez mouvementée sur le plan politique. Les citoyens ont été particulièrement actifs durant l’année écoulée avec la tenue de plusieurs manifestations, dont celle, spontanée, des habitants exaspérés de Bambous Virieux, qui sont descendus dans la rue le 26 décembre, au lendemain de Noël, pour protester contre les coupures d’eau qui les ont affectés pendant plusieurs jours.

Les citoyens, comme l’année dernière et le grand rassemblement du 29 août, ont été à la pointe de la contestation des failles du système. Raouf Khodabaccus et Ivan Bibi n’ont pas hésité à manifester régulièrement devant le Parlement pour réclamer plus de démocratie. Ils ont également insisté pour le départ du Speaker Sooroojdev Phokeer, dont la prestation aura écœuré plus d’un. D’anciens élus comme Alain Laridon, Bashir Khodabux, Jack Bizlall, Dharam Fokeer et Armoogum Parsuramen se sont aussi joints à cette initiative pour dénoncer les agissements du Speaker et ont même adressé des correspondances à des organisations parlementaires internationales pour les alerter sur ce qui se passe au Parlement de l’île Maurice.
Les citoyens ont aussi beaucoup utilisé les médias, les radios et les réseaux sociaux pour s’exprimer, et ils n’ont pas hésité à descendre dans la rue pour s’opposer aux amendements apportés à l’Independent Broadcasting Authority pour durcir les conditions de l’octroi des licences et avoir un droit de regard sur le contenu des émissions. Les craintes des parlementaires autant que des citoyens se sont confirmées avec la séquence qui a suivi le vote en urgence de l’IBA Act : promulgation expresse du texte par le président de la République Pradeep Roopun et lettre d’avertissement à la radio visée Top FM pour n’avoir pas exercé un devoir de diversité dans ses programmes.
Les citoyens dans la rue
Cette radio se fait pourtant un devoir de rappeler que tel ou tel ministre ou directeur d’entreprise publique sont invités pour des réactions ou des débats. L’IBA, qui n’a apparemment pas peur du ridicule, devrait aussi rappeler à l’ordre la MBC, qui est tout sauf un modèle de neutralité et de diversité des opinions.
Oui, les amendements à l’IBA sont venus s’ajouter à la longue liste de décisions du gouvernement visant à restreindre la liberté d’expression, après le renvoi des élections municipales, le durcissement des textes sur l’utilisation d’internet, les interpellations policières visant les opposants et les enquêtes orientées de l’ICAC.C’est ainsi que la plateforme pour la liberté d’expression a fédéré un large regroupement, citoyens, organisations extra-parlementaires et parlementaires pour manifester le 11 décembre à Port-Louis et pour dénoncer les initiatives prises par le gouvernement pour faire taire ceux qui dénoncent les dérives dangereuses du régime et les scandales qui n’en finissent pas, même si tout est fait pour les étouffer.
La belle unanimité citoyens/mouvements n’aura cependant été que de courte durée. Elle s’est fracassée en raison d’agendas bien trop divergents et de personnalités les unes plus clivantes que les autres. Ce regroupement ne devrait pas susciter une large adhésion populaire. La demande de démission faite auprès des parlementaires par la plateforme pour la liberté d’expression a été rejetée par l’ensemble des partis représentés au Parlement, le PTr, le MMM, le PMSD et le Rassemblement Mauricien de Nando Bodha.
Une excroissance a néanmoins vu le jour en cette fin d’année avec la constitution d’une plateforme commune regroupant le Groupe Reflexion Emmanuel Anquetil de Rama Valayden, Linion Sitwayen de Bruneau Laurette et de Sanjeev Teeluckdharry, ancien député du MSM et Deputy Speaker controversé, et le 100% Citoyen de Dev Sunassy.
Si les citoyens ont été actifs, les parlementaires n’ont pas non plus chômé puisqu’ils ont permis que de dossiers litigieux et soigneusement cachés soient mis sur la table et portés sur la place publique.
Les dirigeants politiques, eux, ont connu des fortunes diverses. L’année 2021 aura été marquée par la disparition le 3 juin de cette grande figure publique qu’a été sir Anerood Jugnauth encore ministre à l’âge de 89 ans en 2019. Si ses qualités comme ses défauts ont été mis en exergue après son décès, il aura néanmoins fait l’unanimité sur ses qualités de leadership, de rigueur et de sérieux.
Mainmise sur les organismes publics
Son fils ne bénéficie, alors là, pas du tout, du même respect et, pour cela, il n’aura qu’à s’en prendre à lui-même et à l’entourage dont il s’est doté. Sournois, fuyant la presse et ses questions légitimes, ne supportant pas la contradiction, il s’est surtout retranché sur sa MBC pour faire passer ses messages. C’est autrement plus commode que d’affronter des questions sur Angus Road et sur les nombreux scandales qui secouent son gouvernement et les organismes où règnent des nominés politiques incompétents. La mainmise sur les organismes d’État de quelques familles proches du leader du MSM comme l’Electoral Supervisory Commission s’est accentuée alors que les lois visant la liberté d’expression ont confirmé le glissement de Pravind Jugnauth vers l’autocratie.
Navin Ramgoolam aura connu encore une année loin d’être joyeuse. Il n’a pas fini avec ses déboires judiciaires qu’il a découvert avoir contracté le Covid début septembre 2021. Après des soins en Inde où il s’est rendu en jet privé médicalisé, il est retourné au pays début octobre officiellement guéri. Il a, en outre, piqué une grosse colère au début de l’année lorsque les partis de l’opposition qu’il s’était attelé à regrouper sur une même plateforme pour faire front face à Pravind Jugnauth et au MSM ont suggéré qu’il ne se présente pas de nouveau au poste de Premier ministre et qu’il aille à la State House dans le cadre d’un arrangement entre tous les partis de l’opposition.
Mécontent de cette initiative venant de ce qu’il considérait être des « partenaires », il poussera le PTr à faire cavalier seul, mais les choses finiront pas s’arranger, l’année se terminant avec une bien meilleure entente entre les partis de l’opposition représentés à l’Assemblée nationale, la meilleure illustration étant le point de presse commun tenu le vendredi 26 novembre devant le siège du Parlement.
Reste à savoir comment va évoluer cette entente parlementaire. Mais s’il y a un de ses dirigeants qui œuvre pour qu’elle dure et se concrétise de manière formelle, c’est bien celui qui fait office de leader de l’opposition depuis mars 2021. Réticent à occuper ce poste après la démission d’Arvin Boolell, poussé dans cette voie par certains dirigeants du PTr, après l’épisode du premier-ministrable, Xavier Duval finira par s’imposer et s’affirmer et terminer l’année sur des chapeaux de roues avec des Private Notice Questions qui ont étalé le nombre de combines qui se déroulent dans les ministères, à commencer par celui de la Santé.
Celui qui avait jadis excellé à ce poste, Paul Bérenger, aura, lui, décidé de faire profil bas durant l’année. Entre les conférences de presse et les interventions choisies et ciblées à l’Assemblée nationale, le vieux routier de la politique n’a pas trop rué dans les brancards, le but étant de laisser de l’espace aux autres dirigeants du MMM et permettre aux jeunes de s’affirmer.
Que nous réserve 2022 ? La pandémie va-t-elle de nouveau être le prétexte d’un nouveau renvoi des élections municipales ? Celles-ci vont-elles sceller l’alliance de l’opposition parlementaire avec une nouvelle version de la lutte à trois avec le MSM et ses acolytes d’un côté, le front de l’opposition de l’autre et, en outsider, la plateforme de politiciens/-citoyens nouvellement constituée ? À très vite pour les clarifications.

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