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SCÈNES : Tennessee Williams, les archives de la violence

La troupe théâtrale du Mauritius Institute of Education (MIE) a présenté vendredi dernier des extraits de trois pièces qui ont rendu le dramaturge américain Tennessee Williams célèbre : « Un Tramway nommé désir » (1948), « La Ménagerie de verre » (1945), « La Chatte sur un toit brûlant » (1955). Un univers sombre qui aurait pu être pesant. Pourtant, la pièce a été jouée avec beaucoup d’émotion, mais sans excès, dans une mise en scène audacieuse d’Ashish Beesoondial. Le spectacle était entrecoupé par les interventions de Pascal Nadal, acteur-narrateur.
Ils sont jeunes et inventifs. Ils sont capables de jouer différents rôles, de varier les registres, d’être drôles et tragiques à la fois. Les acteurs de la troupe du MIE ont présenté dans le cadre du centenaire de la naissance de Tennessee Williams des textes singuliers dans l’ensemble des écrits majeurs de l’auteur. Pendant près de deux heures, la mise en scène signée Ashish Beesoondial a creusé dans l’épaisseur de la cruauté, la brutalité et d’autres aspects du comportement humain. On sait que les oeuvres de Tennessee Williams interrogent la violence, qui pour l’auteur fait partie de la condition humaine. Curieux envers une manifestation théâtrale qui se présente sous la forme d’extraits discontinus, nous avons suivi le parcours de réflexion sur le phénomène théâtral, sa place, sa nécessité dans la société à travers les répétitions. Le travail en amont révèle une rencontre avec soi-même, une mise en danger de l’être pour questionner les personnages et mettre l’accent sur les relations qui existent entre eux, et leur situation personnelle. Bouleversé par l’extrême violence chez Williams, ses personnages torturés, l’intensité des émotions, Ashish a choisi comme fil conducteur dans la mise en scène et le jeu d’acteur la confluence et la coexistence de traits diversifiés. Tous les extraits présentés se consacrent à explorer la douleur de ces « misfits » comme Laura (Ketsia Leste) dans cette histoire de famille terrible qu’est « La Ménagerie de verre », Blanche (Pallavi Sharma dans « Un Tramway »). Dans la mise en scène, ces moments de vertige où l’on perd le contrôle de soi, ces sentiments d’insatisfaction et ce désir d’échapper à sa condition sociale pour accéder à une autre vie. On pourrait reprendre avec Artaud l’idée d’une cruauté liée à la vie, mais plutôt que de théâtre de la cruauté, Ashish préfère parler d’un théâtre qui bouleverse par la profondeur des sentiments, l’intensité des émotions, le sentiment de ne pas être à sa place et la quête de soi. C’est la vie qui est cruelle. Ainsi s’explique l’importance des femmes : Laura, infirme, Amanda, détruite par l’échec de sa vie (La Ménagerie de verre), Blanche Dubois, « héroïne folle » (« Un Tramway »). Le théâtre de Williams ne laisse indemne aucun personnage. Ashish Beesoondial a analysé les thèmes de la passion, la violence, la folie à travers un travail physique et mental. La scène devient une arène où les corps et les voix se risquent et se conjuguent. La troupe théâtrale du MIE nous a réservés une mise en scène audacieuse et rythmée comme dans l’interaction entre Jim (Nuckiren Pyneeandee) et Laura. Jouer des extraits de pièces pendant deux heures relève véritablement du défi : on ne progresse pas lorsqu’on joue des extraits et il faut maintenir la même intensité de jeu après chaque coupe. Ashish s’est intéressé à explorer les personnages et leur situation sociale et faire exploser les non-dits. Il avoue que le théâtre de Tennessee Williams est sombre, mais il permet de questionner l’individu et le conflit qui existe entre situation sociale et aspirations. Williams a lui-même commenté certains thèmes (la folie, le viol, l’inceste, la mort violente, la nymphomanie) de ses oeuvres comme faisant partie de la condition humaine. L’auteur était très conscient de la violence de ses pièces exprimée dans un décor américain. Mais son théâtre se prête aujourd’hui à une mise en scène moderne.

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