Dans Échappée belle à Travers les Églises, il nous avait conté le fabuleux récit de 12 des lieux de culte catholique les plus emblématiques. Dans La Cathédrale Saint Louis, il a délaissé son clavier pour nous faire découvrir en images les mille trésors de l’église-mère du diocèse. Et voilà que, cette fois, dans son dernier documentaire, Sur les Pas des Prélats, l’increvable Alain Jeannot nous relate, en pilote avisé, l’œuvre riche et abondante des 11 évêques qui ont précédé Mgr Jean-Michaël Durhône, le dernier consacré à la tête du diocèse de Port-Louis.
D’emblée, le réalisateur nous rappelle les tout débuts de la présence catholique à Maurice, il y a de cela plus de quatre siècles. Le 21 mars 1616, en effet, l’équipage d’une caravelle venant de Goa en Inde et naviguant en direction de Madagascar aperçoit de loin la côte du Grand-Port.
Le lendemain, 22 mars 1616, le voilier, qui compte notamment à bord quatre prêtres jésuites de nationalité portugaise, accoste quelque part au port. Ignorant que l’île est, alors, déjà occupé par des Hollandais depuis 1598, ces prêtres qui ont vu au loin cette terre pour eux inconnue la veille au jour de la Saint Benoît, décident de baptiser le Grand-Port du nom de Saint Benoît, le Père de la Règle monastique.
Ce même 22 mars 1616, le père Manuel Aldeima sj, supérieur des jésuites à bord, préside une messe sur place. Celle-ci est dite en plein air sous un grand arbre. Et c’est ainsi que démarre à l’île Maurice l’Histoire de la présence catholique. Coïncidence ou volonté divine ? Toujours est-il que les premiers évêques de Port-Louis seront issus du rigoureux Ordre de Saint Benoît (OSB).
À l’image de Mgr William Collier, le tout premier évêque nommé au moment de l’élévation en 1847 du vicariat apostolique en diocèse de Port-Louis. Arrivé dans l’île le 14 septembre 1841 alors que le pays est déjà passé depuis 1810 de colonie française à colonie britannique, cet évêque anglais débarque en compagnie, notamment, d’un certain père Jacques Désiré Laval, missionnaire spiritain français qu’il est allé spécialement recruté.
Dès lors, sous la direction de Mgr Collier et grâce largement au zèle apostolique du Père Laval, le travail d’évangélisation de l’île sera d’une grande fécondité.
Dans son documentaire, Alain Jeannot nous rappelle, entre autres, que Mgr Collier aura été aussi l’instigateur de l’arrivée au pays des Sœurs de Lorette et des Frères des Écoles chrétiennes. Et que c’est lui qui encouragera Mère Marie Augustine à fonder l’œuvre de Notre Dame du Bon et Perpétuel Secours (BPS) qui a, entre autres, été à la base de la création d’une léproserie dans l’île.
Comme pour juger comment l’épiscopat de Mgr Collier a été fertile, il suffit de savoir qu’à son départ en 1862, l’île comptait 12 paroisses et plus de 30 églises construites contre seulement cinq paroisses et deux petites églises à son arrivée en 1841. De même, des seuls 8 prêtres en poste en 1841, ils étaient 35 à pied d’œuvre en 1862.
« Saint Père Laval » : une croyance qui date de 1893
Le documentaire nous apprend, par ailleurs, que la réputation de sainteté du Père Laval remonte aussi loin que 1893 quand l’évêque jésuite d’alors, Mgr Léon Meurin sj fit instruire un procès informatif à ce propos. Avant que ne débute formellement le procès en béatification de l’apôtre de l’île Maurice sous l’épiscopat du spiritain, Mgr John Baptist Murphy, Cssp, consacré évêque de Port-Louis en 1917.
Il est bon de noter qu’avant de débarquer dans l’île, Mgr Murphy, spiritain comme le Père Laval, avait même été en pèlerinage à Pinterville sur les traces du Bienheureux. Depuis l’amorce du procès informatif de la réputation de sainteté du Père Laval en 1893, il aura, donc, fallu attendre 86 longues années avant sa béatification effective par le Pape Jean-Paul II en avril 1979 sous l’épiscopat de Mgr Jean Margéot.
Alain Jeannot nous apprend que la reconstruction de la cathédrale dans sa structure actuelle et son inauguration en 1933 fut faite sous l’épiscopat de Mgr James Leen, l’Irlandais. De même que la construction du monument Marie Reine de la Paix durant la 2e Guerre Mondiale ainsi que la chapelle d’adoration perpétuelle du Montmartre de Rose-Hill.
Le dernier évêque d’origine étrangère à la tête du diocèse de Port-Louis allait être un autre spiritain irlandais : Mgr Daniel Liston. Son épiscopat a duré de 1949 jusqu’à l’accession du pays à l’Indépendance en 1968. Lui aussi accordera une attention particulière à l’éducation, ayant même été le premier recteur du Collège du Saint Esprit dès 1938.
Comment parler des évêques du diocèse de Port-Louis sans évoquer la figure emblématique du cardinal Jean Margéot, premier Mauricien à accéder à cette charge à partir du 6 février 1969. Et premier Mauricien aussi à être élevé au rang de cardinal en 1988 par le Pape d’alors, Jean-Paul II.
Dans Sur les Pas des Prélats, le journaliste et historien Yvan Martial parle en des termes très élogieux de ce grand Mauricien.
De sa « grande ouverture d’esprit » vis-à-vis des hommes politiques « dont ceux qui ne se gênaient pas de critiquer l’Église ». Mais aussi son « ouverture d’esprit » envers les autrement croyants.
Un Te Deum pour accueillir l’Indépendance
Yvan Martial rappelle, par exemple, comment même si une partie très appréciable des fidèles catholiques avaient voté contre l’accession du pays à l’Indépendance lors des élections-referendum d’août 1967, Mgr Margéot devait choisir de faire chanter un Te Deum en la cathédrale, en signe d’action de grâces pour fêter l’Indépendance nationale !
Ce qui, ajoute-t-il, ne devait pas pour autant empêcher le prélat de protester vigoureusement, quelque temps après, contre les « mesures liberticides » du gouvernement de coalition PTr/PMSD entretemps constitué – censure de la presse « que l’on a trop souvent tendance à oublier », état d’urgence prolongé jusqu’aussi loin que le 12 mars 1978 « avec ses interdictions de rassemblements politiques », entre autres.
Yvan Martial rappelle encore un autre « geste prophétique » du cardinal Margéot : sa décision de mettre les collèges catholiques très prisés au service de l’éducation gratuite à partir de 1977 « même si l’Église prenait, alors, le risque de perdre l’autonomie de gestion de ses établissements secondaires ».
Puisqu’il aura fallu faire des choix, le réalisateur n’a, sans doute, pas pu mettre en lumière d’autres aspects lumineux de l’épiscopat du cardinal Margéot. Comme l’orientation générale qu’il a donnée à son clergé dès le départ pour que l’Église à Maurice soit une église « politiquement plurielle » toujours à équidistance des partis politiques existants et qui n’impose rien à ses ouailles quant à leur choix politique respectif.
Qu’importe, disait-il, en substance, que le gouvernement en place soit plutôt monarchiste ou plutôt républicain, plutôt socialiste ou plutôt libéral, ce qui comptait le plus à ses yeux de pasteur éclairé c’était le respect des valeurs telles la démocratie, la liberté d’expression dont celle d’une presse libre, le droit de se rassembler ou la liberté de culte.
Pour conclure, l’épiscopat long de 30 ans et tout aussi fécond du cardinal Maurice Piat. Invité à en témoigner, le père Gérard Mongelard rappelle comment au moment de son installation comme nouvel évêque, certaines voix s’étaient faites entendre pour se demander , non sans sous-entendus, « pourquoi lui ? ».
Le prêtre laisse, aujourd’hui, comprendre que ces appréhensions de départ ont vite été dissipées quand Mgr Piat choisissait, par exemple, de consacrer ses deux premières Lettres pastorales à la question kreol, alors, au cœur d’une brûlante l’actualité.
« Le cardinal Piat a été un grand évêque courageux car il a su mobiliser tous les Mauriciens autour de la cause créole », déclare le père Mongelard. Qui souligne que le cardinal Piat a aussi été très sensible à la question de l’éducation. Notamment, le drame de l’échec scolaire auquel est confronté un trop grand nombre d’enfants mauriciens. Tout comme son engagement auprès des victimes de la toxicomanie et de leurs familles.
Le documentaire s’achève sur une vue de la belle église de Sainte-Croix située juste à côté du tombeau du Bienheureux Père Laval. Le narrateur estime que ce n’est pas une coïncidence que ce fut Mgr Margéot, le premier évêque mauricien, qui procéda à la consécration de cette nouvelle église.
Sainte-Croix, lieu où repose le Père Laval. Un peu comme pour formuler un vœu : celui de la canonisation du premier « saint de l’île Maurice ». Pourquoi pas, sous l’épiscopat du nouvel évêque, Mgr Durhône, qui vient tout juste de démarrer…
Alain Jeannot a coutume de dire à ceux avec qui il partage des informations que le savoir est « ce bien inestimable dont la valeur se multiplie à souhait à chaque fois qu’il est partagé ». Souhaitons, donc, la plus large diffusion à son dernier documentaire. En attendant la publication de son livre sur le même sujet d’ici à la fin de l’année…
Sur les Pas des Prélats d’Alain Jeannot : de Mgr Collier à Mgr Piat, l’œuvre riche et abondante des 11 prédécesseurs de Mgr Durhône
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