Assemblée nationale – Du pareil au même avec un Speaker qui est un “real shame”

Du pareil au même ou les semaines se suivent et se ressemblent. La séance de mardi dernier a encore une fois été marquée par la partialité extrême d’un Speaker qui est un « real shame » et qui a décidé de l’expulsion du député du PTr Shakeel Mohamed et de la suspension de Rajesh Bhagwan pour quatre semaines. Une motion en ce sens a été présentée par Steve Obeegadoo. Puis, c’était business as usual, avec la majorité qui a toujours besoin de monopoliser la fin des débats, même sur un texte aussi quelconque que le National Environment Cleaning Authority Bill et qui doit se donner une semaine pour préparer ses « meetings ».

- Publicité -

C’est pendant les débats sur le budget supplémentaire de Rs 9,5 milliards présenté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, que les incidents se sont produits. Après son discours d’introduction, trois députés de l’opposition se sont succédé pour dénoncer la dilapidation des fonds publics et le gaspillage. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’y sont pas allés de main morte.

Reza Uteem s’est appesanti sur le budget supplémentaire dévolu à la santé et les critiques sévères que ce ministère a suscitées de la part du directeur de l’Audit. Le député du MMM a mis en exergue les failles dans la gestion des centres de quarantaine et les achats liés au Covid dont personne ne sait s’ils ne sont pas allés à des bijoutiers ou à des quincailliers. Il s’est aussi appesanti sur ce qui a poussé le gouvernement à accorder des subsides d’un montant de Rs 280 millions au Central Electricity Board alors même que cet organisme avait, au 30 juin 2020, accumulé des excédents financiers de Rs 20 milliards et des réserves de Rs 7,8 milliards.

Eshan Juman n’a pas fait dans la dentelle, non plus. Il a déploré que des dépenses supplémentaires aussi conséquentes doivent passer par « l’imposte », soit en dehors du budget initialement alloué. Pour le député du PTr, c’est la mauvaise gestion et le manque de prévision économique qui expliquent cela. Il a conclu en tournant en dérision Bobby Hurreeram et ses « omelettes qu’il faut casser pour faire des œufs. »

Plus critique encore, son collègue Mahend Gungapersad, dont l’intervention a été suivie avec intérêt de deux côtés de l’hémicycle. Dénonçant les sommes supplémentaires demandées pour la Santé, le député a cité le rapport de l’Audit qui avait établi que “out of some Rs 205 million paid for quarantine charges as of June 2021, invoices for payments totalling Rs 198 million were neither certified”. Et il a continué en évoquant 14 officiers fantômes qui auraient perçu de l’argent alors qu’ils ne sont même pas sur la liste des employés du ministère de la Santé. « Fantôme pe gagn overtime », a-t-il observé sous les rires et les encouragements de ses collègues de l’opposition et devant des bancs de la majorité aussi silencieux qu’embarrassés.

Le lapsus de Bobby Hurreeram étant une nouvelle fois tourné en dérision par l’opposition, Mahend Gungapersad se demandant si, avec ce gouvernement, « se lichien ki vey sosis ou se sosis ki vey lichen », non sans avoir dénoncé ce qu’il appelle les « pratiques mafieuses » en cours.

C’est le ministre de la Santé qui est ensuite intervenu, la norme de l’actuelle majorité voulant que ce soit toujours un membre de la majorité qui précède le ministre qui résume les débats. Dès qu’il a commencé son intervention, Shakeel Mohamed a lancé « shame ! » Invité à s’expliquer par Sooroojdev Phokeer, le député rouge confirmera qu’il a bien dit « shame for him ». « Shame for him ? Out », a décrété le Speaker sans autre forme de procès, alors que ce terme est utilisé depuis que le Parlement existe. Ce qui fait dire à Shakeel Mohamed que « it is parliamentary ». Si le député a insisté, le Speaker lui, n’a fait que répéter « Out ! Out ! »

Malgré les protestations du député, il dira « I tell you shame for the Minister is unparliamentary ! This is my instruction ! And you have to obey ! » Et le spécialiste des excuses va quémander l’indulgence du Speaker et demander s’il peut rester s’il présente ses « apologies ». Voilà quelqu’un qui a revendiqué que le mot « shame » est parfaitement admis et qui est prêt à présenter des excuses pour pouvoir rester dans l’hémicycle. C’est pourtant à un non catégorique qu’il va se heurter.

Les échanges vont se poursuivre sur un ton surréaliste qui frisait presque la familiarité avec des « thank you » comme des salamalecs échangés à n’en plus finir entre Shakeel Mohamed et Sooroojdev Phokeer. Le député finira quand même par quitter la chambre.

Le ministre Kailesh Jagutpal a pu reprendre le fil de son intervention en traitant Eshan Juman de « shame ». Bien qu’une voix dans l’opposition ait attiré l’attention du Speaker sur l’utilisation du mot « shame », ce dernier s’est contenté de dire que le ministre se référait à son intervention. Pas satisfait, avec raison, Patrick Assirvaden invoquera les procédures pour dire que Shakeel Mohamed venait d’être expulsé pour avoir utilisé le même terme et qu’il réclame du président de séance qu’il adopte la même politique.

Furieux, Sooroojdev Phokeer va une nouvelle fois s’engager dans un duel politique avec le président du PTr en lui disant: « Do not attract attention on you ! This is cheap politics ! Parliament is not for cheap politics ! » On dirait un autobut. Or, le ministre de la Santé emploiera de nouveau le mot « shame » en référence à Eshan Juman, la même expression ayant été reprise par certains backbenchers du gouvernement sans que le Speaker n’intervienne.

C’est alors qu’excédé, Rajesh Bhagwan se mettra de la partie pour critiquer ceux qui lançaient « opposition shame ». « You do not have the right to talk, I am on my feet » lui dit le Speaker, mais le député du MMM rétorquera que « We all know you are on your feet ! » Sooroojdev Phokeer continuera avec ses injonctions de la maternelle avec ses « and you keep quiet ! » répétés. « Do not bark at me » réagira sur le même ton Rajesh Bhagwan. Et dans un bafouillis langagier dont il a le secret, il dira « calling me barking, this is most unparliamentary ! And I am ordering you out ! »

« Bann voler ! » criera l’élu du N°20, alors que le Speaker demandait au Sergeant-at-Arms de l’expulser de la chambre. « You think I am afraid of you… I am an elected member », dira le député alors qu’il quittait l’hémicycle.

Après une suspension de séance, Steve Obeegadoo présentera une motion réclamant la suspension de Rajesh Bhagwan pour quatre séances sous les cris de « shame » « la honte » des rangs de l’opposition.

Joanna Bérenger en rajoutera une couche en s’adressant directement à celui qui a proposé la motion de suspension « soidizan gran valer militan, be kot to bann valer militan ete la ? » Les députés de l’opposition ont alors décidé d’effectuer un walk-out avant de s’adresser ensemble à la presse et dénoncer le parti pris du Speaker. Le ministre de la Santé a pu ensuite poursuivre son intervention sur le budget supplémentaire en justifiant les dépenses imprévues avant que Renganaden Padayachy ne résume les débats.

Avant cet énième épisode honteux du Parlement mauricien, les députés de la majorité avaient approuvé le National Environment Cleaning Authority Bill et écouté les interventions successives du vice-Premier ministre Anwar Husnoo qui a surtout critiqué le MMM.

Ce n’était qu’un avant-goût de ce que serait le résumé des débats par le Premier ministre, l’auteur du texte. Dans sa diatribe anti-MMM, il ira jusqu’à se référer au défunt Lloyd Baligadoo qui en… 1988 avait critiqué la création de la National Development Unit et même l’ancien président et député Cassam Uteem qui avait mis en garde contre les Citizens Advice Bureau qui serait converti en « agence politique ».

Venu avec un petit discours préparé qu’il a lu jusqu’à la moindre virgule, Pravind Jugnauth, qui a décidé que le « karma avait été impitoyable » avec le MMM, s’en est ensuite pris à Joanna Bérenger, décidément une épine dans les pieds de la majorité, accusée de verser dans la démagogie. Comme d’habitude, et faute d’arguments plus convaincants, le Premier ministre est retourné dans le passé pour évoquer un « rocksand deal datant de… 2002… de pactole régulier si ce n’est mensuel ». Et il prendra même à témoin Aadil Ameer Meea sans donner d’autres précisions.

Pour clôturer cette séance, l’adoption du Beach Authority Bill, présenté par le ministre de l’Environnement Kavy Ramano, qui n’a vu que la participation des députés de la majorité étant donné que l’opposition avait décidé de ne pas participer aux délibérations suivant les sanctions à l’encontre de Rajesh Bhagwan et de Shakeel Mohamed.

Se sont ainsi succédé à la tribune Bobby Hurreeram, Rajanah Dhaliah, Anjive Ramdhany, Vikash Nuckcheddy qui a pris le prétexte de la sécurité des plages pour revenir sur la Macarena Party de… 1997, ainsi que les députés de Rodrigues, Joseph Buisson Léopold et Francisco François.

À l’issue des délibérations, le Premier ministre a proposé l’ajournement des travaux au 7 juin, date à laquelle le ministre des Finances Renganaden Padayachy présentera le budget 2022-23.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -