Chazal le militant, le combattant, Malcolm le résistant, l’ésotérisme et pensée magique de Chazal : autant de facettes peu connues de l’artiste, philosophe, poète mauricien ont été abordées par divers intervenants, lors d’une table ronde, le samedi 17 août, à l’hôtel Paradis Beachcomber. Cette réunion coïncidait avec l’exposition Enn Ti Dialog Avek Malcolm de Krishna Luchoomun. Un choix symbolique pour la tenue de cette assemblée quand on sait que Malcolm de Chazal était très lié à cet établissement hôtelier, où il a passé beaucoup de temps à trouver l’inspiration.
Robert Furlong, l’ancien président de la Fondation Malcolm de Chazal, a fait le lien entre les différentes interventions et discussions autour de de Chazal. Le thème central était l’élément de résistance dans la vie, la littérature et les œuvres artistiques de Malcolm de Chazal. Kumari Issur, Gillian Genevieve et Issa Asgarally ont abordé différentes facettes de l’œuvre de Malcolm. Issa Asgarally a centré son intervention sur le texte inédit de JMG Le Clezio Chazal est toujours au-devant de nous du magazine Italique spécial Malcolm de Chazal (Numéro 8 -2002).
« Performance Artist »
Krishna Luchoomun a mis l’accent sur la résistance dans le travail artistique de Malcolm et déclaré que Malcolm peut être considéré comme le premier « Performance Artist » au monde pour avoir brûlé ses peintures sur la plage du Morne en 1962. Luchoomun a fait ressortir que « La résistance de Malcolm de Chazal aux mouvements artistiques dominants de son temps, apparentés à ceux de Kasimir Malevitch et de Marc Chagall, est une caractéristique déterminante de son style personnel. Cette résistance, qu’il partage avec ces artistes russes, témoigne de son approche unique de l’art, qui distingue son travail du courant dominant. En 1962, Malcolm de Chazal brûle ses peintures parce qu’il ne trouve pas d’acheteur. » Pour Krishna Luchoomun, « cela fait de lui le premier Performance Artist de l’île Maurice et peut-être du monde entier. Il précède même le grand Damien Hirst dont la performance The Currency où il brûlait ses toiles a eu lieu récemment en 2022 ! Banksy, un autre artiste qui a détruit une de ses œuvres en la déchiquetant en morceaux dans sa performance Shredded, est également très récent… »
Pour Kumari Issur, « Mieux qu’un résistant, Malcolm de Chazal est un militant, un combattant. Il combat les hégémonies de toutes sortes, il combat le pouvoir et les privilèges de l’oligarchie blanche, il combat « le préjugé de couleur » (en d’autres mots, le racisme), il combat la hiérarchie des langues et des savoirs, etc. Il prend fait et cause pour les gens au bas de l’échelle, pour les laissés-pour compte, pour les victimes, quite à être marginalisé, à être ostracisé par les bien-pensants de l’époque. À travers ses idées extrêmement novatrices, ce qu’on nommerait aujourd’hui des idées postcoloniales, il déstabilise les cadres de fonctionnement typiques, courants en son temps, pour leur substituer un rapport au monde qui permet de sortir des carcans de la soumission et de la subalternité. Il mérite par conséquent une place de choix au panthéon des penseurs du postcolonial aux côtés d’Aimé Césaire, Franz Fanon et Albert Memmi. »
« La résistance tenace à l’idée de l’évidence et de la pensée ambiante »
Résumant la démarche de de Chazal comme acte de résistance à la fois philosophique et poétique, Gillian Geneviève a avancé l’idée que la lecture des textes de ce dernier suscite chez le lecteur « la résistance tenace à l’idée de l’évidence et de la pensée ambiante. » « Il inocule aussi le plaisir chez l’apprenti écrivain de résister à la tentation de la facilité et de la première image venue. En cherchant la beauté partout où elle se trouve, Malcom nous propose, par sa quête, un acte de résistance poétique à la laideur. Dans ses textes, il indiquait à ses contemporains la voie de la résistance sous toutes ses formes. De la résistance au productivisme, de la résistance au pragmatisme, d’être dans la consommation plutôt que dans la contemplation poétique.La résistance chez lui s’articule aussi bien autour de l’idée de refuser une pensée ready-made qu’autour de l’idée qu’il est possible de penser autrement… »
À travers son œuvre créative et les articles de presse, au cours de plus de trois décennies, Chazal a livré ses thèses et n’a cessé d’inciter les lecteurs à une plus grande liberté de pensée et d’action.
Atelier créatif pour enfants : « Vinn Dir Enn Ti Bonzur Tonton Malcolm »
Un atelier créatif Vinn Dir Bonzur Tonton Malcolm a été organisé, le 10 août, pour les enfants de 7 à 13 ans, à The Hybrid, Telfair Moka, dans le cadre de l’exposition Enn Ti Dialog avek Malcolm de l’artiste plasticien Krishna Luchoomun. Les enfants ont passé un moment merveilleux et créatif. L’atelier a commencé par une visite de la galerie pour découvrir les œuvres de Krishna. Ils ont ensuite été initiés à Malcolm de Chazal et à son monde fantastique. Aucun des participants n’avait entendu parler de Malcolm, ni vu ses œuvres auparavant.
Après la courte présentation sur Malcolm de Chazal, les participants ont été invités à examiner attentivement les œuvres exposées et à esquisser les éléments qui ont retenu leur attention. Il leur a, ensuite, été demandé de transférer leurs dessins sur des masques réalisés au préalable à partir de ballons, de papier et de colle. Chaque participant avait un masque et était invité à peindre son dessin sur les masques dans ses couleurs préférées. Krishna Luchoomun a animé l’atelier, aidé par les jeunes artistes Meekshuma Naek et Deerooven Pavaday. Ces jeunes artistes talentueux ont joué un rôle essentiel en tant que facilitateurs, inspirant et guidant les enfants tout au long du processus créatif. Chaque participant a pu porter son masque de ballon unique pour une toute première performance dans la rue principale de Telfair. Un moment inattendu et surprenant pour le public. Cette expérience unique laissera, nul doute, un impact durable sur les enfants qui ont participé à l’atelier créatif.