Publication – Malenn Oodiah : le Manifeste de l’Avenir

Confronté à de multiples crises qui s’alimentent et se renforcent, notre pays est aujourd’hui placé devant un choix déterminant pour son avenir. Un choix qu’il faudra assumer collectivement et qui requiert la participation de tout un chacun. Malenn Oodiah, sociologue, observateur de notre société, propose un projet de manifeste qui résulte d’un élan positif, volontariste, alternatif et créatif. Le Manifeste de l’Avenir a été lancé le 6 septembre à Plage Factory, rue St Georges, Port-Louis.

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Le Manifeste de l’Avenir trace les contours d’un projet de société alternatif, autour d’un nouveau pacte social et citoyen, et propose des solutions pour vivre mieux dans le respect de la planète, de l’humanité et de l’ensemble du vivant. Avec cet ensemble de textes (une contribution citoyenne à la campagne pour les législatives 2024), Malenn Oodian délivre les raisons de son combat et aussi des raisons d’espérer. En 2017, l’auteur avait lancé Projet de Société avec une série d’analyses-réflexions écrites et reliées dans le livre Pour une Révolution Tranquille – Le Rêve Mauricien – Vert Humain Moderne, lancé le 1er mai 2022. Le présent Manifeste présente de nouvelles thématiques à côté d’autres contenues dans Pour une Révolution Tranquille, mais avec une réactualisation ou un léger remaniement.

Le Manifeste de l’Avenir a necessité sept ans de recherche, d’analyses et de réflexions. “Il se veut responsable, sérieux, réfléchi, honnête et résolument engagé pour une société meilleure… J’invite à un débat démocratique et aux critiques constructives pour jeter les bases d’une république mauricienne démocratique avec ses droits, devoirs et libertés. Une société fondée sur des valeurs humaines, valorisant le vert et animée par une vraie modernité…”, écrit Malenn Oodiah dans l’avant-propos de son livre. Le monde change. Il est essentiel de poser un regard lucide sur notre société – ses forces, ses dysfonctionnements – pour en bâtir une autre, ensemble. Le projet de Manifeste répond à un besoin de mettre sur pied une démocratie régénérée, proposer une alternative citoyenne à tout ce qui gangrène notre démocratie. Il faudra lutter contre tout radicalisme et tout repli identitaire et construire une société ouverte, apaisée, créative et inclusive. “Le Manifeste de l’Avenir est une contribution citoyenne à la campagne pour les législatives 2024.

Un temps fort sera la présentation par les partis et alliances politiques de leur programme électoral pour les cinq prochaines années. Le monde vit une situation inédite sur plusieurs plans – dérèglement climatique, bouleversements géopolitiques et géoéconomiques, espace cyber et intelligence artificielle – posant la question fondamentale de la réalité et de la vérité. Maurice fait partie du monde, son avenir est intimement lié à lui. Ce manifeste est le prolongement naturel de notre engagement citoyen pour comprendre, analyser et partager, sur plusieurs plateformes depuis plusieurs années, nos réflexions et analyses…”, écrit Malenn Oodiah. Nous proposons un extrait du livre qui donne un aperçu de la démarche de l’auteur.

Extrait
“Vivre et construire ensemble”
« Le défi des défis de la société mauricienne en ce début du 21ème siècle est de pérenniser le vivre et le construire ensemble tout en l’enrichissant. Notre ADN, l’ADN mauricien, est le fruit d’une histoire longue de plus de trois siècles pendant laquelle des groupes venus des quatre coins du monde se sont installés pour construire une société traversée par des contradictions, des souffrances, des luttes, des opportunités, des crises et sorties de crise, des avancées. Si tout le monde s’accorde sur la résilience de notre vivre-ensemble, il ne faut nullement la prendre pour acquise. Le défi aujourd’hui est complexe, et il faut bien en saisir le sens profond de même que ses dimensions. La situation reste toutefois inquiétante, troublante. Et nous pesons nos mots. Les dynamiques qui la travaillent sont dangereuses, voire mortifères. Sur tous les fronts, il y a des raisons de s’inquiéter : les inégalités croissantes, la précarité, la pauvreté et l’extrême pauvreté, la drogue avec ses mafias qui ont infiltré les institutions, l’État – ou plus précisément, le mauvais état – de la gouvernance et l’étendue de la corruption, les violences latentes et manifestes, verbales et physiques.

Modèle sociétal et valeurs
« Le modèle sociétal et les valeurs qui le sous-tendent constituent une dimension de base. Est-il nécessaire d’insister que tout au long de notre histoire, la soif de justice a été une constante qui a donné lieu à des luttes et des combats sur de nombreux fronts ? Cette soif se traduit par un refus d’une justice à deux, voire à plusieurs, vitesses. Une autre valeur fondamentale est l’égalité des chances et d’espérances. Il va sans dire que ces valeurs ne se décrètent pas, mais doivent se traduire dans des pratiques concrètes, tant au sein des institutions et organisations publiques que privées. Une politique volontariste s’impose, afin de tout mettre en œuvre pour en finir avec ces «ismes» pollueurs que sont le népotisme, le favoritisme, le clanisme et le noubanisme qui rongent notre société et entraînent frustrations individuelles et de groupe. Le noubanisme n’est pas le fait des seuls politiques. Les institutions du privé sont tout autant concernées. Confrontées au concret de la pratique, des initiatives dans le sens de la promotion des valeurs modernes donnent à penser que souvent, elles obéissent à du politically correct quand ce n’est pas du simple lip-service.

Socio-économie et vivre-ensemble
« Dans toute société, la population – toutes ses composantes – aspire à satisfaire ses besoins de base. Elle a des attentes et aspirations pour améliorer sa qualité de la vie et préparer l’avenir de ses enfants. Le modèle de développement suivi depuis quelques années engendre des inégalités croissantes. La pauvreté et l’extrême pauvreté s’amplifient aussi parce que les initiatives et plans imaginés pour en venir à bout n’ont pas donné les résultats escomptés. Nous sommes en train de jouer avec le feu. La polarisation de classe peut engendrer une situation où d’un côté se trouvent ceux qui ont tout à perdre car ils ont tout, et de l’autre ceux qui n’ont rien à perdre car n’ayant rien. Le vivre et construire ensemble c’est aussi de voir plus loin que le bout de son nez et de bien intégrer la lutte contre tous ces maux dans un modèle socio-économique à inventer qui soit porteur, et porté par tous. Notre destin commun ne peut se conjuguer avec un aménagement du territoire fondé sur la ségrégation socio-spatiale et le sentiment d’une majorité de Mauriciens qui disent devenir locataires dans leur pays avec l’envahissement de multimilliardaires venus d’ailleurs. Maurice est un modèle pour le monde en raison de la coexistence de groupes ayant des différences culturelles et religieuses. Ces différences constituent une richesse qui est trop souvent ignorée en raison de leur exploitation/ instrumentalisation par des sectaires et autres intégristes qui sont actifs dans notre société. Ces derniers sont des fossoyeurs car leur idéologie sape les fondements même du vivre-ensemble et de la République. Là où cela se complique, c’est quand la complicité des politiques avec ces forces intégristes/ sectaires va jusqu’à des compromissions contraires aux valeurs et pratiques d’une République réellement moderne. Cette dimension est centrale dans la problématique du vivre et construire ensemble, et nous touchons là à la nécessité de refonder la politique pour dire non à l’ethno-politique et toutes ses dérives. Ces forces sectaires puisent leur force dans le terreau socio-économique et acquièrent de l’importance par les politiques. Le vivre et construire ensemble passe par la refondation de la politique à Maurice. Des forces politiques plus ou moins nouvelles en ont fait leur cause ; et les initiatives en cours et à venir qui vont dans ce sens méritent un soutien actif. C’est à l’État et à ceux qui le dirigent qu’il revient au final de créer l’environnement global nécessaire pour garantir l’égalité citoyenne dans tous les domaines. Ici, il convient de repenser notre laïcité comme principe de neutralité à l’égard des composantes de notre société. Il y a un travail de démystification, de sensibilisation et d’ouverture vers les autres à faire. On évoque souvent la tolérance. Il ne s’agit pas de tolérer, mais de s’ouvrir aux autres et de s’enrichir des différences. »

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