C’est une affaire de coeur. Eh oui, la polémique tourne autour d’un recrutement au Cardiac Centre, organisme dont la responsabilité première est de réparer les coeurs malades ou brisés. Et c’est une personne qui lui tient vraiment à coeur que le ministre de la Santé, Anil Gayan, issu du Muvman Liberater, a nommé comme directrice de ce centre sans qu’il n’y ait eu un appel de candidatures préalable pour remplir ce poste.
C’est un dossier qui contient des ingrédients qui ne sont pas sans rappeler l’affaire Sooornack et qui a fait du bruit à l’Assemblée nationale cette semaine puisque c’est la toute première question qui a témoigné d’un premier vif accrochage entre Madame le Speaker, Maya Hanoomanjee, et le leader de l’opposition, Paul Bérenger.
Pourquoi un parallèle avec l’affaire Soornack ? Parce que dans les deux cas, que ce soit celle de l’ancienne salesgirl subitement métamorphosée au contact de Navin Ramgoolam et de l’avouée dévouée à Anil Gayan, c’est strictement sur la base de la proximité qu’elles obtiennent des faveurs. Si Nandanee Soornack a bénéficié, comme l’a révélé Week-End dans un dossier datant de janvier 2013 et qui n’a été que répété par Xavier Duval cette semaine au parlement, d’un contrat après un appel d’offres bidonné en cours de route et qui lui a permis de s’approprier le monopole de la restauration à l’aéroport, qui est du ressort de Navin Ramgoolam, Viyaja Sumputh a, elle, eu un passeport direct pour le poste de directrice du Cardiac Centre.
Dans les deux cas, on note aussi une remarquable constance dans la proximité sur un certain nombre d’années du fait des liens indélébiles qui se sont tissés. Pas plus tard qu’aux dernières élections générales, Vijaya Sumputh a été la très officielle election agent du candidat Gayan au N°20. Elle avait, selon les registres du bureau de la Commission électorale, donné comme adresse c/o Surpertote, Royal Road, Beau Bassin.
Elle a d’ailleurs été vue dans toutes les réunions tenues à Beau Bassin/Petite Rivière où Anil Gayan s’est présenté et où il a été élu en deuxième position juste derrière Rajesh Bhagwan. C’est grâce aux bons soins de sa fidèle collaboratrice que les internautes pouvaient suivre la campagne d’Anil Gayan sur YouTube presque au quotidien.
La relation étroite entre Anil Gayan et Vijaya Sumputh remonte à une quinzaine d’années. C’est au MSM auquel elle adhère en 1998 que la jeune avocate va rencontrer son collègue du barreau et, en sus de travailler ensemble, ils vont aussi s’associer sur le plan professionnel.
Lorsque son collègue devient ministre des Affaires étrangères du gouvernement MSM-MMM en septembre 2000, le secteur n’étant pas gros pourvoyeur de prébendes, Vijaya Sumputh se contente d’expédier les affaires héritées du cabinet de l’avocat Gayan. Toutefois, lorsque le ministre est muté au Tourisme en octobre 2003, un boulevard s’offre à lui pour caser ses proches et c’est ainsi que Vijaya Sumputh est nommée directrice de la Tourism Authority, une nomination qui va susciter pas mal de controverses.
Pravind Jugnauth expulse Vijaya Sumputh
Après le changement de gouvernement en juillet 2005 et alors que le nouveau ministre de tutelle Xavier Duval dénonce non seulement l’immobilisme et l’incompétence de son prédécesseur et de ses protégés, il argue même qu’il y a eu pas moins de 1 200 dossiers restés en souffrance à la Tourism Authority.
Même si le gouvernement a changé et qu’elle n’était qu’une nominée politique et personnelle du ministre Gayan, Vijaya Sumputh fait de la résistance et refuse de partir. Lorsqu’elle est éjectée, elle a l’outrecuidance de réclamer Rs 5 millions à l’État pour « renvoi injustifié ».
Si cela se passe mal sur le plan personnel, cela ne va guère mieux sur le plan politique. Celle qui revendique avoir « la politique dans ne sang » se voit expulsée du MSM le 3 décembre 2005, le leader de ce parti, Parvind Jugnauth, expliquant qu’elle s’est rendue coupable d’indiscipline pour avoir critiqué ses collègues de parti Nando Bodha et Joe Lesjongard.
Une semaine plus tard, soit le 12 décembre 2005, c’est au tour d’Ail Gayan d’être expulsé du MSM pour avoir défendu Vijaya Sumputh et pour lui avoir donné l’autorisation de tenir une conférence de presse dans son bureau pour dénoncer le MSM.
Pravind Jugnauth, très sévère vis-à-vis du couple récalcitrant, déclare même que « c’est étonnant qu’Anil Gayan jure fidélité à Vijaya Sumputh plutôt qu’au MSM » et révèle aussi que « le seul à avoir pris la défense de l’expulsée est Anil Gayan ». Questionné par la presse pour savoir quelles étaient les preuves dont il disposait pour les sanctionner, le leader du MSM lance un très sec : « Pa pouss mwa pou donn zot bann prev. »
Le débat devait, à partir de là, voler bien bas et complètement déraper avec des attaques personnelles les unes plus perfides que les autres balancées dans les médias. Si Pravind Jugnauth dénonce, avec les sous-tendus qui n’en sont pas moins explicites, la relation étroite entre Vijaya Sumputh et Anil Gayan, ce dernier réplique en formulant des insinuations sur un voyage entrepris à l’étranger par Pravind Jugnauth, qui était alors accompagné de sa Permanent Secretary Maya Hanoomanjee.
Vijaya Sumuth s’épanche dans les médias et à 5-Plus elle dénonce les « pires palabres » et ajoute aussi que « quand on fait de la politique, il faut venir avec des arguments politiques et non s’attaquer à ce qui est personnel ». « Quelle bassesse de la part de Pravind Jugnauth », soupire-t-elle, dépitée.
Nomination à la TA : « Clearly illegal », dit XLD
Calme plat ensuite jusqu’à ce que Kalyanee Juggoo porte le dossier de la Tourism Authority à l’Assemblée nationale le 1er août 2006. Et là, quelques grosses surprises puisque le ministre Xavier Duval révélera que, du 5 novembre 2004 au 15 juillet 2005, date de son renvoi, Vijaya Sumputh a effectué, en compagnie du ministre Anil Gayan, quatre missions à l’étranger comme suit : du 3 au 10 décembre 2004 à Dubaï, en Jordanie, Égypte, au Liban et au Koweït ; du 9 au 15 mars 2005 à Berlin ; du 26 mars au 2 avril 2005 en Chine et ; du 9 au 26 avril à Singapour, le tout pour Rs 440 970,13.
Pour couronner le tout, Xavier Duval avait aussi indiqué que « it is to be noted that Miss Sumputh participated in three promotional trips abroad although the objects of the Tourism Authority does not, in anyway, relate to promotion for marketing ». La TA étant avant tout impliquée dans le « licensing and in enforcement of tourism enterprises ».
Et lorsque l’auteure de la question, Kalyanee Juggoo, demande en quelle capacité donc Vijaya Sumputh effectuait ces voyages, Xavier Duval répond non sans malice : « I think we will have to ask Mr Gayan in what capacity she travelled. »
Quant à savoir, comme l’avait demandé Shakeel Mohamed, qui avait autorisé ses déplacements, le ministre du Tourisme d’alors répondra : « I presume they were approved by the Tourism Authority and as custom would have it by the Minister himself also. » Le député travailliste avait aussi réclamé une enquête pour voir s’il n’y avait pas eu entorse aux règlements, le ministre annonçant que le dossier serait envoyé au State Law Office.
Plus édifiante encore la réponse à la question de Shakeel Mohamed sur les status de la Tourism Authority qui interdit que la direction soit occupée par un ou une politique. Xavier Duval, catégorique : « It is said quite clearly that political activists are not allowed to be employees of the Mauritius Tourism Authority. So, in my view, this, in fact, is clearly illegal. »
Vijaya Sumputh, qui s’était exilée en Grande-Bretagne pendant quelques années, a fait son come-back dans l’actualité avec une question de Rajesh Bhagwan à l’Assemblée nationale mardi dernier sur sa nomination de comme directrice du Cardiac Centre. Anil Gayan, absent, c’est Yogida Sawminaden qui répond en s’abritant derrière ce que l’ancien gouvernement travailliste honni avait fait.
Mais l’opposition avait préparé son artillerie. Paul Bérenger, se référant à « madam-la », donne le ton et observe que « we can understand why Minister Gayan is not here » et veut revenir sur la question de 2006, sa nomination à la Tourism Authority et ses voyages autour du monde tous irréguliers, mais la Speaker l’arrête, ce qui donnera lieu à un échange acerbe entre le leader de l’opposition et la présidence accusée de « protéger Gayan ! »
« I am saying that I should be given a minimum decent time to put my question ! This has always been so until now when Minister Gayan is in question, and is not here ! » lance le leader de l’opposition. Prenant le relais, Rajesh Bhagwan rappelle avec raison qu’il n’y a aucune part mention dans le communiqué des délibérations du conseil des ministres de la nomination de Vijaya Sumputh. Pour toute réponse, le néophyte suppléant à la Santé, Yogida Sawmynaden, répond : « Government is Government. »
Le député insiste pour savoir quel est le dénominateur commun de cette double nomination hier à la Tourism Authority et aujourd’hui au Cardiac Centre avant de lancer « this is a clear case of politique de petite copine », alors que le gouvernement avait dénoncé une telle politique pratiquée par l’ancien gouvernement. Au vu de la tournure des événements et de la difficulté du ministre à contenir les assauts de l’opposition, la Speaker mettra un terme à l’échange : « this question has sufficiently been canvassed, next question, please ! »
Cette affaire bien, qu’approuvée apparemment par le conseil des ministres, ne fait absolument pas l’unanimité au sein de la majorité, qui déplore un retour aux mêmes pratiques qui ont conduit le précédent gouvernement à sa chute. Si certains critiquent à vois basse, d’autres préfèrent ironiser.
ANIL GAYAN REPREND VIJAYA SUMPUTH SOUS SES AILES : Des ingrédients qui ne sont pas sans rappeler l’affaire Soornack
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