Avec la troisième et dernière série de prestations de serment de ministres faisant partie du gouvernement de l’Alliance du Changement du Premier ministre, Navin Ramgoolam, notamment vendredi après-midi avec l’Attorney General, Gavin Glover, une énigme constitutionnelle peut difficilement être escamotée. En effet, que ce soit pour la swearing-in ceremony en solo de Navin Ramgoolam, ou encore les membres du nouveau gouvernement et vendredi après-midi, pour le Legal Adviser du gouvernement, l’absence de la cheffe juge, Rehana Bibi Mungly-Gulbul, parmi les VVIPs dans les salons de la State House du Réduit, ne serait pas passée inaperçue. Avec la fin du mandat, demain, du président de la République, Pirtvirajsingh Roopun, et du vice-président Eddy Boissézon, la question des relations de la cheffe juge avec le nouveau pouvoir politique s’installe aux premières loges des conjectures. Des recoupements d’informations effectués par Week-End auprès des sources concordantes laissent entendre que dès le début de cette semaine, l’absence de Rehana Bibi Mungly-Gulbul aux fonctions officielles de l’installation du nouveau gouvernement sera évoquée en perspective du prochain rendez-vous constitutionnel à la State House. Par ailleurs, avec la première réunion du conseil des ministres de vendredi et la prestation de serment des 66 parlementaires et l’élection de Shirin Aumeeruddy-Cziffra et de Veda Baloomoody en tant qu’adjoint, la législature et l’exécutif sont bien en place sous le mandat du gouvernement de l’Alliance du Changement.
Le hic se situe au niveau du judiciaire, le troisième élément de la séparation des pouvoirs sous la Constitution. Jusqu’ici, à l’Hôtel du Gouvernement, l’on a préféré éviter de commenter l’absence de la cheffe juge aux différentes étapes à la State House de la mise en place du gouvernement. « Autant que nous le sachions, la Sate House n’aurait nullement commis d’impair constitutionnel par rapport au troisième personnage de l’État. La cheffe juge a été invitée officiellement et nous ne savons pour quelle raison Rehana Bibi Mungy-Gulbul a brillé par son absence », avancent des sources approchées par Week-End à ce sujet.
Ces mêmes sources ont refusé d’entrer dans les relations entretenues par Me Raouf Gulbul avec les Top Chefs de Lakwizinn du Prime Miniter’s Office sous Pravind Jugnauth. « Les devoirs et obligations d’État constituent une permanence, alors que les menus politiques de Lakwizinn resteront toujours aléatoires », fait-on comprendre sans prendre le risque de se mettre en position d’outrage au poste de chef juge.
Toutefois, dès demain matin, le Prime Minister’s Office ouvrira un nouveau chapitre avec les préparatifs de l’élection du nouveau président de la République et du vice-président.
Le passage de Prithvirajsing Roopun à la State House tirera à sa fin demain, de même que celui d’Eddy Boissézon. Tout indique que la prochaine séance de l’Assemblée nationale de vendredi sera consacrée à l’élection de Dharam Gokhool à la présidence et de Robert Hungley à la vice-présidence.
La cérémonie de prestation de serment des deux plus importants personnages de l’État devra intervenir dans les meilleurs délais après vendredi prochain. Cette étape solennelle est placée sous la présidence du titulaire du poste de chef juge comme il avait été le cas avec l’ancien chef juge, Ashraf Caunhye, au début de décembre 2019.
Nominations
De ce fait, les contacts entre le Cabinet Office, la State House et l’Office of the Chief Justice pourraient s’avérer déterminants pour ce qui est de la cohabitation du judiciaire, de la législature et de l’exécutif dans le cadre de l’exercice de la séparation des pouvoirs sous la Constitution.
Un autre gros morceau qui attend l’exécutif dans l’immédiat porte sur une série de nominations au plus haut niveau des différentes institutions publiques ou encore parapubliques. De sources autorisées, Week-End a appris que l’urgence se fait voir dans pas moins de 25 de ces instances, dont la Public Service Commission, la Disciplined Forces Service Commission, la Local Government Service Commission.
Le fonctionnement de ces trois instances est jugé crucial pour la bonne marche du secteur public, car il y a va du recrutement et de la promotion des employés, sans oublier la question de discipline. Il va de soi que l’Alliance du Changement ne compte nullement s’accommoder avec les responsables en place et nommés au cours de ces dix dernières années par les soins du Sun Trust. Ces premières nominations pourraient intervenir au plus tard au début de décembre.
Nouvelle image du gouvernement
D’autres changements dans des institutions revêtent le caractère plus symbolique de vouloir projeter une nouvelle image du gouvernement. Au premier rang dans cette catégorie se retrouve la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC). Avec les premières tractations en cours, il faudra s’attendre à voir un nouveau line-up audiovisuel à la station nationale de Moka et les premiers noms cités et circulant pour le poste de Chairperson du Board ou de directeur général et directeur de l’Information. Ces éventuels nominés politiques ne devront pas constituer de surprises pour des raisons évidentes.
Par contre, la Financial Crimes Commission, notamment le remplacement de Navin Beekarry en tant que directeur général et également des autres membres de la Commission, semble un couteau à double tranchant. La FCC est l’arme pour lutter contre la fraude, la corruption et le blanchiment de fonds. Mais le nouveau pouvoir politique doit pouvoir parvenir à un balancing act entre ces attributions découlant de la Financial Crimes Commission Act et l’empiétement des pouvoirs et prérogatives d’autres instances, dont l’Office of the Director of Public Prosecutions. L’Attorney General s’est vu confier cette mission délicate en guise de priorité en raison de l’urgence et la pertinence des faits.
Par ailleurs, de la multitude des Quasi-Autonomous Non-Governmental Organisations (QUANGOs), trois devraient retenir l’attention des nouveaux princes du pouvoir de par leur rayonnement stratégique et économique, que ce soit sur le plan local ou sur le front international. Elles sont dans l’ordre Mauritius Telecom, la State Bank of Mauritius et Air Mauritius.
Même si jusqu’à l’heure l’Alliance du Changement s’est gardée de faire état de ses prochains moves à la Telecom Tower. Les effets des Missie Moustass Leaks de la récente campagne électorale devraient avoir pour unique conséquence : tout doit partir dans les hautes sphères de cette entité parapubliques dans le secteur de télécommunications. Cette étape, dont les départs du Chief Executive Officer, du Chairman du Board et les autres nominés politiques, est tributaire d’une accélération des développements dans l’enquête policière au sujet des dernières révélations postélectorales de Sherry Singh sur les dessous du sniffing à la station de relais de Baie-du-Jacotet sur le réseau SAFE et du système d’écoutes téléphoniques illégal en place entre la Telecom Tower et le PMO.
À la SBM Tower, les dénonciations en règle s’étalent dans un nouveau document d’une trentaine de pages avec pour titre : Curious Case of Raoul Gufflet The Narcisisist, représentant un véritable catalogue de misdeeds, dont le budget de Rs 100 millions pour célébrer les 50 ans de la SBM. Les dénonciateurs, parlant des dernières élections générales, avancent que « the country ousted the old regime due to their rampage misuse of public funds, abuse of power, dictatorial rule and insatiable greed. Will the same fate befall SBM and other pubic institutions, or do we need to create a special vaccine to rid ourselves of these shameless bloodsucking parasites. »
Du côté d’Air Mauritius, avec une prolifération de chatwas en place, à l’exception du Chief Executive Officer, Charles Cartier, qui célébrera le week-end prochain son neuvième mois à ce poste — pour une femme enceinte, l’accouchement peut intervenir à n’importe quel moment — plus d’un savent que les sièges au Top Management et au sein du conseil d’administration sont éjectables à l’approche d’une zone de turbulence alors que le pays vient de traverser un tsunami électoral avec un 60/0 sans appel et seulement deux parlementaires s’agrippant aux travées de l’opposition.
Avis aux nominés du gouvernement de Pravind Jugnauth…