Le leader de l’opposition a, lors de son allocution dans le cadre de sa motion de blâme (Motion of no Confidence) contre le gouvernement, brossé un sombre tableau de l’état actuel de l’économie mauricienne, ainsi que de son avenir. Et ce, en s’appesantissant sur des rapports d’institutions respectées, comme le Fonds Monétaire international, la Banque mondiale, la Mauritius Bankers’ Association.
Lançant un nouvel appel au gouvernement « de reconsidérer les projets essentiels qui ramènent les dividendes voulues », il a plaidé pour l’augmentation de la pension de vieillesse (par Rs 2 000) et du salaire minimum.
Pour cause, en début d’allocution, il est revenu sur le quotidien d’une poignée de Mauriciens, qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Dont cette mère qui ne peut plus envoyer sa fille à l’école par van scolaire. Et ce monsieur forcé d’exercer comme gardien de sécurité la nuit pour arrondir ses fins de mois.
« Cela fait des semaines que nous demandons au gouvernement, au Premier ministre et au ministre des Finances d’agir sans qu’il n’y ait eu aucune action », a regretté le leader de l’opposition, empruntant un ton posé et raisonné à l’occasion, sans doute pour générer de l’empathie et de la compréhension auprès du camp adverse.
Malgré cela, il s’en est pris au ministre des Arts, Avinash Teeluck, qui a déclaré ne pas trouver cette motion nécessaire. « C’est une honte », devait lui lancer Xavier-Luc Duval.
Il a justifié sa décision de porter cette motion après 26 ans car c’est « le seul outil » dont il dit avoir disposé pour pouvoir faire valoir « la démocratie parlementaire ». Revenant sur le sentiment de disposer d’un « parlement muselé ».
Corruption, manque de transparence, renvoi des municipales justifié par la Covid (avec seulement 15 cas annoncés dimanche)… Le tableau dressé se révèle inquiétant à plus d’un titre pour l’avenir de l’île.
Spectre du Sri Lanka
Disant ne pas souhaiter une tournure comme celle au Sri Lanka (avec des émeutes mortelles et la démission du PM), il devait cependant faire état du « refus du gouvernement d’aider les ménages de manière conséquente ». D’ajouter que « les caisses sont vides parce qu’ils ont tout gaspillé ».
A ce chapitre, le leader de l’opposition a listé une série de projets (démantèlement de la BAI, « stade fantôme » de Côte d’Or, Safe City toujours pas fully operational, procès évitable de Betamax) au coût cumulé de « Rs 74 Md » pour le contribuable.
Cette somme conséquente, pour le leader de l’opposition, aurait pu être utilisée pour soutenir les quelque 365 000 citoyens (dont 275 000 pensionnaires) qui touchent le salaire minimum ou moins par mois.
« Ce sont les nouveaux pauvres, sans oublier la classe moyenne, de plus en plus dépossédée », a-t-il qualifié, avant de citer un rapport de la Banque mondiale affirmant que « 16% » des Mauriciens vivraient en dessous du seuil de pauvreté.
Leur réalité fera que l’inflation pour eux, a relevé le leader de l’opposition, sera de l’ordre de « 15% ». Soit loin des 5% défendus par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et les 8% présentés par Pravind Jugnauth.
Xavier-Luc Duval a également brandi le risque de pénuries de denrées essentielles, comme l’huile et le lait, et ce, « au début du mois prochain ».
Quant aux pensionnaires, « grands consommateurs de médicaments » (dont seulement 15 produits sont subventionnés sur 4 800, a regretté XLD), le leader de l’opposition a pointé du doigt l’argent accumulé par la Contribution Sociale Généralisée depuis 2020. Soit, dit-il, quelque « Rs 15 Md », qui aurait pu déjà être utilisées, selon lui, pour augmenter la pension de « Rs 2 000 ».
Banque centrale “fragilisée”
Le leader de l’opposition a également critiqué le manque de financement allégué subi par le Medical Negligence Committee. Il a questionné la taxe de Rs 3 sur l’essence, alors que d’autres pays l’ont baissée. Des interrogations ont également été portées contre la ponction de Rs 0.65 par litre d’essence pour financer la construction d’un Oil Storage.
La politique monétaire de la Banque de Maurice de même que son indépendance ont été sévèrement critiquées. Il a souligné la proposition du FMI en vue que la Mauritius Investments Corporation (entité de la BoM servant à investir dans des compagnies) restitue l’argent non gaspillé à la banque centrale « fragilisée ».
Le leader de l’opposition devait faire état du risque que la BoM soit « qualifiée » (à savoir, noter pour ses balances non fiables) parce que l’argent décaissé pour la MIC s’est retrouvé dans le Balance Sheet de la Banque centrale.
Faisant état du « gaspillage sans précédent », il est revenu sur les craintes de la Bankers Association ; l’économie mauricienne pourrait être downgrade par Moody’s (institution de notation internationale). Ce qui impacterait négativement les initiatives des « new business ».
Revenant sur les dépenses soulignées par le rapport de l’Audit, il a appuyé sur le fait que « Rs 100 Md » sont requis pour « le servicing du public debt », à savoir le remboursement des dettes publiques. A titre d’indication, devait-il citer, le budget du ministère de l’Energie ne s’élève qu’à « Rs 3 Md ».
« Quand on emprunte, on hypothèque généralement l’avenir », a-t-il affirmé.