Assemblée Nationale – Impressions de séance de mardi : Calme entame

C’est, peut-être, le fait d’avoir débuté la séance avec l’hommage à quatre parlementaires disparus: Khalid Tegally, Satteeanund Peerthum, Premdut Doongoor et Jacques Chasteau de Balyon – ce qui est plutôt inhabituel –, qui a insufflé une atmosphère lourde à la séance de rentrée de l’Assemblée nationale, mardi dernier.
Ceux qui s’attendaient à une foire d’empoigne pour cette reprise, qui intervient après près de trois mois de vacances, ont dû déchanter. Mais pas tant que ça pour qui sait à quel point l’agencement des travaux peut être organisé en faveur de l’exécutif.
Heureusement que la Private Notice Question, axée sur la Covid, a permis d’étaler des chiffres cachés et de constater, une nouvelle fois, à quel point le ministre de la Santé est loin de maîtriser la situation.
Xavier Duval a habilement déjoué une tentative de se faire remonter les bretelles après avoir lancé le mot “stupid” à l’adresse d’un de ces députés de la majorité incapables de se retenir lorsqu’ils sont acculés.
Avant même que le Speaker n’intervienne, le leader de l’opposition a dit que le mot “stupid” est admissible dans la mesure où le Premier ministre lui-même en avait fait usage pour dénigrer un certain… Salim Abbas Mamode.
Qui, comme on le sait, s’est rangé dans le camp du MSM et des travées de la majorité après avoir successivement transité par le PTr, le MMM, le PMXD et le PMSD.
Cette séance de rentrée aura, en fait, été celle de Kailesh Jagutpal contraint de donner des informations sur la pandémie sur l’insistance des députés de l’opposition, dont Karen Foo Kune-Bacha qui avait préparé un barrage d’interpellations pour le ministre.
Ceux qui piaffaient d’impatience de voir quelle parade allait sortir le Premier ministre pour défendre ses poulains Ken Arian, Navin Beekarry et Jean Michel Lee Shim ont, sans doute, oublié à quelles manœuvres le Leader of the House peut recourir pour esquiver les questions et éviter l’embarras.
Comme il y avait une première question plantée au haut de la série du Prime Minister’s Question Time inscrite au nom de la députée de la majorité Joanne Tour, Pravind Jugnauth a fait ce qu’il sait faire de mieux: épuiser les 30 minutes du temps imparti à la tranche des questions qui lui sont adressées sur une seule interpellation.
D’où le cri dépité d’un député de l’opposition observant : “30 minutes gone !” Avec le Speaker, toujours très inspiré, répondant à son tour “Yes, 30 minutes gone”. Fin de l’histoire et bye bye démocratie parlementaire.
Et il ne faut surtout pas compter sur le PM pour déposer tout de suite les versions écrites des questions qui n’ont pas été répondues oralement, les dernières statistiques, éloquentes, indiquant que, sur la période de mars au 3 août 2021, il avait, à lui seul, 83 questions en attente de réponses. Gageons que ce triste chiffre gonflera davantage en fin d’année.
Quelques faits cocasses ont, par ailleurs, émaillé la tranche des questions aux ministres. Comme lorsque la députée Subashnee Luchmun-Roy est venue à la rescousse de Kailesh Jagutpal en lui posant une question orientée pour diminuer les mérites du Dr Ismet Nawoor, brusquement transféré de l’hôpital Jeetoo à celui de Rose-Belle, dossier qui était l’objet d’une interpellation du député du PTr Osman Mahomed.
L’autre séquence cocasse s’est déroulée durant les échanges sur une autre question du même député, cette fois sur le Remdevisir. Sooroojdev Phokeer est intervenue énergiquement pour mettre un terme aux remarques que se lançaient mutuellement les élus des divers bords lorsque, choqué par le ton employé, le leader du MMM a commenté: “Stop shouting like that !”
Piqué au vif, le Speaker a fait du Sooroojdev Phokeer en se comportant comme dans une cour de récré, en répliquant: “You stop shouting ! What’s your business in that ? I am putting order in the House!” Pendant qu’il faisait son numéro habituel, des voix des bancs de la majorité enjoignaient Paul Bérenger de bien mettre son masque.
Et au dirigeant du MMM d’inviter l’hémicycle à “cool down”. Le Speaker, tel un perroquet déréglé de reprendre “cool yourself !” Paul Bérenger a alors rétorqué qu’il n’y a pas plus cool que lui, en y ajoutant le qualificatif de “couillon” que le perchoir l’a  immédiatement invité à retirer.
Et alors que l’on s’attendait à l’habituel brouhaha qui caractérise de telles situations, le député visé a, du bout des lèvres, signifié qu’il retirait son “couillon”, ce qui lui a valu les remarques suivantes de Sooroojdev Phokeer: “You withdraw that word ! Thank you very much. You are a great leader !” Pour couronner le tout, il a aussi lancé “Protect your health” à Paul Bérenger, ce qui a fait sourire plus d’un.
Critiqué de tous côtés jusqu’au plan international, il semblerait que le Speaker ait révisé quelques classiques de l’humour pendant les vacances parlementaires, mais le résultat est loin du compte avec cet humour emprunté.
C’est ni l’école de Desproges, de Bedos, d’Elmaleh ou de Debouzze et même pas du Trevor Noah ou du Jimmy Fallon. Avec Sooroojdev Phokeer, faut aller plutôt chercher du côté de Benny Hill et de Mr Bean (Rowan Atkinson), mais il a encore du temps pour potasser et espérer acquérir un vrai sens de l’humour.
Pas joyeux, lui, Mahen Seeruttun, le ministre des Services financiers lorsque (suivant une question de Reza Uteem sur les Pandora Papers) Patrick Assirvaden a renchéri en ciblant le protégé du gouvernement et du PM, Sattar Hajee Abdoola – administrateur d’Air Mauritius, président de la SBM et un des assesseurs de la commission Britam – dont le nom est sous-jacent dans les révélations des journalistes d’investigations portant sur les cas d’évasion ou d’optimisation fiscale.
Embarrassé, le ministre a répondu par une autre question, celle de savoir si la personne mentionnée a enfreint une quelconque législation régissant les institutions financières de l’île Maurice.
Et à Reza Uteem de faire remarquer que la compagnie à laquelle Satar Hajee Abdoola, Regula Ltd est associée, a été condamnée pour blanchiment d’argent, mais le ministre, lui, a une autre lecture : celle de transactions qui ont été antérieures à l’implication du protégé du gouvernement.
Comme c’est devenu une habitude maintenant pour épuiser le temps de la Chambre et obtenir de longues séquences à la télévision, on a eu droit à plusieurs déclarations ministérielles au Statement Time.
C’est ainsi que se sont succédé Steve Obeegadoo pour nous faire le récit de la réouverture des frontières dont la trame est déjà connue, Mahen Seeruttun pour évoquer le retrait de Maurice de la liste grise du GAFI, et Kalpana Koonjoo-Shah pour parler de la violence basée sur le genre.
Le gros morceau de cette reprise des travaux parlementaires était, évidemment, le Offshore Petroleum Bill présenté par le PM. De nombreux intervenants sur ce texte jusqu’à tard dans la nuit : le leader de l’opposition, Xavier Duval ; le ministre de l’Environnement, Kavi Ramano ; Reza Uteem, député du MMM ; le ministre Joe Lesjongard ; Shakeel Mohamed, député du PTr ; le ministre Avinash Teeluck, Joanna Bérenger, Subashnee Luchmun-Roy et Nando Bodha.
Un fait est certain, c’est que les arguments de l’opposition étaient bien plus convaincants que les justifications déclinées sur un ton pas très inspiré de la  majorité. Les débats reprendront le 9 novembre avec l’intervention du ministre Soodesh Callychurn.
Les interventions des députés Shakeel Mohamed et Joanna Bérenger ont été les plus animés. Comme à son habitude, le député du no 3, venu assister aux travaux sur sa trottinette électrique, a vivement critiqué la démarche du gouvernement, l’accusant d’opérer dans l’opacité avec un dessein précis.
“Mr Point of Order”, Alan Ganoo ne l’a pas entendu de cette oreille et a invité le Speaker à exiger que le député retire ses propos qui équivalent à “impute motives” à l’auteur du texte, le PM. C’est après une suspension de séance qui a duré une heure que le Speaker a tranché et a invité le député travailliste à retirer ses propos, ce qu’il a fait.
Le discours de Joanna Bérenger a, lui aussi, été interrompu par ceux qui semblent ne pas supporter sa présence dans l’hémicycle, à l’instar du ministre Sudheer Maudhoo et son compère Vikash Nuckcheddy. Il est vrai que c’était après le dîner que certains étaient devenus subitement bien plus gais et volubiles.
Au perchoir à ce moment-là, le Deputy Speaker Zahid Nazurally a laissé faire. Ce fut pire lorsque Nando Bodha a, dans son intervention, donné raison à Joanna Bérenger, en disant qu’elle avait dit “something extremely interesting…” à l’effet que “an oil industry can destroy a democracy…”
Les mêmes habituels éméchés ont, alors, lancé “to ekut zenfan, aster ?” Malgré les protestations de la députée visée, le Deputy Speaker s’est retranché dans la parade qu’il n’a pas de leçons à recevoir sur la manière de faire son job, qui, selon lui, est irréprochable.
Ce qui est loin d’être le cas parce que ce qui s’est passé avec Joanna Bérenger n’est pas éloigné du bullying. Et c’est ce même Zahid Nazurally qui revêtira son manteau de grand humaniste pour aller défendre les handicapés devant les Casernes centrales…

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