Assemblée nationale : Name the new horrific game in town

  •  Sooroojdev Phokeer, arbitre, joueur, goalkeeper et Loudspeaker signe un nouveau
    record d’expulsions et de suspensions de députés de l’opposition
  •  Xavier Duval s’impose comme leader de l’opposition avec des PNQ qui font mouche

À part les textes visant à contrôler les radios privées, l’utilisation d’internet et à repousser les élections municipales, des textes passés en urgence et approuvés en quatrième vitesse, rien de bien probant n’a émergé de l’agenda gouvernemental en cette année 2021, si ce n’est que la stratégie s’est une nouvelle fois résumée à éviter les séances du mardi et le Question Time qui s’est révélé embarrassant pour des ministres amateurs qui ne maîtrisent pas leurs dossiers.

- Publicité -

En dépit de cette manœuvre organisée pour limiter le champ d’action de l’opposition, son leader Xavier Duval a quand même réussi à frapper quelques jolis coups en venant avec des révélations sur le MIC, la lettre de SOS envoyée par la Santé à La Réunion pour de l’oxygène en urgence, le Monulpravir et les subsides sur le lait.

Cette année encore, c’est le Speaker qui s’est « distingué » en empêchant l’opposition de faire son travail. Sooroojdev Phokeer, qui doit être le seul Speaker au monde à avoir une triple casquette d’arbitre, de joueur et de goalkeeper tout en se transformant en Loudspeaker, a fait suspendre et expulser un grand nombre d’élus de l’opposition, dont Paul Bérenger, Arvin Boolell, Shakeel Mohamed et Rajesh Bhagwan. Le « name » est devenu d’une banalité scandaleuse utilisée pour un oui et pour un non par le Speaker dès qu’il s’est retrouvé face à ses propres contradictions ou lorsqu’il s’est montré incapable de rappeler à l’ordre les membres de la majorité. C’est peu dire que d’affirmer que le « naming is the new horrific game in town ».

Une situation qui a poussé certaines victimes de ses décisions arbitraires à saisir la Cour suprême. Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan et Arvin Boolell, sont les trois B suspendus le 30 mars, lors de la deuxième séance parlementaire de l’année 2021. Ils avaient été suspendus pour le reste de la session et avaient déjà leur procès en cours devant les tribunaux lorsque le Premier ministre, craignant une possible déculottée pour lui-même et son Speaker après leur décision sans précédent, a, le 18 mai, finalement présenté une motion pour que leur suspension soit levée et qu’ils puissent suivre la lecture du discours du budget 2021-22 et participer aux débats.

Cet épisode n’aura toutefois pas servi de leçon au Speaker, un agent politique, qui est le seul à décider, selon son bon vouloir, de la suspension d’un élu. Le 6 juillet, mécontent de l’insistance du député travailliste Farhad Aumeer à poser une question, Sooroojdev Phokeer va lui demander de quitter la chambre. Une semaine après, le 13 juillet, ce sera au tour du président du PTr, Patrick Assirvaden, de recevoir ses marching orders parce qu’il n’a fait que déplorer que le ministre de l’Administration publique, Vikram Hurdoyal, a tenu des propos qu’il a jugés inacceptables sur la fonctionnaire qui est tombée du 10e étage de l’immeuble Emmanuel Anquetil.

Le honteux « look
at your face »

Une semaine plus tard, le 20 juillet, Arvin Boolell prend huit semaines de suspension sans possibilité d’excuses. Il n’a retrouvé son siège que le 23 novembre. Le 3 août s’écrira d’une autre page sombre pour le Parlement mauricien, Sooroojdev Phokeer lançant à 11 reprises à Rajesh Bhagwan un honteux « look at your face ». Une insistance scandaleuse qui a été prise pour une allusion directe au problème de décoloration de la peau du député du MMM et qui a soulevé une vague de protestations à Maurice comme à l’étranger.

Fort de la protection de la présidence, de petits malins parmi les backbenchers de la majorité, à l’instar de Kenny Dhunoo — qui vient de se faire remarquer dans l’épisode Manisha Jooty de la MBC —, vont se lancer dans des commentaires intempestifs à l’encontre de l’opposition mais, ce jour-là, le Speaker était d’humeur particulière. Il y eut non seulement la référence faciale de Rajesh Bhagwan, mais il a quitté l’hémicycle en pleine PNQ et a aussi demandé à Kenny Dhunoo, qui aime se faire remarquer, d’aller prendre l’air pour le reste de la journée et de la séance.

Le 26 novembre, nouvelle expulsion de Paul Bérenger qui contestait les propos que le Premier ministre lui attribuait sur le dossier des Chagos. Le Speaker venait de reprendre son siège après un mois d’absence, période durant laquelle c’est Zahid Nazurally, le Deputy Speaker, qui a conduit les délibérations sans qu’il n’y ait la moindre anicroche. Le 10 décembre, nouvelle suspension pour quatre séances pour leader du MMM après qu’il eut dit à Sooroojdev Phokeer de « met enn serye do » sous les applaudissements de l’opposition qui reprochait au Speaker d’interrompre de manière délibérée Xavier Duval et empêcher ses révélations sur l’achat de Monulpuravir.

Un peu plus tard lors de cette même seance du vendredi 10 décembre, alors que le ministre Jagutpal, qui avait défendu l’achat de Molnupiravir 10 fois plus cher d’un jour à l’autre, revenait en soirée avec une déclaration pour s’expliquer à ce sujet, Shakeel Mohamed a protesté contre le procédé qu’utilise le ministre de la Santé mais il s’est fait vite renvoyer.

« The public will name you ! »

Mécontent, le député du PTr a, en quittant la chambre, dit à l’adresse de Sooroojdev Phokeer « You are their goalkeeper and a bad goalkeeper at that ». C’était assez pour que le Speaker le « name » et qu’il écope lui aussi de quatre séances de suspension.

Le 17 décembre, nouvelle suspension de Rajesh Bhagwan pour deux séances après qu’il eut réagi aux remarques de la majorité lui demandant pourquoi il quittait l’hémicycle. Le Speaker n’a pas du tout apprécié que le député du MMM leur ait dit que « mo pe al anpes zot kokin » et a décidé de le name. Mais le parlementaire mauve ne s’est pas laissé démonter et a lancé un implacable « the public will name you » à Sooroojdev Phokeer.

Au palmarès des performances, il n’y a pas à dire : c’est Kailesh Jagutpal qui remporte haut la main la palme de l’approximation, de l’information partielle et de réponses légères. Il est vrai qu’il a été mis à rude épreuve depuis l’année dernière et que sa gestion du Covid est très discutée, mais le ministre de la Santé, au lieu de se la jouer modeste, a fait preuve d’une certaine arrogance dans sa manière de répondre aux nombreuses Private Notice Questions de Xavier Duval.

S’il y a ce visage peu reluisant de la démocratie parlementaire, il y a aussi ceux qui font un effort pour lui redonner ses lettres de noblesse, à l’instar du Deputy Speaker Zahid Nazurally, qui s’est fait un point d’honneur de ne pas tomber dans les travers du Speaker et qui a su faire la part des choses et maintenir l’ordre et le calme avec un certain tact.

Mais celui qui s’est vraiment affirmé et qui s’est imposé comme le leader de l’opposition aura sans conteste été Xavier Duval. Par le biais de ses PNQ, il a pu faire remonter à sa surface les travers du pouvoir, comme les conditions dans lesquelles la Mauritius Investment Corporation a distribué les aides aux entreprises en difficulté. Parmi les bénéficiaires des compagnies proches du pouvoir.

C’est en cette fin d’année que le leader de l’opposition a enchaîné les bons coups. Le 19 novembre, il déposait sur la table de l’Assemblée nationale, copie d’une correspondance signée de la Senior Chief Executive du ministère de la Santé, Dalida Allagapen, lançant un SOS à La Réunion et réclamant une aide d’urgence en approvisionnement d’oxygène. La lettre dit même que le Barracuda est prêt à appareiller pour aller chercher cet oxygène, ce qu’il fera d’ailleurs sur plusieurs jours.

Le 10 décembre, nouvelle révélation sur l’achat scandaleux des médicaments anti-Covid par la Santé. Xavier Duval a déposé des documents indiquant que près d’un million de gélules de Monulpiravir avait été achetées à dix fois plus cher en l’espace de 24 heures d’un fournisseur local, inconnu de la place et qui semblait avoir bénéficié d’information de l’intérieur. Les révélations ont fini à l’ICAC.

Le vendredi 17 décembre, dernier jour de travaux pour l’année, le leader de l’opposition est venu cette fois avec des informations sur la manière dont l’argent public est gaspillé. Il a cité des documents qui indiquent que deux ministres, Renganaden Padayachy et Soodesh Callychurn, ont fait fi des recommandations de techniciens en poursuivant la politique de subsides à hauteur de Rs 460 millions en faveur des importateurs de lait en poudre sans que les prix ne baissent pour les consommateurs.

C’est dans une telle situation pandémique avec ses nouveaux variants, les achats controversés et une politique de subvention publique injustifiable que le leader de l’opposition a formellement demandé que les travaux parlementaires soient maintenus, mais vu la situation, le Premier ministre a fait, comme d’habitude : fermer le Parlement jusqu’au 29 mars 2022. Pour un peu de répit quand bien même temporaire.


Ils ont changé de camp

Ils ont changé de camp, mais pas de la même façon. D’un côté, un certain panache et, de l’autre, un transfugisme peu glorieux. Nando Bodha, ministre en vue qui a été à la base de tous les projets infrastrcuturels, métro, autopont de Phœnix, échangeur de Hillcrest, que le Premier ministre a inauguré, a décidé le 6 février 2021 de quitter un « pouvoir cadenassé » pas pour aller gonfler les rangs d’une autre formation, mais pour créer son propre parti, le Rassemblement Mauricien, qui a rejoint la plate-forme de l’espoir, regroupement des partis de l’opposition qui, ces derniers temps, a décidé de travailler aussi en bonne intelligence avec le PTr.

Salim Abbas Mamode a profité des vacances parlementaires de l’hiver pour concrétiser son retournement de veste. Avec le regroupement de l’opposition qui aligne au N°3 trois fortes têtes, Shakeel Mohamed, Aadil Ameer Meea et Eshan Juman, le député du PMSD n’était pas sûr de trouver une place dans le train de l’opposition.

Comme cet élu qui a fait escale au MMM, au PMXD, au PMSD et, aujourd’hui, trouvé son port d’ancrage au MSM est à son deuxième mandat et qu’il est éligible à une pension à vie, il a dû se dire que prendre sa retraite après un poste de PPS serait une option bien plus lucrative pour lui.


Ces grossièretés orphelines

« Bous… to… li… ta… pi… » Voilà une expression qui restera unique dans l’histoire des délibérations parlementaires. Cette phrase bourrée de perles a été prononcée par une voix féminine alors que son micro était ouvert. L’incident est survenu durant les débats sur le Mental Health Bill, le 4 mai, après que l’intervention de Joanna Bérenger a été interrompue par la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. L’incident a été répercuté le soir même sur les réseaux sociaux avec des internautes s’en donnant à cœur joie sur l’auteure des propos infâmes. Le secrétariat de l’Assemblée nationale décide, sur instruction du Speaker, d’initier une investigation et réfère même les enregistrements à la section informatique de la police. Le 11 mai, dans une déclaration à la chambre, Sooroojdev Phokeer accepte qu’il y a bien eu ces jurons, mais la police a été incapable d’établir qui en est l’auteure. C’est l’histoire de grossièretés inqualifiables restées orphelines !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -