L’Attorney General, Gavin Glover, a présenté vendredi dernier à l’Assemblée nationale le projet de loi Financial Crimes Commission (Miscellaneous Provisions), qui vise à renforcer la démocratie, la primauté du droit et à restaurer les pouvoirs du Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Selon l’Attorney General, ce texte législatif ne constitue pas simplement un amendement technique, mais répond à un désir de la population exprimé lors des dernières élections.
Le projet de loi, qui a été introduit à l’Assemblée nationale, est perçu comme un acte de réparation face aux tentatives de manipulation politique du précédent gouvernement qui avaient fragilisé l’autonomie des institutions judiciaires. L’Attorney General a mis en avant l’objectif central de cette réforme : « Restaurer les droits fondamentaux du peuple mauricien et protéger les institutions judiciaires de toute forme de manipulation politique », a déclaré Gavin Glover en ouverture de son discours. “Il vise surtout à renverser cette Legislature Vandalism,” a expliqué Gavin Glover, rappelant que la version initiale de la Financial Crimes Commission (FCC) Act de 2023 avait suscité de vives critiques, en raison de ses atteintes à la Constitution et des pouvoirs qu’elle conférait à la Commission, notamment au détriment des prérogatives du DPP. L’Attorney General a insisté sur le fait que la version adoptée en 2023 était une tentative délibérée de “détruire l’indépendance des poursuites publiques” et de soumettre le système judiciaire à des ingérences politiques. “C’était un mouvement pour ouvrir notre système de justice pénale à une ingérence politique insidieuse”, a-t-il précisé, soulignant que cette loi avait été modifiée sans consulter le DPP, ce qui avait conduit ce dernier à saisir la Cour suprême pour demander réparation.
En introduisant cette réforme, le gouvernement s’engage à garantir l’indépendance absolue du DPP, en veillant à ce qu’aucune interférence extérieure, politique ou autre, ne puisse altérer le bon déroulement des enquêtes et des poursuites judiciaires.
Au cœur de la réforme, l’un des changements les plus significatifs est la restauration des pouvoirs du DPP. Le précédent gouvernement avait tenté de diminuer ses prérogatives, permettant ainsi à la FCC de prendre des décisions de poursuites sans en référer au DPP. Selon l’Attorney General, cela représentait une « menace sérieuse à l’intégrité du système judiciaire », car cela ouvrait la voie à une politisation des enquêtes et des poursuites. « La justice ne doit pas être une arme politique. Elle doit être impartiale et indépendante », a insisté Glover, soulignant que ce projet de loi vise avant tout à protéger la démocratie et l’État de droit à Maurice. Désormais, toute décision de poursuites de la FCC devra obligatoirement passer par l’approbation du DPP, ce qui met fin à la possibilité de décisions judiciaires influencées par des considérations politiques.
A l’abri de toute manipulation politique
Dans son discours, Gavin Glover a expliqué que le système judiciaire devait être à l’abri de toute manipulation politique, et que les poursuites pénales ne devaient pas être utilisées pour régler des comptes politiques. Il a rappelé que, sous le précédent régime, de nombreuses charges provisoires avaient été portées contre des figures de l’opposition, sans preuve, et souvent rejetées par la cour. “Si tel était le cas, la nation mauricienne ferait face à deux gros risques. D’abord, des individus pourraient être poursuivis en raison des motifs politiques. Et ensuite, des enquêtes sous l’ancien régime ont piétiné”, a-t-il déclaré.
Avec le Financial Crimes Commission Bill, l’Attorney General vise à rétablir l’indépendance du DPP, et à s’assurer que la FCC et le DPP exercent leurs pouvoirs de manière distincte et indépendante. “Le FCC n’aura aucune discrétion pour initier ou interrompre des procédures pénales. Si la FCC veut mettre fin à une enquête, elle doit informer le DPP et justifier sa décision”, a précisé Gavin Glover, soulignant que les poursuites ne devraient jamais être suspendues sans l’accord du DPP.
Le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, a réagi en défendant l’initiative de l’ancien gouvernement d’établir la FCC, qu’il considère comme une autorité nécessaire pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il s’est interrogé sur l’efficacité de ce projet de loi en matière d’enquêtes sur les crimes financiers. Selon Joe Lesjongard, la réforme soulève des questions sur la rapidité des poursuites et sur la capacité du système judiciaire à traiter efficacement les affaires complexes de corruption et de crimes financiers. « Ce projet de loi peut renforcer l’indépendance judiciaire, mais il risque également d’introduire de nouvelles lenteurs dans le processus judiciaire », a averti Lesjongard, avaçant que ces amendements visent uniquement à restaurer le droit de poursuite du DPP. Il a également mis en garde contre la centralisation excessive des décisions de poursuite entre les mains du DPP, qui pourrait être soumis à des pressions politiques. Du côté du gouvernement, les soutiens se sont multipliés pour saluer cette réforme majeure. Le Premier ministre Navin Ramgoolam a fermement défendu cette initiative, la qualifiant de nécessaire pour la restauration de l’intégrité des institutions démocratiques. « Ce projet de loi représente une volonté claire de remettre le DPP au cœur de notre système judiciaire. Ce n’est pas une simple réforme technique ; c’est un acte de restauration de la confiance du peuple dans ses institutions », a-t-il déclaré. Dans son discours, il a également insisté sur l’importance de garantir une justice équitable pour tous, sans discrimination ni favoritisme. « Nous allons travailler sans relâche pour empêcher que notre système judiciaire ne soit instrumentalisé par des intérêts politiques ou privés », a-t-il. Selon lui, cette réforme marque le début d’un processus de réconciliation nationale à travers la consolidation de l’État de droit.
Il a annoncé que la réforme de la FCC Act n’était qu’une première étape, avant la création d’une future National Crime Agency (NCA) indépendante et bien équipée pour lutter contre la criminalité, soulignant que l’indépendance de cette agence et son fonctionnement sans ingérence politique seraient essentiels pour rétablir la légitimité des institutions judiciaires. “L’objectif n’est pas simplement de corriger les erreurs du passé, mais de mettre en place un organisme d’application moderne qui fonctionne au-delà des cycles politiques”, a-t-il déclaré. Le Premier ministre Navin Ramgoolam a exprimé sa détermination à faire de Maurice un modèle de transparence et de justice. Il a également souligné que cette réforme est la première étape d’un plan plus large visant à renforcer la transparence du système judiciaire, avec des réformes de la Constitution et des lois électorales en cours.
Navin Ramgoolam a également pris l’exemple des accusations de corruption contre l’ancien gouvernement pour insister sur la nécessité de garantir une véritable indépendance aux institutions de lutte contre la criminalité. “Nous devons rétablir la confiance de la population dans les institutions que nous mettons en place, veiller à ce que la justice soit rendue avec rigueur et impartialité”, a-t-il affirmé.
Le Premier ministre adjoint : Maurice sur la voie d’une démocratie exemplaire
Le Premier ministre adjoint a élargi le débat en soulignant que ce projet de loi s’inscrit dans un projet global de refondation démocratique. Paul Bérenger a ainsi insisté sur le rôle essentiel que joue le DPP dans la consolidation de la démocratie, affirmant que ce projet de loi n’était qu’un début et que le gouvernement œuvrait à d’autres réformes, notamment sur la révision de la Constitution et des lois électorales, afin de garantir des élections plus transparentes et une séparation des pouvoirs plus nette. « Cette réforme est le premier jalon d’un grand chantier pour restaurer la démocratie, la transparence et la justice à Maurice », a-t-il déclaré.
Empêcher tout retour à l’autocratie
Un aspect fondamental du projet de loi réside dans sa capacité à empêcher tout retour à l’autocratie, une crainte exprimée par les intervenants de la majorité vendredi. Le Junior minister Dhaneswar Dhamry a alerté sur les dangers de l’ancienne législation, qui accordait trop de pouvoirs à la FCC, un organisme non élu, à la tête duquel se trouvait un directeur général proche du pouvoir politique. Pour lui, il était évident que l’ancien gouvernement avait voulu instrumentaliser la FCC à des fins politiques, ce qui avait conduit à une atteinte grave à la démocratie. La nouvelle réforme prévoit un contrôle judiciaire plus strict sur ces organes, afin de garantir leur impartialité et leur indépendance. Dans son allocution, Reza Uteem, ministre de l’Emploi, a rappelé que cette réforme visait avant tout à préserver l’État de droit et à protéger les Mauriciens contre toute forme de discrimination politique. « Cette réforme rétablit la séparation des pouvoirs et garantit que les enquêtes seront menées de manière transparente et juste », a-t-il déclaré Reza Uteem, ministre de l’Emploi, a précisé que le projet allait bien au-delà d’une simple réorganisation de la FCC. Il a insisté sur la restauration de l’indépendance du DPP dans le cadre de la nouvelle loi tout en veillant à ce que le DPP ne soit plus soumis à l’influence de l’Attorney General, comme cela avait été le cas par le passé.
De son côté, le ministre de l’Agro-industrie Arvin Boolell a souligné la nécessité d’une réforme plus globale du système judiciaire, non seulement en matière d’indépendance, mais aussi sur des aspects tels que la transparence des nominations judiciaires et la protection des lanceurs d’alerte. Kushal Lobine, député des Nouveaux Démocrates a également souligné que la réforme était nécessaire pour corriger les dérives de l’ancien régime, notamment en ce qui concerne l’attaque contre la séparation des pouvoirs. Il a insisté sur le fait que cette initiative visait à garantir un contrôle judiciaire sans favoritisme politique, afin de prévenir toute interférence dans les enquêtes.